TETIERE SPECIAL ELECTIONS
Jean de Cheffontaines : « Les courses doivent s’ouvrir au monde extérieur »
Alors que l’échéance électorale approche, Jean de Cheffontaines – tête de liste de la Fédération des propriétaires du galop – nous a livré ses convictions.
Jour de Galop. – À titre personnel, c’est la première fois que vous êtes tête de liste aux élections de France Galop. Pourquoi vous impliquer davantage ?
Jean de Cheffontaines. – Élu au comité de la Fédération des éleveurs du galop, membre du conseil du plat et président de la société des courses de Compiègne, j’ai décidé de m’engager davantage au service de l’institution. Je suis convaincu qu’il est plus que temps de rassembler tous les propriétaires, toutes les disciplines, toutes les races. Les défis à relever sont suffisamment importants pour mobiliser toutes les énergies, dans un esprit d’intérêt général, sans vision partisane ni arrière-pensées. Nous avons pour objectif d’assurer l’avenir de la filière du galop français, en renforçant les allocations, en relançant la croissance du PMU et en réduisant les coûts de l’institution par la mutualisation des moyens entre France Galop, LeTrot et le PMU, et le regroupement de leurs fonctions supports – achats, comptabilité, paye, IT… Toute ma carrière professionnelle a été dédiée à la transformation de grandes entreprises et à l’amélioration de leurs performances. Pour ce qui est de notre filière, les opportunités d’amélioration sont réelles, à portée de main. Rien n’est facile, c’est une question de volonté et de savoir-faire dans la mise en œuvre des changements.
La Fédération des propriétaires est liée à l’historique Fédération des éleveurs. Votre organisation est assez jeune dans le paysage politique puisque c’est sa deuxième participation aux élections. En quoi diffère-t-elle des autres listes de propriétaires ?
Vous avez raison de souligner notre lien avec la Fédération des éleveurs du galop et la jeunesse de notre association. En quoi notre liste diffère-t-elle des autres ? Trois différences. En premier lieu, c’est une liste ouverte, construite autour de plusieurs sensibilités. Notre liste rassemble, elle n’oppose pas. Ensuite, nos candidats sont très impliqués, ils ont une réelle connaissance des enjeux et des problématiques auxquelles sont confrontés les propriétaires. Pour finir : tous sont d’accord pour dire qu’il faut mettre fin aux réflexes partisans et rechercher l’intérêt général.
Dans quelle situation, selon vous, se trouvent les courses françaises ?
Sachant que les courses vivent des propriétaires et des parieurs, les défis sont devant nous. La baisse continue des effectifs à l’entraînement avec la perte de 1.600 chevaux en dix ans est un sujet majeur. On manque de propriétaires possédant plusieurs chevaux à l’entraînement. L’effondrement du nombre de parieurs (3,2 millions en 2022 contre 6,5 millions au début des années 2000) et du taux de pénétration des paris hippiques auprès des Français (14 % entre 1990 et 2005, 10 % en 2010, 6 % en 2020 !) est une autre préoccupation majeure. Nous avons aussi besoin de redonner confiance dans l’intégrité de notre filière, de rendre plus attractifs les métiers des courses pour pallier le manque de personnel, et de revenir à un taux de TVA réduit. Le passage au taux réduit pour l’élevage mérite un coup de chapeau, mais l’essentiel reste à gagner, en obtenant la réduction du taux applicable aux ventes de yearlings et aux frais d’entraînement.
Comment faire pour recruter de nouveaux propriétaires ?
Il faut muscler les efforts en matière de recrutement, de façon très organisée. L’équipe actuelle est sous-dimensionnée en regard de celles faisant le même job en Angleterre ou en Irlande et elle ne dispose pas de la même enveloppe financière. Il faut recruter des propriétaires en France, via la multipropriété notamment, mais aussi à l’étranger. Pour l’international, il faut coordonner le pilotage de la promotion du galop français et de la recherche de nouveaux propriétaires en associant au FRBC tous les acteurs (propriétaires, éleveurs, entraîneurs, courtiers, organismes de ventes, etc.).
Quelle est votre position sur le 2/3 – 1/3 ? Faut-il l’intégrer aux statuts ?
C’est très clair. L’obstacle est une filière d’excellence, indispensable au bon fonctionnement de la filière du galop. Le 2/3 – 1/3 est une mesure économique, qu’il faut à tout prix préserver. Faut-il l’intégrer aux statuts ? Les mots ont un sens. Les statuts traitent du juridique, et non des mesures économiques. Donc, le 2/3 – 1/3 n’y a pas sa place. J’imagine la frustration des électeurs qui, en 2019, ont été séduits par une fausse piste et leur état d’esprit aujourd’hui… Mais, plus sérieusement, l’obstacle est un marché commercial très important. Pour la bonne santé de cette discipline, des mesures doivent être actées, des ajustements de programme doivent être réalisés pour revenir à un cercle vertueux, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
À quels ajustements pensez-vous ?
