SPECIAL ÉLECTIONS
Par Guillaume Boutillon
gb@jourdegalop.com
Patrick Klein : « Redorer l’image des courses est indispensable à la survie et à la relance »
Patrick Klein conduit la liste Alliance Galop dans le collège des propriétaires. Alors que l’ouverture du scrutin se précise, il nous livre les grandes lignes de son programme.
Jour de Galop. – Débutons par une question plus personnelle : il y a quatre ans, vous étiez au côté de l’Aepi et là on vous retrouve tête liste d’Alliance Galop (collège propriétaires). Pourquoi avoir changé d’”équipe” ?
Patrick Klein. – Au fil des années, j’ai pu observer que beaucoup de listes qui se présentent aux élections sont politiques et corporatistes. Ma réflexion personnelle m’a alors conduit à me poser cette question : quelle liste peut m’apporter le plus de liberté pour exprimer mes convictions ? Cette question revenait d’autant plus que je souhaitais continuer à peser dans les instances [lors de la dernière mandature, Patrick Klein siégeait au Comité de France Galop aux côtés des membres associés en tant que président du Comité régional Nord – ÃŽle-de-France – Haute-Normandie – Basse-Normandie, ndlr]. Il fallait aussi que l’association que j’allais rejoindre me permette de composer une liste avec des personnalités venues d’horizons divers, notamment du monde de l’entreprise, et des personnalités qui fassent de l’intérêt général LA priorité. Alliance Galop m’a offert tout cela. Tous mes colistiers sont membres d’associations dites plus classiques. S’ils ont accepté de rejoindre Alliance Galop, c’est que cela doit être différent et cela l’est. Ils ont chevillé au corps la nécessité de relancer notre activité, d’en finir avec l’entre-soi, en conséquence tous les propriétaires d’autres associations peuvent se retrouver dans nos listes.
Il est beaucoup question d’image dans votre programme. Vous dîtes même que “redorer l’image de notre sport est une nécessité à la survie et à la relance”. C’est-à -dire ?
Ne nions pas l’évidence : la société, dans sa très large majorité, a une mauvaise image de notre activité. Alors oui : redorer l’image des courses est indispensable à la survie et à la relance de notre activité. Selon moi, c’est d’ailleurs le grand chantier de ces deux prochaines mandatures. C’est primordial si l’on veut recruter de nouveaux propriétaires, de nouveaux parieurs et retrouver la croissance. L’entre-soi actuel est en train de causer notre perte. La régularité des courses, la lutte efficace contre le dopage, le souci constant du bien-être animal – notamment à travers la saisonnalité des courses d’obstacles – et la création d’un département responsabilité sociale de l’entreprise (R.S.E.) sont des urgences à traiter pour envisager l’avenir avec confiance. Nous devons consacrer une partie importante de notre communication, en accord avec LeTrot, sur l’image des courses : nous ne coûtons rien à l’État, nous lui rapportons entre 700 et 800 millions, la filière emploie 60.000 personnes sur tout le territoire, etc. Quelle activité, non délocalisable, peut se targuer d’apporter autant ?  Aucune ! Faisons-le donc savoir. La réussite du Hongkgong Jockey Club s’explique par cette intégration dans la société civile. Là -bas, la régularité des courses n’est pas un vain mot, comme la transparence vis-à -vis des parieurs.  Et quand le HKJC contribue à financer un hôpital ou une école, il communique dessus. Inspirons-nous de ce modèle vertueux pour regagner la confiance de la société civile. Recruter des acteurs des courses, des clients-parieurs, deviendra plus facile. Nous retrouverons des sponsors et nos images seront probablement de nouveaux désirées par les grands médias généralistes.
Au-delà du problème d’image, dans quelle situation, selon vous, se trouve le galop français ?
