Étienne d’Andigné : « Je ne cherche pas à avoir cent chevaux car je préfère sélectionner »
Par Thomas Guilmin
tg@jourdegalop.com
Jour de Galop. – Comment avez-vous réussi à façonner et à détendre Karakta ?
Étienne d’Andigné. – J’ai l’avantage de travailler dans un centre d’entraînement privé. Les chevaux peuvent ainsi être au calme. Pour Karakta, nous lui avons en quelque sorte concocté un programme sur mesure afin qu’elle soit la plus calme possible. Mon épouse, Maud, et notre premier garçon ont effectué un travail remarquable sur cette pouliche. À l’écurie, il n’y a aucun bruit extérieur, les chevaux entendent uniquement le chant des oiseaux. C’est idéal pour ce genre de chevaux.
Quel pourrait être son programme l’année prochaine ?
Je n’ai pas encore discuté de la suite de son programme avec son propriétaire, Nicolas de Lageneste. En 2024, nous allons peut-être viser un peu plus l’automne avec elle, mais rien n’est arrêté. Il faut que l’on en parle à tête reposée. Une chose est sûre, Karakta devrait pouvoir tenter son grand retour à Auteuil. En début de parcours, dans le Prix Général de Saint-Didier, je l’ai trouvée nettement plus détendue. Si elle continue de progresser dans ce sens, rien ne l’empêchera de retourner dans le temple de l’obstacle. Concernant le steeple, nous nous sommes dit que si cela devenait trop difficile en haies, la pouliche basculerait dans cette discipline. Pour le moment, elle n’a pas encore été essayée le matin, mais je crois que cela ne devrait pas lui poser de problème…
Comment avez-vous rencontré Nicolas de Lageneste ?
À vrai dire, je n’ai pas de souvenir de la date et encore moins du lieu de notre première rencontre. En revanche, Nicolas m’a toujours dit qu’il me confierait un cheval le jour où je m’installerais en tant qu’entraîneur. En l’occurrence, ce premier cheval a été une pouliche : Jour de Gloire (Saint des Saints) [et elle a gagné deux fois en quatre sorties, ndlr] Karakta est la deuxième à avoir rejoint mon effectif. À l’avenir, j’espère qu’il me confiera quelques chevaux en plus…
Samedi, vous allez présenter Kamchatka qui vous a offert votre premier succès à Auteuil, et Ginja des Taillons dans le Georges Courtois.
Ginja des Taillons (Masterstroke) a connu un petit contretemps dernièrement. Au départ, nous avions prévu d’aller sur le Prix Fondeur (L) mais cela n’a pas été possible. Avant ce contretemps, on hésitait déjà entre le Prix Georges Courtois (Gr2) et le Fondeur mais, finalement, la décision s’est faite toute seule… Kamchatka (Masked Marvel), quant à lui, va découvrir le parcours extérieur du steeple d’Auteuil. J’ai quand même un gros doute sur son aptitude au terrain lourd. Sinon, le cheval est frais et pimpant.
Début novembre, vous avez remporté votre première Listed avec Take the Risk. Quel est son programme ?
En accord avec ses propriétaires, Take the Risk devrait rejoindre le haras afin d’entamer une carrière de poulinière. D’ailleurs, à ce sujet, il est également très probable que Ginja des Taillons en fasse de même à l’issue de sa prestation dans le Prix Georges Courtois, samedi.
Et celui de Zarakhan que vous avez récupéré depuis peu et qui vient de se balader sur les haies d’Angers ?
Mon cousin, Jean de Mieulle, est parti entraîner au Qatar. La famille de Mieulle nous a donc gentiment proposé de le récupérer. Au vu de son papier, nous étions ravis d’accueillir Zarakhan (Zarak) à l’écurie. Début novembre, nous nous sommes laissés tenter par le Grand Prix de Nantes – 14e Étape du Défi du Galop (L) où il a pris une excellente troisième place. On s’est ensuite posé la question de le recourir dans le Prix Max Sicard – 17e Étape du Défi du Galop (L), mais le lot était assez relevé. C’est pour cela que Zarakhan a ensuite été dirigé sur les obstacles. Ses débuts sont bons puisqu’il s’est imposé plaisamment sur les haies d’Angers. Prochainement, il aura encore une course fermée le 25 décembre, toujours en haies, mais à Pau cette fois. Avec lui, nous allons essayer de franchir les paliers un à un. Nous verrons ensuite jusqu’où il pourra aller…
Le nom “d’Andigné” existe depuis longtemps dans les courses.
