Ils rendent hommage à Lady O’Reilly
Personnalité d’une grande classe, experte reconnue, Lady O’Reilly – née Chryss Goulandris –- nous a quittés mercredi soir. Une page de l’histoire du galop en France et en Europe se tourne. Elle était âgée de 73 ans.
François Rohaut : « Elle était adorée et encensée par l’ensemble du monde des courses »
Entraîneur
« Sa disparition, c’est une grande émotion. Aujourd’hui, j’ai gagné avec un produit de son élevage à La Teste-de-Buch. Je n’ai pas peur de le dire, c’était ma meilleure propriétaire. La plus attachante. La plus gentille, avec toute l’équipe. Elle était adorée et encensée par l’ensemble du monde des courses. C’était un personnage à part. Je suis très affecté par sa disparation. J’étais encore avec elle dimanche aux ventes. Lady O’Reilly c’est tellement de bons souvenirs, tellement de bons chevaux… Elle savait accepter les déceptions avec classe. La France des courses perd une grande dame. Elle avait acquis beaucoup de connaissances auprès de grands professionnels comme François Boutin ou Étienne Pollet. C’est quelqu’un qui cherchait sans cesse à s’améliorer. On pouvait discuter pendant des heures de pedigrees et de modèles avec elle. Aller voir les yearlings au haras de la Louvière, c’était toujours un très grand plaisir. Je garde le souvenir de dîners mémorables à Castlemartin avec son époux et Sir Mark Prescott. Elle rêvait de gagner le Diane et Sandbar s’était classé troisième de ce classique. Par ailleurs, toutes les victoires comptaient pour elle. Et elle était heureuse de voir les gens autour d’elle se réjouir d’un succès. Lady O’Reilly était d’une fidélité sans faille à ses entraîneurs. Comme le cheikh Hamdan. Ces propriétaires, on travaillait à vie pour eux. Des personnages exceptionnels. Ils gardent une place à part dans mon cÅ“ur. Une page se tourne, nous sommes tous très émus. »
Henri Bozo : « Compétitrice, elle était déterminée mais pas à n’importe quel prix »
Directeur de l’écurie des Monceaux
« Elle a beaucoup compté dans l’histoire de l’élevage français en général et dans celle de l’écurie des Monceaux en particulier. Lady O’Reilly et Patricia Boutin nous ont fait énormément confiance. Dès le début, Lady O’Reilly a accepté de s’associer avec nous sur certaines juments. Cela nous a beaucoup aidés. Ce fut un grand plaisir de travailler avec une personne qui vous soutenait autant. Elle prenait les bonnes nouvelles avec enthousiasme et les mauvaises avec classe. Quand on lance un élevage comme les Monceaux, il y a 18 années à présent, cette confiance compte énormément. Lady O’Reilly était associée sur les juments qui ont “fait” les Monceaux, comme Platonic, Prudenzia, Tonnara… C’est de cette association qu’est donc né le succès que l’on a pu connaître jusqu’à aujourd’hui. Nous continuions régulièrement à investir dans des yearlings, dans des poulinières… Nous échangions beaucoup. Nous profitions beaucoup aussi des bons moments ensemble. Sa disparition est un grand vide. Lady O’Reilly avait beaucoup de classe, beaucoup d’humanité mais aussi beaucoup d’ambition. Compétitrice, elle était déterminée mais pas à n’importe quel prix. Avec elle et Charles-Henri de Moussac, nous avions acheté Alpine Rose, dont la carrière sportive l’avait beaucoup motivée et amusée. Lady O’Reilly pouvait se réjouir pour une victoire à La Roche-Posay. Mais elle avait dans le même temps l’ambition d’élever pour le top et d’aller aux meilleurs étalons possible. Nous partagions cette volonté d’investir pour atteindre les Grs1. À son contact, on apprenait à prendre les “hauts” avec calme et les “bas” avec philosophie : ne pas se prendre pour plus beau que l’on est dans les périodes de réussite et ne pas se morfondre au fond du trou lorsque cela ne va pas. C’était par ailleurs une personne très fidèle. Elle était toujours là . Ce qui nous réconforte tous, dans cette période triste, c’est de se dire qu’elle est partie dans une phase de grande réussite sportive. Tout le monde se réjouissait de la voir gagner des courses. Les chevaux, les ventes et les courses ont été une part importante de son existence. Ses 2ans ont une réussite extraordinaire, sans oublier Witch Hunter et Vespertilio outre-Manche dans les Groupes. Nous avons partagé ensemble la joie de la victoire de la 2ans Vespertilio dans les Debutante Stakes (Gr2) au Curragh. Au-delà de son professionnalisme, de sa passion… il faut certainement retenir sa grande humanité et sa grande fidélité. Elle aimait les gens et elle ne les jugeait pas. »
