Equinox

À la télévision tout au moins, Equinox apparaît comme un cheval très massif. La balance le place pourtant dans la moyenne haute des pur-sang : le jour de la Japan Cup, il pesait 498 kilos. Pour un mâle de 4ans, ce n’est pas un poids “exceptionnel”. Pour comparer avec ses rivaux mâles de dimanche dernier : Do Deuce tourne plutôt aux alentours des 510 kilos, Danon Beluga est aussi sensiblement plus lourd que lui, alors que Vela Azul affichait un respectable 514 kg.

Si les Japonais sont friands de data, ils ne communiquent ni la taille, ni l’amplitude de la foulée de leurs chevaux. Qu’à cela ne tienne ! Nous avons demandé à celui qui le connaît le mieux, Christophe Lemaire, de nous en dire plus sur le physique du cheval. « C’est un cheval fait pour la course : ni trop grand, ni trop petit, ni trop léger, ni trop lourd ! Il a une légèreté dans son action qui lui offre beaucoup d’efficacité. Il est très équilibré, avec une encolure de taille moyenne mais très puissante, et il se sert très bien de son balancier, ce qui ajoute encore en efficacité. J’ai envie de le comparer à Usain Bolt : c’est un athlète fait pour courir vite ! Son père lui a transmis son excellent mental. Lors de la Japan Cup, on a vu l’accélération dont il est capable : à cheval, ce sont des sensations extraordinaires ! Il est capable de tenir un rythme élevé sur des longues distances. Toutes ces caractéristiques en font une arme fatale et le cheval presque parfait ! »

C’est LA question : combien vaut Equinox ? Une offre à neuf chiffres (traduisez : a minima 100.000.000 $) est arrivée des États-Unis jusqu’à Shadai Farm pour le champion du monde. Elle a été poliment refusée : il faut plus que cela pour acheter un crack, surtout au Japon. C’est dans la culture du pays et de son élevage. Pour convaincre les Japonais de vendre, il faut un prix follement hors du marché.

Dans l’histoire du pur-sang, aucun cheval n’a atteint une valeur similaire au moment de partir au haras. En 1973, le crack Secretariat (Bold Ruler) fut syndiqué en 32 parts pour 6,08 millions de dollars, un chiffre qui correspondrait à 42 millions d’aujourd’hui. C’était un autre monde. En 2000, Fusaichi Pegasus (Mr. Prospector), lauréat du Kentucky Derby, a été vendu par le Japonais Fusao Sekiguchi pour 70 millions, après son succès à Churchill Downs. L’acheteur était Coolmore et d’après plusieurs sources, la superpuissance irlandaise avait comme partenaire minoritaire Shadai. Il a effectué ses débuts au haras à 150.000 $.

En 2018 Coolmore a acheté la carrière d’étalon de Justify (Scat Daddy) pour 60 millions, après son succès dans les Preakness Stakes (Gr1) avec, dans les conditions de vente, un bonus de 15 millions en cas de victoire dans les Belmont Stakes (Gr1). Mission accomplie et prix boosté à 75 millions, un record.

Justify a pour l’instant 347 produits en âge de courir conçus à 150.000 $, 120 yearlings issus de saillies à 125.000 $ et 116 foal à 100.000 $. Soit un revenu issu de saillies de 78,05 millions de dollars et c’est sans compter les 222 poulinières qu’il a rencontrées en 2023 à 100.000 $. Justify a aussi trois générations en Australie avec 237 produits pour une valeur de plus de 10 millions de dollars américains, et cette année, il a fait retour dans l’hémisphère sud où il est proposé à 77.000 AU$. Au Kentucky, son tarif 2024 est “private”. Coolmore a gagné son pari !

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Il faudra patienter encore une semaine ou deux pour découvrir à quel tarif Equinox fera ses débuts au haras. Son père, Kitasan Black (Black Tide), lauréat de sept Grs1, avait été proposé à 5 millions de yens (37.900 €) lors de ses débuts, en 2018, et Equinox est issu de sa première génération de 84 foals. Son tarif a baissé à 3 millions en 2021 avant de monter en flèche à 10 millions en 2023. En 2024, il sera le plus cher étalon de Shadai, à 20 millions (123.000 €). Il faut savoir que le yen a perdu 21 % de sa valeur depuis 2018. Deep Impact (Sunday Silence) avait fait ses débuts en 2007 à 10 millions de yens, et son fils Contrail a démarré à 12 millions en 2022. En 2024, le tarif a été boosté à 15 millions par les résultats aux ventes de ses premiers foals. Equinox a remporté six Grs1 mais pas un classique, même s’il aurait dû gagner le Tokyo Yushun (Gr1), le Derby japonais. Par rapport à Deep Impact et Contrail, il a l’avantage d’avoir gagné à l’étranger, et surtout d’avoir bouclé sa carrière avec le meilleur rating jamais affiché par un cheval japonais. Son tarif peut se situer dans la fourchette entre 15 et 20 millions mais l’impression qu’il a laissée dimanche reste un facteur important.

Timeform a jugé le succès d’Equinox dans la Japan Cup à 136, une livre de plus que son rating d’avant-course, le meilleur rating d’un japonais ex-aequo avec El Condor Pasa (Kingmambo), deuxième de Montjeu (Sadler’s Wells) dans l’Arc de Triomphe 1999. Le Racing Post, qui travaille sur une échelle de deux livres plus basse, a affiché Equinox en 134. Avant la Japan Cup, le champion japonais avait un rating international de 129, fruit de sa victoire dans le Dubai Sheema Classic (Gr1) puisque les handicapeurs japonais ont jugé en 127 son succès canon dans le Tenno Sho Automne (Gr1) sur 2.000m. Pour coter la course, on peut prendre en référence sa dauphine Liberty Island (Duramente) qui est en 120 dans le classement international. Equinox a laissé la pouliche à quatre longueurs et son jockey, Christophe Lemaire, a posé les mains dans les 50 derniers mètres. Sans rien ajouter pour la facilité de son succès, l’écart entre les deux est de six livres plus quatre et demie pour les deux kilos de décharge pour les femelles. Equinox a donc affiché au minimum 131/132. Son rating potentiel peut baisser légèrement si on juge la course sur Do Deuce (Heart’s Cry), le cheval qui avait battu Equinox dans le Derby, qui était en 120 avant la course et a terminé à presque six longueurs, soit neuf livres sur 2.400m. Les handicapeurs trancheront lors de leur meeting à Hongkong mais, assurément, Equinox sortira comme champion mondial 2023 et meilleur cheval japonais du siècle puisque El Condor Pasa avait fait 134… en 1999.