Je pense que nous ne sommes pas allés au bout du diagnostic. Il faut vraiment dire les choses et comprendre d’où viennent les difficultés. Il faudra ensuite trouver les bonnes mesures qui permettront de placer le curseur au bon endroit, de manière à faire vivre toute la famille de l’obstacle. Le programme d’obstacle est trop pyramidal. Il oblige les chevaux à courir trop tôt et trop vite un Quinté, au détriment de l’apprentissage et de la progression dans la gestion de leur carrière. C’est une discipline où les allocations sont importantes, mais le nombre de chevaux est insuffisant. Il faut donc prendre des mesures qui incitent à garder les chevaux en France plutôt qu’à les exporter. L’objectif est atteignable, nous en sommes convaincus.
Envisagez-vous une réforme particulière pour la gouvernance de France Galop ?
Oui, car il faut moderniser la gouvernance de France Galop, au-delà des réflexions engagées en 2023. Nous sommes favorables à ouvrir le conseil d’administration à des personnalités extérieures qualifiées, à impliquer les instances dans l’élaboration du plan stratégique, à créer un comité d’investissement indépendant. Les courses ont tendance à rester dans l’entre-soi et à ne pas suffisamment regarder ce qu’il se passe ailleurs. Elles doivent s’ouvrir au monde extérieur. Sur les affaires du PMU, où marketing grand public et technologie sont les sujets clés, il est indispensable que France Galop dispose, parmi les membres du Comité ou ses administrateurs, du niveau d’expertise nécessaire pour alimenter la réflexion et aiguillonner la direction du PMU. En la matière, il me semble impératif de changer de braquet.
« Le PMU doit rester sous le contrôle des sociétés de courses »
Parlons justement du PMU. Quelle est votre vision sur l’opérateur ?
Nous souhaitons ardemment que le PMU réussisse sa transformation stratégique. Comme dit précédemment, l’enjeu est immense, qu’il soit exprimé en nombre de parieurs ou en taux de pénétration des paris hippiques auprès des Français. Les paris sportifs sont également au cÅ“ur des préoccupations. Dans cette vision, un principe fondateur, indispensable, doit être conservé : le PMU doit rester sous le contrôle des sociétés de courses. C’est une force pour les courses hippiques. Ce serait un contresens absolu de s’en séparer. Les expériences calamiteuses vécues par des pays voisins – Allemagne, Belgique, Italie, Espagne – doivent nous inciter à la prudence. Elles se sont révélées destructrices pour leurs courses hippiques. Le nombre quotidien de partants sur nos hippodromes en provenance de ces pays et le nombre d’étrangers – propriétaires, éleveurs, jockeys – s’installant en France le prouvent. Tout le monde nous envie ce modèle et ce serait dangereux d’en changer.
Et sur l’arrivée de la Française des jeux dans les courses ?
Il est bien loin le temps où la Française des jeux était synonyme de jeux de hasard et le PMU de paris hippiques. Nous devons rester extrêmement vigilants. À chaque fois qu’un pays européen a passé un accord avec une loterie pour les courses hippiques, cela s’est mal passé. L’arrivée de la Française des jeux dans le monde des paris hippiques sur Internet, par l’acquisition de Zeturf, représente un très grand danger. Nous ne comprenons pas ceux qui soutiennent des accords avec la FDJ et souhaitent un partenariat. Quand nous voyons que France Galop a contracté début 2019 Zeturf comme sponsor du Grand Steeple-Chase de Paris, ou ce qu’a fait LeTrot avec le même opérateur pour le Prix d’Amérique et ses préparatoires, c’est inconcevable. Il faut privilégier le PMU ! Comment voulez-vous que les salariés du PMU, les points de vente PMU et les clients aient envie de jouer le jeu si l’institution, dans le même temps, s’acoquine avec Zeturf ? C’est tout simplement indéfendable, c’est une faute !
Que faut-il faire pour aider les régions ?
Les régions participent pleinement au rayonnement des courses hippiques. Selon nous, nos 240 hippodromes sont un véritable atout pour la filière. Ils permettent en effet d’entretenir le lien irremplaçable entre les courses hippiques et la population à travers les territoires. Ce sont les régions qui mettent en avant notre sport, c’est là que se créent les vocations. C’est pourquoi il est impératif de les conserver. Toute fermeture d’hippodrome, c’est une vitrine qui disparaît, une perte d’exposition. Toute fermeture érode le lien entre les courses hippiques et la population. Tout en maintenant un haut niveau en matière de sécurité, il faut préserver ce patrimoine et assurer le renouvellement des bénévoles (6.000 en tout en France), sur qui repose en grande partie l’équilibre financier, fragile, de nombreuses sociétés de courses régionales. Sur ces sujets, comme sur les difficultés d’accès à l’eau et les besoins d’adaptation au changement climatique, la Fédération nationale des courses hippiques réalise déjà un très gros travail, en association avec les fédérations régionales.
À quelques jours du début du scrutin, savez-vous déjà quel candidat annoncé à la présidence de France Galop vous allez soutenir ?
Rien n’est décidé. Nous attendons de connaître la vision et le programme des candidats en lice.