Marc Violette : « Sa patience avec les chevaux était à l’image de sa classe »
Ancien directeur du haras de la Louvière
« J’ai travaillé 25 ans pour elle. Et nous avons vécu des moments intenses et passionnants sur le plan professionnel. Je l’ai toujours comparée à un dictionnaire de la question équine. Elle connaissait très bien l’animal. Mais aussi énormément les origines et maîtrisait parfaitement les croisements. Son sens des pedigrees était assez rare. Sa connaissance des courses du marché était remarquable. Lady O’Reilly dominait vraiment le sujet. Il y a peu de personnes dans ce cas. J’ai pourtant eu la chance de travailler pour pas mal de grands propriétaires. Sa grande passion se ressentait dans ses propos et sa façon d’agir. Éleveuse, propriétaire, acheteuse, vendeuse… elle avait connu toutes les situations au galop. Sa patience avec les chevaux était à l’image de sa classe. Elle faisait partie de ces anciens propriétaires qui étaient de véritables passionnés et pour qui avoir des chevaux est un travail de plusieurs décennies. Les animaux étant ce qu’ils sont, il faut bien évidemment beaucoup de patience, ce dont elle a fait preuve. Son éducation était parfaite. Sa classe et son respect l’étaient tout autant. C’était une personne réservée mais ouverte, avec de l’humour aussi. »
Édouard de Rothschild : « C’était à la fois l’élégance et la discrétion »
Président de France Galop, propriétaire du haras de Meautry
« Nous avions commencé à avoir des chevaux ensemble à la fin des années 1980. C’était une amie personnelle. Lady O’Reilly, c’était à la fois l’élégance et la discrétion. Elle suivait de très près l’élevage et les courses, mais ne cherchait pas du tout à battre des records ou à être tête de liste. Pourtant ses résultats parlent d’eux-mêmes. Sa vision de l’élevage était très classique et c’est la raison pour laquelle nous avions acheté ensemble Altruiste, une fille d’Allegretta. Son ambition était d’avoir un élevage classique. Elle a terminé sa vie aux ventes et nous avons déjeuné ensemble ce mardi à Meautry. Elle se réjouissait beaucoup des résultats récents de ses élèves. Je garde un souvenir particulier de la victoire d’Armande dans le Prix Corrida (Gr2), une pouliche qui avait chuté dans le Prix de Diane (Gr1). C’était le classicisme absolu et un moment très joyeux. »
Éric Hoyeau et Freddy Powell : « Les ventes de Deauville ne seront plus les mêmes sans elle »
Président-directeur général et directeur exécutif d’Arqana
« C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la nouvelle. Lady O’Reilly était présente aux ventes la semaine dernière, accueillant d’un sourire toutes les personnes qui entraient en cour B. Beaucoup de ses amis se sont arrêtés pour discuter avec elle. Nous pensons que ses derniers jours, entourée des pur-sang et des hommes de chevaux qui lui étaient si chers, ont été heureux. Durant des décennies, Chryss a vendu à Deauville, et tout le monde se souvient de ses champions Highest Honor, Helissio, Lawman et Latice. Samedi dernier, elle a été ravie de voir deux de ses élèves remporter des Grs2 en Angleterre et en Irlande. Mardi, le haras de la Louvière a vendu le top price de la vente de yearlings v.2. Nous tenons à exprimer nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux qui ont pris soin de ses chevaux dans ses haras. Les ventes de Deauville ne seront plus les mêmes sans elle. »Â
Eddie Lynam : « C’était une éleveuse exceptionnelle »
Entraîneur, verbatim accordé au TDN
« C’était une personne très gentille. J’ai eu la chance d’entraîner pour elle pendant 15 ans, peut-être plus, et c’était un plaisir de travailler avec elle car elle était très compétente. Elle allait beaucoup aux courses à travers le monde, encore plus ici en Irlande, où nous l’aimions beaucoup. Elle venait nous rendre visite et elle avait beaucoup d’humour […]. Elle a fait beaucoup pour les courses et était présidente de l’Irish National Stud, ici, en Irlande. C’était une éleveuse exceptionnelle. Ma famille et moi l’aimions tous beaucoup et elle nous manquera. Mes pensées vont à Sir Anthony et au reste de sa famille. »