Pendant quatre ans, vous avez été vice-président en charge de l’obstacle. Ne vouliez-vous pas continuer dans cette voie ?
Précisément, si Édouard de Rothschild était resté en lice, je m’étais préparé à travailler davantage pour France Galop, comme vice-président opérationnel. Et pour ce faire, j’ai abandonné mes fonctions de président-directeur-général des Polycliniques de Limoges, une entreprise de 1.400 salariés et 250 médecins. J’ai beaucoup appris, notamment en termes de management : manager des chirurgiens, qui ont par nature beaucoup de personnalité, ça permet de progresser rapidement dans le domaine ! (rires) Aujourd’hui, je n’ai plus qu’une vingtaine d’associés et environ 80 salariés.
Qu’entendez-vous par « vice-président opérationnel » ?
Quand j’ai vu Édouard de Rothschild en juin, je lui ai fait part de ma satisfaction “mesurée” car, à mon sens, les vice-présidents sont trop utilisés ou pas assez. C’est pour cela que je souhaite que ce poste devienne plus opérationnel, plus exécutif. Sans parler d’autonomie par rapport au président, il faut que la fonction laisse plus de liberté d’action. Ce que j’ai demandé pour moi, je l’appliquerai à mes vice-présidents si je suis élu. Il faudra qu’ils passent un à deux jours par semaine à France Galop en immersion avec les équipes. Parce que si l’on n’est pas en immersion, on est en distance et trop respecté par les équipes. C’est très bien ce respect, et le dévouement des équipes est absolument admirable. Mais ça fonctionne un peu à l’ancienne. Il faut mettre un petit coup de modernité là -dedans. Et que chacun joue son rôle. Il faut revenir à la pratique de Jean-Luc Lagardère qui avait deux vice-présidents très opérationnels.
Comment allez-vous vous organiser si vous êtes élu ?
J’ai parlé avec mes associés. Si je suis élu le 12 décembre, ils sont d’accord pour que je ne travaille plus qu’un à deux jours par semaine.
Le but de votre candidature est-il prioritairement de défendre l’obstacle ?
Une candidature pour défendre l’obstacle n’aurait aucun sens. L’obstacle n’est pas plus en danger qu’il ne l’était il y a quatre ans. On ne peut pas être tout le temps sur la défensive. C’est une candidature pour représenter les courses au galop. Discuter avec Jean-Pierre Barjon et le PMU me passionne. Thémis va révolutionner la gestion de l’Institution. On va pouvoir travailler efficacement et ensemble.
Mais vous avez tout de même plus de chevaux d’obstacle…
Les émotions de plat et en obstacle sont différentes, mais quand vous voyez la ligne droite d’Ace Impact dimanche dernier, vous avez des frissons ! J’ai gagné au plus haut niveau en plat, je sais ce que c’est. La plus belle journée de ma vie est probablement celle des Prince of Wales [victoire de Vision d’État à Royal Ascot en 2009, ndlr]. J’ai des chevaux d’obstacle car je baigne dedans depuis que je suis jeune et que c’est plus à la hauteur de mes moyens. En plat, c’est plus difficile pour les propriétaires français, ce que je regrette. Le propriétaire français est en moyenne un propriétaire plus pauvre qu’un propriétaire étranger. Pour avoir accès en plat à de belles origines, il faut disposer de gros moyens. En obstacle, la situation est un peu différente. Néanmoins une bulle spéculative s’est créée, laquelle fait le bonheur de certains éleveurs d’obstacle, mais qui est très inquiétante. Quand je vois les courtiers et les pinhookers rafler, entre mars et juin, tous les foals d’un étalon que je connais bien puisqu’il m’appartient et que je me dis qu’on ne verra jamais un de ces produits en France, c’est quand même rageant. D’autant qu’ils ne les achètent pas si cher que ça. Par contre, ils font des plus-values terribles lorsque le poulain montre le bout de son nez en Angleterre.
Est-ce pour cela que l’obstacle souffre ?
L’obstacle ne souffre pas plus que le plat et n’est pas plus en danger que le plat. La seule façon de s’en sortir, c’est de travailler tous ensemble. Moi, je crois à la mutualisation des courses. J’ai pratiqué dans ma vie professionnelle la mutualisation des compétences. Un jour c’est une discipline qui fonctionne bien et un jour c’en est une autre. Il faut soutenir tout le monde ! Car celui qui est un jour en haut peut être en bas le lendemain. Et vous ne savez jamais qui sera le parent riche ou le parent pauvre demain. Cette mutualisation doit bien sûr être faite entre le plat et l’obstacle mais aussi entre le trot et le galop. Et ce n’est qu’en étant unis que nous pourrons peser suffisamment sur le PMU et prendre les bons virages. Mais certains bons virages sont déjà pris.
