TETIERE SPÉCIALE ÉLECTIONS
Nicolas Clément : « Il faut soulager la charge mentale, économique et sociale de l’entraîneur »
Nicolas Clément est tête de liste de l’Association des entraîneurs de galop. Alors que l’échéance électorale se précise, il a répondu à nos questions.
Jour de Galop. – À titre personnel, vous étiez déjà tête de liste il y a quatre ans et vous faisiez même partie du dernier Conseil d’administration d’Édouard de Rothschild. Comment avez-vous vécu ce mandat ?
Nicolas Clément. – La dernière mandature d’Édouard de Rothschild a été grandement perturbée par les éléments d’actualités qui ont traversé notre pays. La reprise rapide des courses et de l’activité d’élevage pendant la période Covid a été salvatrice pour notre activité et le travail du Conseil d’administration de France Galop a été déterminant. Être membre d’un Conseil d’administration, c’est déjà faire partie d’une équipe, apporter son expertise, faire entendre ses ressentis et essentiellement, en tant que socioprofessionnel, faire remonter les informations techniques qui proviennent du terrain. Avec les membres du Conseil d’administration de l’Association des entraîneurs de galop, nous avons tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité de débloquer le budget des amendes entraîneurs perçues par l’Institution afin de constituer une aide Covid immédiate pour tous les entraîneurs. Notre association l’a également doublée pour tous les adhérents qui le souhaitaient. En compagnie de nos représentants dans les différentes instances de France Galop, nous avons fait entendre les remontées du terrain et prôné la nécessité d’avoir une politique ambitieuse sur les allocations pour l’ensemble des catégories de chevaux. Ce qui a été entendu, avec la hausse des encouragements de 2023, notamment dans les handicaps (+ 5,3 millions d’encouragements), la revalorisation du programme pour inédits (+ 0,8 million d’encouragements) et le rééquilibrage sur les courses pour jeunes chevaux entre Paris et les régions (+2,3 millions d’encouragements).
Lors d’une réunion entre notre association et les dirigeants de la société-mère, nous avons exprimé notre inquiétude sur la problématique du manque de personnel dans nos écuries. Et cela a favorisé la mise en place de la branche emploi de l’Afasec et une aide au recrutement de salariés hors Union Européenne, en partie financée par l’Institution. Nous avons récemment alerté sur la baisse inquiétante des effectifs de chevaux, effectif qui a diminué de 1.400 éléments en dixans et affiche moins 11 % pour la génération des 2ans depuis 2021, ce qui pose question sur le renouvellement de nos prochaines générations de 3ans, 4ans et 5ans et plus. Nous devons connaître le nombre de chevaux présents dans les centres de pré-entrainement afin de mieux analyser ces chiffres.
Enfin, avec nos représentants en régions, nous nous sommes évertués à rappeler la diversité de notre paysage hippique – c’est-à -dire les régions, Paris, le plat et l’obstacle – qui demande de maintenir l’équilibre sans oublier aucun acteur. Face à toutes ces remarques que nous avons effectuées, je salue l’écoute et le travail accompli par le président de France Galop, son directeur général et les équipes de France Galop. Je reste toutefois convaincu que nous pouvons faire encore beaucoup sur de nombreux chantiers avec la nouvelle équipe.
« Je repars donc au combat encouragé par l’appui d’un très grand nombre de nos collègues. »
La rumeur courait que vous n’alliez peut-être pas repartir pour une campagne électorale. Pourquoi vous engager à nouveau ?
Je ne sais pas d’où vient cette rumeur (rires). Possiblement sur la réorganisation que nous avons effectuée au sein de l’association puisqu’en mars 2020, François-Xavier de Chevigny, qui était secrétaire général depuis 2019 a pris la place de président de l’association. Il semblait primordial, vu l’importance des actions quotidiennes que demande la gestion de notre association, que celle-ci soit à la charge d’une personne ayant la possibilité d’y accorder un maximum de temps. En parallèle et en accord avec le Conseil d’administration de notre association, j’ai continué mon rôle au sein du C.A. de France Galop. Nous avons alors créé des échanges permanents entre François-Xavier Chevigny, Gabriel Leenders et moi-même afin de préparer au mieux les différentes réunions des Comité et C.A. de la maison-mère. Cette organisation nous a semblé fonctionner de bonne manière, alliant une représentativité forte du plat et de l’obstacle, de Paris et des régions tout en ayant une force opérationnelle, une étude des dossiers et une remontée de terrain de très bonne qualité.
