Karlshof, le haras commercial avec le meilleur taux de black types en Europe
Depuis 2015, le Gestüt Karlshof a vendu 107 yearlings et 14 sont lauréats black types. Soit un taux de 13,08 % qui est inégalé en Europe parmi les haras commerciaux sur la période. Le plus étonnant, c’est que la famille Faust y parvient sans aller à des saillies chères. Holger Faust a accepté de lever (un peu) le voile sur la méthode Karlshof.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
En 2023, le Gestüt Karlshof va être sacré champion des éleveurs en Allemagne. C’est un quatrième titre depuis 1990. On le sait outre-Rhin, il faut théoriquement avoir élevé le gagnant du Derby et du Preis der Diana pour obtenir le titre, ces deux épreuves étant considérablement plus dotées que le reste du programme. La singularité de Karlshof, c’est d’être sacré en 2023 sans avoir remporté un de ces deux classiques. Pour cela, il a fallu sortir beaucoup de gagnants et surtout beaucoup de black types. Cette année, pas moins de treize chevaux élevés par la famille Faust ont pris du caractère gras. Dans leur pays de naissance bien sûr, mais aussi en Italie, en France, et aux États-Unis. Holger Faust réagit : « C’est une grande satisfaction pour le haras. Nous n’avons pas une superstar mais beaucoup de bons chevaux. » Hasard ou coïncidence, l’étalon “maison” Counterattack vient de donner son premier gagnant en obstacle avec le 3ans Kourosh (Counterattack) qui a débuté par une victoire de vingt et une longueurs à Newbury. Sur le papier, il faut énormément d’imagination pour voir un père de sauteur dans cet étalon australien. Holger Faust poursuit : « Counterattack ne ressemble pas à un sauteur. Mais ses produits sont tous grands et solides. De manière assez étrange, comme son père Redoute’s Choice, il transmet bien plus de tenue qu’attendu. De même, ils vont dans le lourd. Kourosh a été très impressionnant. Je pense que Rubaiyat, lui aussi, aura des gagnants sur les obstacles car il a les qualités et le pedigree pour briller dans les deux univers. » Avec seulement quarante-quatre partants en plat, Counterattack est le père de sept black types. Soit un taux de réussite remarquable (15 %).
Ils n’ont pas un gros budget saillies
Deux sont par Zarak (Dubawi), à l’époque où il officiait à 12.000 €. Deux autres par The Grey Gatsby (Mastercraftsman) durant ses saisons à 7.000 €. Un Havana Grey (Havana Gold) à l’époque où il officiait à 6.000 £. Un Outstrip (Exceed and Excel) dont le tarif était de 5.000 £. Deux Isfahan (Lord of England), proposé à 4.000 € à cette époque, trois Counterattack (Redoute’s Choice) qui saillissait à 6.500 €…  : « Dans ce grand jeu que sont les courses et l’élevage, le sire power est crucial. Le top 10 des étalons européens truste les plus grandes courses. Comme tout le monde, nous rêvons de leur envoyer des juments. Mais dans le contexte allemand, utiliser les sires les plus chers d’Europe ne fait pas sens. Vendre un yearling 200.000 ou 300.000 € en Allemagne, ce n’est pas courant. Il faut donc faire du mieux possible avec un budget réaliste car nous sommes des vendeurs de yearlings. » Le Gestüt Karlshof a trente poulinières. Pour compenser les prix peu élevés de leur production aux ventes de yearlings, les Faust vendent beaucoup de chevaux à l’entraînement. Comme le lauréat de Groupe See Hector (Counterattack) qui va passer sur le ring de BBAG. Ils ont par contre conservé la plupart des mères de leurs bons chevaux. Et c’est certainement là aussi un des secrets de leur réussite.