Comment faire évoluer les choses ?
Je sais que la morosité ambiante prévaut. Si je me lance dans cette candidature, c’est parce qu’un enthousiasme extrêmement important m’anime ! Je veux aller chercher les 10% de propriétaires supplémentaires qui nous manquent. En mobilisant tout le monde car le recrutement est l’affaire de tous. Il faut redonner envie aux propriétaires. Mais pour redonner l’envie, il faut qu’il y ait un élan. Tout ne va pas mal. Édouard de Rothschild et Olivier Delloye ont bien géré la crise. La situation est correcte et je m’inscris dans la continuité du travail mené par les équipes dirigeantes de France Galop. Je suis pour la stabilité de quelqu’un comme Henri Pouret. Par ailleurs, nous avons une très importante trésorerie. Il va falloir procéder à un plan de relance, réinjecter de l’argent dans les allocations pendant trois, quatre années de suite pour réattirer les propriétaires. Le taux de couverture par les gains, qui était de 55 %, est passé à 48 %. Seule l’augmentation des allocations peut nous sortir de ce marasme et redonner confiance aux propriétaires.
Quelle sera votre méthode de réforme ?
Je ferai exactement comme quand j’ai été nommé vice-président de l’obstacle : en forçant un peu les administratifs de France Galop, j’avais organisé un séminaire de l’obstacle. Les gens pourront en témoigner : nous y avions abordé énormément de thèmes. Seuls deux d’entre eux n’ont pas obtenu de réponse : cela concernait le PMU, où Cyril Linette n’avait pas daigné répondre à notre invitation, et le guichet unique que les équipes de France Galop jugeaient ridicule à l’époque. Comme par hasard, six mois avant les élections, il a été demandé à Frank Walter de réaliser un gros travail sur les propriétaires, dont est ressorti tout ce que nous avions abordé lors du séminaire de l’obstacle. La prise de conscience est donc tardive.
Parlons de la gouvernance. Qu’envisagez-vous à ce sujet ?
Je veux que France Galop soit dirigé par un patron et non par son administration. Ce point est très important. Il ne faut pas que cela se passe comme dans les ministères, où les ministres passent et l’administration dirige. À France Galop, peut-être que les présidents passent, mais l’administration ne doit pas diriger. Le président doit imprimer cette volonté. Il y a bien sûr beaucoup de projets à court et moyen termes, autant en obstacle qu’en plat. On ne va pas les détailler ici, mais j’ai discuté avec Nicolas Clément, lequel me dit que la ligne rouge a été franchie pour le nombre de 2ans à l’entraînement. La baisse des effectifs en France concerne d’ailleurs essentiellement les 2ans de plat. Pourtant, tout a été fait pour eux. On a augmenté la prime propriétaire à 85 %, mais l’effet positif n’aura duré qu’un an. Cette année, nous sommes à – 7 % par rapport à l’année dernière au 1er septembre. Et – 11 % sur deux ans. La situation est inquiétante. Ce n’est pas une personne qui va résoudre les problèmes toute seule. Nous allons donc convoquer un séminaire avec un Conseil d’administration élargi à des personnalités qui ont une grande connaissance du plat et de l’obstacle. Nous resterons 48 h enfermés et de cela découleront des priorités et un plan stratégique à court et moyen terme. Le succès du séminaire de l’obstacle ne m’avait pas surpris, j’avais simplement été heureux de voir que les participants étaient capables d’oublier leurs égos. Et puis je ne voudrais pas finir la mandature en critiquant à tout crin ce que j’ai vécu, mais on peut tout de même dire que le Comité n’a pas été assez consulté. Il doit être plus impliqué. Si je suis élu, il sera associé à chaque phase de concertation.
Vous avez une réputation d’homme à poigne, sûr de son autorité. Comment cela se passe-t-il dans l’associatif ?
J’ai dirigé le Conseil de l’obstacle pendant plusieurs années. Donc si vous voulez avoir une réponse objective à votre question, il faut interroger les membres du Conseil. Je pense qu’ils vous diront que je suis un homme de dialogue, et de par ma fonction de médecin, j’aime les gens. J’ai compris au fil du temps qu’il fallait prendre le bon côté des gens. J’aime le dialogue. Au Conseil, nous avons beaucoup parlé. Mais le dialogue doit déboucher sur des décisions. Je n’aime pas le délayage. Je suis pour l’efficacité. Écouter, convaincre et décider.