Il nous est donc paru intéressant de remettre en place ce triumvirat pour la prochaine mandature au sein de France Galop, avec l’avantage de pouvoir mettre à profit notre première expérience. Je sais ce que représente l’investissement au sein de France Galop, je serai autant disponible que lors de la précédente mandature et je sais que je peux m’appuyer sur mes collègues qui composent le Bureau de notre association. J’ai aussi beaucoup appris et découvert les dossiers en cours pendant ces quatre années et j’ai à cœur de partager mon expérience avec le nouveau président et directeur général de France Galop, tant il est capital d’avoir des acteurs investis qui se font entendre au sein du C.A. de France Galop. Je repars donc au combat encouragé par l’appui d’un très grand nombre de nos collègues, cela sera cependant – je vous rassure – ma dernière « course élection » !
Quelle est la principale mesure que vous proposez ?
Notre « écosystème course » se compose d’une multitude d’acteurs et les mesures sont diverses et complémentaires. Il me semble que l’objectif principal que nous devons atteindre est de soulager la charge mentale, économique et sociale de l’entraîneur. Si l’on favorise la simplification des process administratifs – mise en place du e-passeport pour nos chevaux, digitalisation…– et en considérant l’entraîneur comme un acteur indispensable au bon fonctionnement technique de notre filière course, on soulagerait la charge mentale des entraîneurs. Pour le volet économique : il faut partir à la conquête d’un plus large panel de nouveaux propriétaires, de ceux à fort potentiel d’investissement à ceux dans la capacité de s’amuser avec quelques chevaux tout en favorisant l’accès à la multipropriété. Il faut aussi aller chercher des sponsors internationaux, nationaux et locaux afin d’augmenter l’enveloppe globale des allocations. Il faut aussi veiller à réaugmenter le taux de pénétration de notre sport dans la population, qui est passé de 15 % à 6 % en 15 ans. Cet effort de reconquête de l’ensemble de nos partenaires est le principal défi que nous avons à relever. Enfin concernant le volet social, il faut aider les entraîneurs dans leur action de recrutement de nouveaux salariés et en tenant compte de la pénibilité du travail de nos équipes avec une amélioration de leurs conditions de travail dans les écuries et sur les hippodromes, mais également mettre en place avec l’Institution une action sociale en direction des entraîneurs au moment de leur retraite, à l’image du livret des jockeys par exemple.
Souhaitez-vous que des modifications soient apportées à la gouvernance de France Galop ?
Cette question, comme vous le savez, a été le sujet d’une grande confrontation d’idées et de la constitution d’une Commission gouvernance au sein de France Galop en 2023. Toutes les parties ont pu s’exprimer pour aboutir à la création de deux nouvelles Commissions qui viendront complémenter les organes institutionnels de France Galop. Cela est davantage une évolution complémentaire qu’une révolution institutionnelle et cela apporte la preuve que les instances qui composent la gouvernance sont dans leurs rôles. Je pense, parallèlement à ce constat, que l’importance de la gouvernance réside davantage dans les hommes qui la composent qu’ils soient institutionnels ou opérationnels. Notre futur tandem président/directeur général devra allier connaissance de notre filière, écoute du terrain et vision avant-gardiste de l’évolution de notre sport.
Aussi bien en plat qu’en obstacle, les entraîneurs français semblent aujourd’hui dans une situation plus précaire qu’il y a quatre ans. Que pouvez-vous nous dire sur l’état réel de cette situation ?
Effectivement, ces quatre dernières années ont été marquées par l’actualité (Covid, augmentation des matières premières, inflation…) qui a mis plus en difficulté nos écuries avec une augmentation de la proportion des chevaux à notre charge et une forte hausse de notre prix de revient qui n’a pas été suivie par une augmentation en proportion des prix de pension et/ou des allocations. J’ajouterais que l’inflation a mécaniquement augmenté le Smic, et par répercussion, notre masse salariale qui représente plus de 40 % du prix de revient dans l’entraînement de nos chevaux de course. Nous devons donc trouver de nouveaux investisseurs afin de mieux financer la mise en route des jeunes chevaux et l’entraînement qui en découle. L’ensemble de nos entreprises a besoin de retrouver une marge financière afin de reprendre confiance, de repartir dans une logique d’investissement et du bien-être social de nos équipes.