Il suffit de regarder les chiffres pour s’apercevoir que notre activité se contracte. Depuis un certain moment déjà . Le nombre de propriétaires actifs est en baisse significative depuis dix ans ; nous avons perdu 1.000 chevaux à l’entraînement en quatre ans – soit 10 % des effectifs. Par ailleurs, France Galop nous affirme aussi que les allocations ont augmenté. Or, si l’on retraite la totalité des encouragements en euros constants, ce sont en réalité 207 millions d’euros d’encouragements (cumulés) qui ont été retirés entre 2018 et 2022. Et cela a bien sûr une conséquence sur le montant des réinvestissements des propriétaires. Évidemment, ce n’est pas la seule raison à la contraction du nombre de propriétaires et à la baisse des effectifs, mais 207 millions cumulés représentent quand même les 4/5 des encouragements d’une année…Il y a aussi des arbitrages à faire. Plus largement, demandons-nous si l’argent est la seule motivation d’un propriétaire ? Manifestement pas. On a d’ailleurs vu que le boost des allocations sur les courses de 2ans a porté un peu ses fruits la première année avant de rapidement ne plus faire effet. C’est d’ailleurs cette catégorie de chevaux qui est la plus concernée par la baisse des effectifs (- 7 % entre septembre 2023 et septembre 2022).
« Les propriétaires souhaitent plus de services et de considération de la société-mère »
Quelles sont vos propositions pour relancer le propriétariat ?
Si on ne relance pas le propriétariat, il n’y a aucune raison pour que les effectifs augmentent. Mais commençons par mieux considérer les propriétaires actuels. Que souhaitent-ils en réalité ? Prendre du plaisir : être bien accueillis sur un hippodrome, être reconnus et que leurs victoires soient célébrées dignement, Ces points à améliorer concernent d’ailleurs bien davantage les hippodromes de France Galop que les hippodromes de régions, où il existe un vrai savoir-faire en matière d’accueil. Les propriétaires souhaitent également plus de services et de considération de la société-mère. N’oublions pas ce que sont les propriétaires actuels qui, à court terme, nous aideront à en recruter de nouveaux. Si les propriétaires actuels éprouvent du plaisir, de l’émotion et de bons services dans leur activité hippique, ils vont en parler autour d’eux. Les nouveaux propriétaires viendront spontanément et cela coûtera moins cher à l’Institution que les campagnes qui ont été menées jusqu’ici. Nous avons tous autour de nous des amis que nous souhaiterions convertir aux courses, mais force est de constater que la balance plaisir/inconvénient penche trop dans un sens pour les inciter à nous rejoindre. Il faut aussi entourer davantage les nouveaux propriétaires, les former. Fournir une aide personnalisée pendant un an pour ceux qui le souhaitent – aurait à coup sûr des vertus bénéfiques, au moins celle de ne plus voir passer certains nouveaux propriétaires comme des comètes.
Avec les propriétaires, le PMU est l’autre source de financement de la filière. Quel est votre sentiment au sujet de l’opérateur ?
La contribution du PMU représente la quasi-totalité de nos ressources. En 2012, le PMU pesait 10,8 milliards de masse d’enjeux. Aujourd’hui, ce chiffre a été ramené à 9,8 milliards. Et là , je ne suis pas en euros constants… Sur la même période, la FDJ est passée de 12 à 22 milliards. Je ne veux pas être totalement à charge, mais nous sommes également passés de 5 millions de parieurs ayant misé au moins une fois dans l’année à 3 millions. Sur ces derniers mois – c’est-à -dire depuis le départ de Cyril Linette –, le PMU semble à nouveau réaliser que le marché du jeu est un marché d’offres. Toutes ses contractions se nourrissent les unes des autres et certaines sont la conséquence d’autres. C’est pour cela que, selon moi, la prochaine gouvernance n’aura pas d’autre choix que de mener une politique volontariste de relance pour inverser ces courbes, qui sont toutes attirées vers le bas. Tous les maux ne viennent pas du PMU. Il faut que nous arrêtions, hormis pour les épreuves black types, de le nourrir avec autant de courses creuses.