L’importance de la vitesse
Les 2ans allemands courent peu et les éleveurs produisent en conséquence : « Plus que des chevaux précoces, nous essayons de les élever avec de la classe. Et dans ce cas, ils peuvent être performants à 2ans. Ainsi Rubaiyat est devenu le deuxième 2ans allemand de l’histoire à décrocher le titre de cheval de l’année face à ses aînés. » Pour coller au marché, le Gestüt Karlshof a mis de côté les familles trop tardives, comme la souche des “K” (Kamsin, Kapitale, Khan…) : « Dans cette souche, les chevaux ne sont pas capables de courir à 2ans. Il ne reste que quelques femelles à l’entraînement comme Kolossal (Outstrip) qui a gagné deux Groupes en Italie cette année. » Karlshof a produit de grands chevaux de tenue et des classiques (Samum, Schiapparelli…), mais aussi beaucoup de bons 2ans et de chevaux performants autour du mile : « Ici en Allemagne, la jumenterie est très orientée sur la tenue. Avec un cheval comme Counterattack – gagnant de cinq Groupes sur 1.200/1.300m – nous essayons de réintroduire de la vitesse. Et de la précocité. Cela nous a donné See Hector (Counterattack) par exemple, un des deux meilleurs milers actuellement en Allemagne. » Lancer de nouveaux étalons en Allemagne est un véritable chemin de croix. En 2023, l’étalon allemand le plus populaire, Torquator Tasso (Adlerflug) n’a sailli que 85 juments. Et Holger Faust a 3 étalons dans le top 10 avec Rubaiyat (45 saillies), Isfahan (36 saillies) et Counterattack (25 saillies) : « Sans soutien, un étalon ne peut pas réussir. Nous avons très peu de juments en Allemagne et les éleveurs allemands avec des moyens vont beaucoup à la saillie à l’étranger car ils veulent apporter de la valeur à leurs familles. Par ailleurs, la jumenterie allemande va encore perdre des éléments de grande valeur avec la fin du Gestüt Ammerland et du Gestüt Höny Hof. Il restera certainement 700 poulinières en Allemagne l’année prochaine. Il faut rapidement trouver une solution pour remonter les effectifs. » Au moment de lancer Isfahan, gagnant du Derby, Holger Faust a choisi des mères avec de la vitesse : « Il nous a donné 7 produits au haras, 6 ont couru, 4 ont gagné, 4 sont black types et 3 sont des chevaux de Groupe. Isfahan apporte beaucoup de classe. Nous avons “visé” 3 croisements avec lui, les filles de Kendargent, à l’image de ce que Guy Pariente a réussi avec Sisfahan. Mais aussi les descendantes de Monsun ou ses fils, et celle de Big Shuffle ou son fils Areion. Isfahan apporte le sang de Dashing Blade par l’intermédiaire de Lord of England, soit un courant de sang avec une grande affinité avec Big Shuffle. Les statistiques sont excellentes. »
Trouver la perle
On parle beaucoup de croisements, mais le plus important c’est peut-être de trouver une bonne jument dans son budget. Et le Gestüt Karlshof a excellé à ce jeu. Si on regarde la mère ou la jument de base à l’origine des 13 black types de 2023… la plus chère a coûté 36.000 €. Sept ont été achetées moins de 10.000 €. C’est le cas de Sacarina (Old Vic) qui n’a coûté que 4.000 €. Elle est l’aïeule d’une trentaine de black types, dont les gagnants de Gr1 Samum (Monsun), Schiaparelli (Monsun), Sea the Moon (Sea the Stars), Sortilège (Tiger Hill), Salve Regina (Monsun)… : « Mon père a acheté Sacarina à l’amiable au début des années 1990. Elle appartenait à un ami qui ne voulait pas élever. Et mon père aimait bien Old Vic – même s’il est devenu étalon d’obstacle – car il alliait vitesse et changement de tenue. » Sacarina était une alezane compacte, mais pas immense. « Sa production est incroyable. On la retrouve chez Darley, chez Shadwell, chez Wertheimer & Frère… Le Gestüt Höny Hof et le Gestüt Görlsdorf ont eux aussi obtenu de super résultats avec la descendance de Sacarina. Tous les ans, il y a de nouveaux black types dans ce pedigree. C’est l’une des meilleures familles d’Allemagne et peut-être même d’Europe. Samum a été tête de liste des étalons en Allemagne. Comme Sea the Moon cette année. » Deux des black types du Gestüt Karlshof, cette année, sont issus de mères par Samum : « Nous croyons beaucoup en lui dans ce rôle. Monsun a été le plus grand étalon de l’histoire de l’élevage allemand. De loin. Il a aussi été un père de mère extraordinaire. Et les fils de bons pères de mères le sont souvent eux aussi. » Toujours dans cette famille les Faust ont acheté Sortilège (Tiger Hill) pour seulement 30 000 €. Elle restait sur une victoire à Machecoul : « J’étais courtier depuis peu à ce moment-là . Nous savions que la famille progressait avec le temps et elle avait 3ans. Nous pensions qu’elle pouvait gagner un Quinté et un peu de black type en Allemagne. Ghislain Bozo a signé le bon. Et elle a effectivement beaucoup progressé au point de gagner sa Listed à Strasbourg. Nous avons alors tenté le coup en la présentant dans le Premio Lydia Tesio (Gr1) qui était relevé cette année-là . Et elle a gagné ! »
La mère de deux gagnants de Groupe pour 3.500 €
Au moment d’acheter des juments, les Faust ont leur angle d’attaque : « Nous essayons d’aller vers un pedigree sur la montante auquel nous croyons beaucoup. À notre sens, c’est le plus important. » Mylady (The Grey Gatsby), placée classique en Allemagne, a gagné un Groupe aux États-Unis. Holger Faust a acheté la mère pour 3.500 € à Deauville. Et elle a depuis donné deux lauréats de Groupe : « Minoris (Dabirsim) est allée à  The Grey Gatsby (petit-fils de Danehill Dancer) pour reproduire “l’envers” le croisement du premier bon produit de Dabirsim, c’est-à -dire Different Leage (mère par Danehill Dancer). Bien sûr, nous savions que cela n’allait pas être facile aux ventes de yearling car il y avait une génération sans black type dans le pedigree. Mylady n’a pas atteint sa réserve à 25.000 €. Nous l’avons donc fait courir sous nos couleurs. » Au sujet de l’achat de Minoris, il précise : « Elle a un physique exceptionnel. Et c’est la proche famille de Royal Youmzain qui nous semblait être un espoir classique à ce moment-là . Et il s’est au final classé troisième du Derby allemand (Gr1). »