LA BOTTE SECRÈTE DE BARRY IRWIN
Samedi, Facteur Cheval (Ribchester) va tenter quelque chose d’assez extraordinaire. Lui qui a effectué toute sa carrière sur le gazon va affronter certains des meilleurs chevaux de dirt dans la Saudi Cup (Gr1), la course la plus dotée au monde (20 M$). Certes, à l’âge de 6ans, le pensionnaire de Jérôme Reynier a découvert le dirt le 24 janvier à Meydan en se classant troisième de l’Al Maktoum Challenge (Gr1). Mais ce type de défi apparaît tout de même comme un peu fou à nos yeux d’Européens. Pourtant, c’est en jouant le jeu des changements de surface que Team Valor, le syndicat dont Facteur Cheval porte les couleurs, a réalisé certains des coups d’éclat qui ont écrit sa légende. Barry Irwin, le patron de Team Valor, explique : « Depuis le départ, avec mon ami et associé initial Jeff Siegel, l’écurie a connu le succès en changeant les chevaux de surface… Il faut cependant admettre que nous n’avons jamais essayé une star internationale du gazon sur le dirt à l’âge de 6ans. Mais pourquoi pas, après tout ? Facteur Cheval nous avait déjà démontré qu’il aimait potentiellement cette surface lors d’un galop d’essai avant sa victoire dans la Dubai Turf en mars dernier. Et il faut aussi dire que Gary Barber, notre associé sur Facteur Cheval, a également participé à plusieurs de ces changements de surface avec des chevaux comme The Deputy et Gitano Hernando… » Jérôme Reynier a déclaré ce vendredi matin : « Sa meilleure performance a été dans la Dubai Turf, l’année dernière, sur 1.800m corde à gauche. Ce sont les mêmes conditions dans la Saudi Cup, sauf que celle-ci se court sur le dirt. Facteur Cheval est un individu très fort, qui répond toujours présent. C’est vraiment un cheval à part. Il n’est pas facile d’être aussi compétitif que Forever Young ou que les autres vrais spécialistes du dirt au départ. Ce sont des champions internationaux. Être placé dans cette course serait déjà un exploit… »
LES COUPS D’ÉCLAT DU TEAM VALOR EN CHANGEANT DE SURFACE
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L’histoire du Team Valor débute dans les années 1980. Barry Irwin et Jeff Siegel, qui se sont rencontrés dans les salles de presse des hippodromes américains et sont ainsi devenus amis, commencent à acheter des chevaux ensemble. Experts des réclamers, ils ont changé de catégorie le jour où ils ont basculé sur le marché des chevaux à l’entraînement, qu’ils dénichent partout dans le monde, de la France à l’Amérique du Sud !
En 1987, Barry Irwin et Jeff Siegel créent Clover Racing Stables avec deux autres associés et, dès la première année, ils tombent sur Political Ambition (Kirtling). Passé du dirt au gazon, il est lauréat de deux Grs1 dont l’Hollywood Derby. En 1992, les deux autres associés de Clover Racing Stables ne veulent pas réinvestir. C’est la fin de l’écurie, mais Irwin et Siegel rebondissent en créant le Team Valor. Le premier cheval à inaugurer la casaque est My Memoirs (Don’t Forget Me). Acheté en Grande-Bretagne chez Richard Hannon Senior, il n’avait donc jamais couru sur le dirt… et ne présentait pas un seul américain dans les quatre premières générations de son pedigree ! Mais, compte tenu de la manière dont le cheval a couru sur le tourniquet de Chester, Barry Irwin est persuadé d’avoir trouvé un cheval de Belmont Stakes et, pour sa première sortie sur le sol américain, il réalise une performance exceptionnelle en se classant deuxième d’A.P. Indy (Seattle Slew) dans les Belmont Stakes (Gr1) 1992 ! En 2007, nouveau changement : Barry Irwin rachète les parts de Jeff Siegel et renomme l’écurie Team Valor International, afin de mettre l’accent sur l’évolution de l’écurie débutée en 2006.