C’est peut-être moins vrai cette année, mais l’entraînement français a vraiment souffert de compétitivité ces dernières saisons. Quelle est votre position à ce sujet ? Faut-il y remédier ou « laisser faire » ? S’il fallait y remédier, quelles seraient les mesures qui devraient être prises ?
La question se pose de façon moins absolue en cette fin d’année 2023 qu’après le meeting de Deauville 2022. Les victoires françaises au niveau Gr1 ont été nombreuses. Elles représentent le résultat du travail d’entraîneurs ayant des petits, moyens, gros effectifs, qu’ils soient de Paris ou de régions. C’est l’ensemble des entraîneurs de notre pays qui a permis de retrouver la compétitivité. Mais il faut effectivement tout mettre en place pour conserver cette dynamique en favorisant les casaques et les élevages « classiques » à travailler avec nos entraîneurs nationaux. Nous avons un problème de quantité et de qualité (pedigrees) sur les jeunes chevaux qui rentrent à l’entraînement en comparaison avec nos voisins anglo-saxons. Une réflexion doit s’engager sur l’investissement, l’accueil des propriétaires et la baisse de la T.V.A. – ou la facilité à créer une société assujettie. Nos meilleurs atouts pour accroître cette compétitivité sont les résultats de nos jeunes entraîneurs dans les courses de Groupes.
J’ajouterais sur un sujet complémentaire que la lutte antidopage doit maintenir une pression forte pour garantir l’équité de la compétition et l’éthique de notre élevage. Les nouvelles règles mises en place sont nécessaires pour assurer le bien-être animal qui est d’ores et déjà un objectif majeur. Veillons à ce qu’elles s’appliquent au même niveau de contrôle pour les concurrents étrangers.
« Nous devons croire en notre sport »
Le mot « conquête » revient souvient dans votre discours…
C’est vrai ! Nous mettons beaucoup l’accent sur ce nécessaire besoin de conquête que nous devons faire, conjointement avec l’Institution, pour capter de nouveaux amoureux des courses, propriétaires et turfistes. Nous devons croire en notre sport. Il y a 40 ans, le rugby était un sport local aux règles compliquées alors qu’aujourd’hui, la prochaine finale de la Coupe du monde va être un événement populaire et international. Ce changement a eu lieu grâce aux valeurs qu’il véhicule et dans lesquelles la nouvelle génération se retrouve. Notre activité est tout à la fois un sport, un spectacle et un jeu. Nous devons travailler notre marketing pour booster nos enjeux et attirer une multiplicité de sponsors afin d’augmenter nos recettes et mécaniquement augmenter les allocations et l’argent distribués aux acteurs qui n’a pas évolué entre 2012 et 2022 (270 millions d’euros).
Pour finir, votre liste va-t-elle soutenir un des candidats déjà annoncés à la présidence de France de Galop ? Si oui, lequel ?
À la différence d’autres associations d’entraîneurs, de propriétaires ou d’éleveurs, nous avons fait le choix de ne constituer des listes que dans notre collège. Nous sommes entraîneurs et en dehors de tout courant politique nous défendons notre profession dans son intégralité et sa diversité. Les entraîneurs sont différents de par la taille de leur activité, la localisation sur le territoire, les disciplines représentées. Cette diversité riche qui représente l’ensemble des entraîneurs de France ne peut pas se contenter de défendre la politique de quelques-uns. Elle ne se résume pas en un courant politique dans lequel on regrouperait des entraîneurs, des éleveurs et des propriétaires qui « pensent comme nous » ! Dès l’élection des socioprofessionnels terminée, nous prendrons attache avec chaque candidat à la présidence de France Galop afin de leur faire part de nos attentes, de comprendre leur programme et de confronter nos idées. Ensuite nous assumerons notre rôle de syndicat représentatif de notre profession afin de travailler avec l’équipe en place dans l’intérêt de tous les entraîneurs.