Quelles sont vos idées pour limiter le nombre de courses creuses ?
Grâce aux décisions prises durant le séminaire de l’obstacle et rapidement mises en action, nous avions constaté, au dernier semestre 2022, du mieux, tant sur la progression des enjeux que sur la réduction des courses creuses. Avec des ajustements encore plus larges, il est donc possible d’améliorer la situation. À la question, “pourquoi y a-t-il moins d’enjeux dans les courses de moins de sept partants ? “, la conclusion d’une enquête que j’avais menée démontrait factuellement que cette baisse d’enjeux était due avant tout au fait que le PMU réduit la variété de paris sur ces épreuves, et ensuite seulement, parce qu’il y a moins de chevaux au départ. C’est important de le rappeler, parce que l’inconscient collectif croit le contraire. Et, pour aller plus loin, le niveau d’enjeux se dégrade d’autant plus que les deux facteurs – palette de jeux plus restreinte et moins de chevaux – se cumulent. Mais quand le PMU maintient son offre de jeux “huit partants” dans une course de sept partants, cela neutralise quasi intégralement la baisse des enjeux.
« Je suis pour l’inscription du 2/3 – 1/3 dans des textes »
Attardons-nous sur le sujet du 2/3 – 1/3. Sachant qu’une forte sensibilité “obstacle” se dégage d’Alliance Galop, quelle est votre position sur ce sujet ? Faut-il l’inscrire aux statuts ?
Je vous rappelle que cette répartition des encouragements a été négociée en 1992 lors de la fusion des sociétés d’encouragement et des steeples, afin que le plat et l’obstacle puissent vivre et perdurer. Trente ans après, l’objectif n’a pas changé et les datas actuelles confirment la justesse de cet accord. Il était donc logique de tenter d’intégrer le 2/3-1/3 dans les statuts. La proposition a été rejetée par le Comité lors de la dernière mandature. Il faudra en convaincre le futur Comité et la future gouvernance, car je rappelle qu’on parle d’un accord oral qui régit la répartition des encouragements depuis trente ans, d’un accord accepté par tous qui mériterait mieux que son état actuel de simple accord tacite. Il ne faut pas délaisser l’obstacle, car c’est un immense atout pour le galop français. Les chiffres de l’obstacle sont, certes, compliqués mais je suis convaincu que cette discipline dispose d’une grosse marge de manœuvre. En conséquence je suis, à minima, pour son inscription dans des textes.
Lors de la dernière mandature vous étiez élu au Comité, membre du Conseil de l’obstacle et surtout l’un moteurs de la commission de réforme de la gouvernance, laquelle, à entendre les différentes têtes de liste, ne fait pas forcément l’unanimité. Quelles sont vos intentions au sujet de la gouvernance de France Galop ?
La réforme, telle qu’elle a été pensée, comprenait une dizaine de propositions cohérentes entre elles, tous n’ont pas été retenus. Nous sommes donc bien loin du compte. Cependant, les points de blocage ont clairement été identifiés, notamment le fait que la plupart des membres du Comité se sentent exclus des décisions. Aujourd’hui pour que nous ayons ce consensus et que tout le monde aille dans le même sens, il faudra probablement élargir le nombre de commissions, afin que tous les élus se sentent concernés et qu’ensemble nous avancions pour l’intérêt général. Cela dit, il faudra donner aux opérationnels les moyens de gérer cela.
Une candidature pour la présidence de France Galop pourrait-elle surgir de vos rangs ? Ou bien comptez-vous soutenir un candidat déjà annoncé ? Si oui, lequel ?
Même si nous n’excluons rien, il est pour l’instant peu probable qu’Alliance Galop désigne un candidat à la présidence. Si nous ne présentons personne, notre soutien se portera quoi qu’il arrive sur le candidat qui, selon nous, incarnera le mieux la relance.Â