De nombreux exemples chez Team Valor
Parmi les nombreux partenariats montés par Barry Irwin, on trouve une bonne quinzaine de chevaux ayant réalisé de grandes performances en changeant de surface. Issu d’une mère allemande, Animal Kingdom (Leroidesanimaux) a marqué l’histoire en remportant le Kentucky Derby lors de sa première course sur le dirt. Prized (Kris S) a remporté la Breeders’ Cup Turf (Gr1) lors de sa première course sur le gazon. Martial Law (Mr Leader), cheval de gazon déniché au Royaume-Uni, est passé sur le dirt pour remporter le Santa Anita Handicap (Gr1) à 51 contre 1. The Deputy (Petardia), lui aussi formé sur le gazon au Royaume-Uni, a remporté le Santa Anita Derby (Gr1) sur le dirt et est devenu ainsi le deuxième favori du Kentucky Derby 2000. Gitano Hernando (Hernando), encore un cheval de gazon déniché en Angleterre, a remporté les Goodwood Stakes (Gr1) à Santa Anita lors de ses débuts sur la Pro-Ride (surface synthétique). Star of Cozzene (Cozzene), cheval au dirt au départ, a remporté l’Arlington Million et les Man O’ War Stakes (Grs1) sur le gazon. Captain’s Lover (Captain Al), star du gazon en Afrique du Sud, a remporté les Matchmaker Stakes (Gr3) lors de ses débuts sur le dirt. Jazzy (Mutakddim), autre cheval de gazon déniché en Afrique du Sud, a remporté les Gallant Bloom Stakes (Gr2) sur le dirt à Belmont Park. Went the Day Well (Proud Citizen), acheté sur performance au Royaume-Uni, a remporté les Spiral Stakes (Gr3) sur piste en sable fibrée et a terminé quatrième du Kentucky Derby. Romagna Mia (Mastercraftsman), lauréate du Premio Lydia Tesio (Gr2) sur le gazon italien, a battu le chrono record de la piste en Tapeta de Gulfstream Park. Miss Singhsix (Singspiel), gagnante sur le Polytrack en Irlande, a remporté les Obeah Stakes (Gr3) sur le dirt à Delaware Park.
UN SIÈCLE DE BAGARRE PUIS DEVENIR LA COURSE LA PLUS DOTÉE AU MONDE
Il y a un siècle, le Derby d’Epsom était la course la plus richement dotée au monde. Dans les années 1920, l’allocation était de 11.095 £ au gagnant, environ un million d’euros de 2025. C’était alors l’équivalent de 43 fois le salaire annuel britannique. La Saudi Cup, course la mieux dotée du monde en 2025, offre 10 M$ au gagnant. C’est 250 fois le revenu annuel britannique de référence. L’Agua Caliente Handicap à Tijuana, au Mexique, est brièvement devenue la course la plus dotée au monde en 1930 et, en 1932, la légende Phar Lap (Night Raid) avait d’ailleurs voyagé depuis l’Australie pour remporter cette allocation (alors) record. Le Santa Anita Handicap, l’Hollywood Gold Cup et la Santa Anita Maturity, toutes courses courues en Californie, ont successivement été les épreuves les plus dotées du monde entre 1935 et 1951. Étonnamment, trois courses pour 2ans ont momentanément offert la plus forte allocation internationale. Ce fut le cas des Belmont Futurity Stakes à New York en 1928 et 1929, avant de reprendre le leadership à partir de 1931 pendant quatre ans. En 1953, les Garden State Stakes dans le New Jersey se sont hissées au sommet et y sont restées jusqu’au lancement de l’Arlington-Washington Futurity dans l’Illinois en 1962. Dans les années 1970, c’est le Prix de l’Arc de Triomphe qui est devenu la plus grosse allocation du monde… avant que les Américains ne reviennent sur le devant de la scène. La première course à 1 million de dollars américains fut l’Arlington Million remportée par John Henry (Ole Bob Bowers) en 1981, avant que la Breeders’ Cup et son épreuve phare, la Classic, ne soient introduites en 1984. La fin des années 1990 a vu l’émergence de la Dubai World Cup. Cette dernière s’est hissée au sommet des allocations internationales dès sa quatrième édition, en 1999, marquant une nouvelle ère dans les courses mondiales. Depuis cette date, à l’exception des deux premières Pegasus World Cups en 2017 et 2018, le Moyen-Orient abrite systématiquement la course la plus richement dotée au monde. La Saudi Cup a été courue pour la première fois en 2020. En 2025, les allocations les plus élevées dans le monde sont – dans l’ordre – la Saudi Cup, la Dubai World Cup et The Everest en Australie.