MAG Louisa Carberry

Le rendez-vous est pris : 9 h 30 sur les pistes. Depuis le domaine de la Ferrière, à Châteaubriant, où nous avons passé la nuit, il faut 25 minutes pour rejoindre le centre d’entraînement de Senonnes-Pouancé, autour duquel gravite une quarantaine d’entraîneurs et près de 600 chevaux. En chemin, le crachin matinal a laissé place à quelques rayons de soleil, tout juste ce qu’il faut pour illuminer les champs de colza et les fusains pourpres. À peine avons-nous eu le temps de pénétrer sur le site et de laisser l’empreinte de nos semelles sur le sable que le lot de Louisa Carberry fait son entrée. La professionnelle est en selle sur le bien nommé Gran Diose (Planteur), qui ne fait pas moins d’1,80 au garrot ! Son époux, l’ancien jockey d’obstacle Philip Carberry, est quant à lui associé à Docteur de Ballon (Doctor Dino), le champion de l’écurie. Et il faut dire qu’avec son casque, sa veste et sa ceinture orange fluo, l’alezan et lui forment une paire bien assortie !

Quel entraîneur d’obstacle n’a jamais rêvé de remporter le Grand Steeple-chase de Paris ? Ce graal, Louisa Carberry, l’a décroché à deux reprises, en 2020 et 2021, grâce au formidable Docteur de Ballon : « L’emporter une troisième fois… C’est un rêve ! On sait qu’on ne peut pas faire mieux que cela. Quand on y a déjà goûté, on ne travaille plus que pour revivre cet instant. »  En raison d’une blessure, le représentant de madame Robert Gasche-Luc n’a pu remettre son titre en jeu en 2022. Il a fallu attendre le 26 mars dernier et le Prix Hubert du Navailles (Haies) pour revoir le cheval en piste. Huitième ce jour-là, Docteur de Ballon devait par la suite figurer au départ d’une autre épreuve sur les haies. Mais il a dû être retiré de l’épreuve : « Docteur de Ballon devait recourir mais, physiquement, ce n’était pas possible. Nous l’avons donc laissé au calme. Petit à petit, nous avons repris les galops de chasse », explique Louisa Carberry. Devant nous, Docteur de Ballon effectuait donc son premier canter depuis son interruption. Le cheval a effectué un tour de piste, soit 2.000m. Sous la selle de Philip Carberry, il a effectué un bon travail, bien qu’un peu regardant : « C’est son premier travail depuis deux semaines. Le reste se fera en progression jusqu’à la semaine du Grand Steeple. Je suis très content de ce qu’il a effectué et, s’il est bien, je le serai également… »

Après le passage de Docteur de Ballon, Louisa Carberry a travaillé avec Gran Diose. Le duo a effectué deux tours de piste soit 4.000m sous les yeux de Frédéric Hinderzé, le copropriétaire et coéleveur. Il s’agit du tout premier poulain qu’il a fait naître avec son associé Luc Monnet. Ce quinquagénaire, qui possède désormais une vingtaine de chevaux de course en plat comme en obstacle, va avoir son premier partant dans le Grand Steeple-chase de Paris :​​​​​​ ​​​​​​ «​​ Avec Gran Diose, nous avons le “combi” parfait : bon entraînement, excellente génétique et parfaite santé. Désormais, il ne reste plus qu’à bénéficier d’une course limpide. Finalement, il n’y a pas de pression. Cela fait un an et demi que Louisa et Philip songent au Grand Steeple. Maintenant nous y sommes ! Avec eux, nous vivons une aventure presque familiale. Nous faisons tous partie de l’équipe et nous prenons beaucoup de plaisir. » En 2022, avec Sel Jem (Masked Marvel), Gran Diose a été le seul cheval d’âge à avoir enlevé trois Groupes : le Prix Romati (Gr3), le Grand Steeple-chase de Compiègne et le Prix Georges Courtois (Grs2).

« Docteur de Ballon et Gran Diose ont tous les deux des profils et des histoires bien différentes. C’est très intéressant d’ailleurs », sourit Louisa Carberry avant de poursuivre : « Le point fort de Docteur de Ballon, c’est son intelligence. C’est aussi un superbe athlète et il possède un gros changement de vitesse. Il sait comment se préserver durant le parcours et fait ce qu’on lui demande. Son rush final est incroyable. Je n’ai jamais vu un cheval capable de faire ça en steeple après une distance aussi exigeante que celle du Grand Steeple. Gran Diose, lui, a beaucoup de train. Et, bien qu’il n’ait pas un changement de vitesse aussi conséquent que son aîné, il est capable d’aller très vite. À un moment, nous avons douté de sa tenue. Mais il était encore jeune. Et, au vu la masse du cheval, je pense également qu’il manquait encore de force. À 4ans, sur 4.400m, il ne finissait pas aussi bien ses courses que sur 3.500m et 3.700m, distances où il était très fort. » De retour à l’écurie, chaque cheval a pu profiter d’une douche et d’un passage – de près d’une heure – dans les grands paddocks derrière l’écurie. Docteur de Ballon s’est éloigné de nous tranquillement pour brouter l’herbe, se rendant alors inaccessible pour une séance photo. Quant à Gran Diose, encore débordant d’énergie, il n’a pas perdu l’occasion de se mettre en évidence et de se montrer curieux face aux caméras, appareils photos et smartphones braqués sur lui.

Ce n’est pas dévoiler un grand secret que de dire que Louisa Carberry n’a que très rarement travaillé avec du “premier choix”. Docteur de Ballon, que tout le monde reconnaît aujourd’hui comme un “très grand”, n’était pas un cheval qui faisait rêver le concurrence quand il est arrivé à Senonnes. Lorsqu’il a décroché son premier succès à Auteuil, à l’âge de 4ans, aucun courtier n’a essayé de l’acheter !  C’est donc patiemment que les Carberry ont bâti leur réussite, en “pianotant” pour faire durer leur premier fer de lance. Le travail paye et l’effectif grandit. Sur l’ensemble de la saison 2017, les Carberry ont présenté 23 chevaux différents, contre 39 en 2022 et déjà 22 sur les cinq premiers mois de 2023. On voit de nouvelles casaques apparaître dans l’effectif, comme celle de Peter-Robert Spiller, la Scea Marais des Pictons, Meta Cantillon, Monika-Christine Sweeney, Sam Hoskins, le haras de Montaigu, Lord Daresbury, James Finch, Jean-Pierre Micholet, Pierre Pilarski, Michael Naylor, Samuel Sutton, le haras des Octets… Liste non exhaustive !