Pour ma part, tout a commencé avec la génération de mon grand-père, président de sociétés de courses, commissaire et juge à l’arrivée dans l’Ouest. Il a aussi été éleveur et propriétaire de galopeurs et de trotteurs. Mon père, lui, est starter au GTHP. Puis, j’ai également mon frère, Olivier, qui est jockey. Actuellement, il exerce au Qatar.
Vous avez travaillé chez Donatien Sourdeau de Beauregard, Willie Mullins, Laurent Viel, Adrien Lacombe et Guillaume Macaire. Quel est votre parcours en dehors des courses ?
Mes parents ont souhaité que je fasse des études et je les en remercie car cela m’a ouvert l’esprit. Je suis diplômé d’un bac scientifique et d’un BTS en comptabilité gestion. J’entraîne depuis bientôt six ans.
Où êtes-vous basé ?
J’entraînais auparavant du côté de Tiercé, dans le Maine-et-Loire. Mais, depuis le début de l’année, nous avons transféré notre effectif à l’écurie des Sables, à l’ouest d’Angers. D’ailleurs, cela se ressent car les résultats sont bien meilleurs. Ce site fait d’ailleurs partie des plus beaux centres d’entraînement privés de France. Le sol est naturel. Nous sommes arrivés avec des chevaux qui étaient déjà prêts et cela nous a permis de prendre nos repères plus facilement. D’autant que nous ne sommes pas arrivés en plein hiver…
Combien de chevaux avez-vous ?
L’effectif tourne entre quarante et cinquante chevaux au quotidien. Chaque matin, huit cavaliers sont à cheval. Pour le moment, avec mon épouse, nous ne souhaitons pas réellement nous agrandir car nous sommes touchés de plein fouet par le manque de personnel, comme la plupart de nos confrères d’ailleurs. L’objectif est de conserver une écurie à taille humaine. Début décembre, Gabriel Weissmann va venir renforcer l’équipe en tant qu’assistant entraîneur. Nous avions besoin d’avoir quelqu’un sur le site lorsque nous ne sommes pas présents. Lui, souhaitait revenir sur le terrain, cela tombait donc bien.
Quels sont vos objectifs à court terme ?
Je n’ai pas spécialement d’objectif si ce n’est de toujours faire aussi bien, voire mieux. La régularité des résultats est le plus important. J’espère donc que nous allons poursuivre dans cette dynamique. Je vais envoyer quelques chevaux à Pau mais ils ne feront pas le meeting. Nous sommes à six heures de route, ce qui reste convenable lorsque les chevaux arrivent la veille. Je n’ai pas trop la “fibre meeting”. Puis, l’hiver est la période où l’on reçoit tous les 2ans. Il faut être présent. Nous verrons bien plus tard si je change d’avis. Enfin, j’apprécie particulièrement notre environnement et son calme…
Lorsque l’on est entraîneur d’obstacle est-il obligatoire de sortir des 3ans ?
Je le pense. Cela étant, la politique de l’écurie est d’écouter les chevaux avant tout. S’ils sont prêts, ils vont aux courses. Sinon, on patiente jusqu’à 4ans s’il le faut. Mais, oui, cela reste important d’avoir de bons 3ans.
Faut-il être capable de vendre des chevaux pour être à l’équilibre ?
On fait avant tout ce métier-là pour gagner des courses… et de l’argent dans un second temps. Après, bien sûr, en tant qu’amoureux de chevaux et de notre sport hippique, nous aimons remporter des courses. Parfois, nous n’avons pas d’autres choix que de vendre mais il est vrai que je préfère garder mes chevaux car on s’y attache forcément.
Comment se gère un effectif comme le vôtre ? Peut-on faire du “tri” et de la sélection comme dans les grosses écuries ?
La politique de l’écurie n’est pas d’avoir beaucoup de chevaux mais plutôt des bons chevaux. Au fil des années, la qualité de mes pensionnaires s’améliore. Je ne cherche pas à avoir plus de cent chevaux à l’entraînement car je préfère sélectionner. Chaque jour, il faut être présent. La rigueur et la patience sont également deux qualités importantes. Puis, pour réussir, il faut beaucoup travailler.
Est-ce que des déplacements à l’étranger pourraient vous tenter ?
Oui… Tout entraîneur d’obstacle rêve de gagner une course à Cheltenham un jour. Si l’occasion s’y prête, nous nous y rendrons bien volontiers !