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jeudi 28 novembre 2024

AccueilA la uneLeopoldo Fernandez Pujals : « J’ai toujours donné leur chance aux jeunes »

Leopoldo Fernandez Pujals : « J’ai toujours donné leur chance aux jeunes »

Leopoldo Fernandez Pujals : « J’ai toujours donné leur chance aux jeunes »

La victoire de Blue Rose Cen dans le Prix de Diane Longines a fait vibrer la France des courses. Par la popularité de la pouliche, celle de son entraîneur, mais aussi parce que l’arrivée d’une nouvelle casaque dans la cour des grands a quelque chose de rafraîchissant pour beaucoup.

Dans quelques semaines seulement, le 3 août, Blue Rose Cen (Churchill) va défier les anglaises à domicile. Les bookmakers britanniques en ont fait leur favorite pour les Qatar Nassau Stakes (Gr1). Rarissime pour un cheval entraîné en dehors de leurs frontières… Beaucoup de grands éleveurs – de Federico Tesio à Jean-Luc Lagardère – ont commencé par des résultats décevants, ou du moins irréguliers. Ce n’est pas le cas de Leopoldo Fernandez Pujals, bien au contraire. Avoir de tels résultats aussi rapidement, est-ce une surprise ? L’homme de la Yeguada Centurion réagit : « Je suis aussi surpris que vous ! C’est arrivé vraiment vite. Notre challenge, désormais, c’est de refaire la même pouliche. »

Là où tout a commencé

« Au départ, je voulais devenir ingénieur agricole pour reprendre certaines propriétés familiales à Cuba, où nous avions élevé du bétail. Mais, quand le communisme est arrivé au pouvoir, nous avons été spoliés avant d’être forcés à l’exil. J’ai donc étudié la comptabilité et la finance. Et j’ai commencé à travailler pour Johnson & Johnson. On m’a affecté dans différents pays avant que j’arrive un jour en Espagne. C’est là que j’ai rencontré le succès en créant ma propre chaîne de pizzerias. J’ai alors pu m’offrir une ferme. Et c’est sur ces terres que j’ai lancé un élevage de référence en matière de chevaux de pure race espagnols. » Les galopeurs sont arrivés des décennies plus tard, il y a quelques années seulement, à l’occasion d’une première visite sur l’hippodrome de Madrid.
 

L’élevage sous toutes ses formes

Leopoldo Fernandez Pujals a élevé avec succès (et à grande échelle) des faucons de chasse et des chevaux espagnols : « Tous les types d’élevage sont différents car les lignes directrices et les critères sont très distincts dans chaque cas. Pour les faucons, par exemple, j’évite toute forme d’inbreeding dans les trois premières générations du pedigree. Quand on élève des pur-sang anglais, on part en quête de la vitesse. La mesure, c’est la victoire. Votre cheval est-il capable de gagner ou ne l’est-il pas ? Il y a aussi la question de trouver la bonne distance. Big Rock, par exemple, est un fils de Rock of Gibraltar (Danehill). Sur le mile, Rock of Gibraltar n’a été battu qu’une seule fois, lors de sa dernière apparition publique. Or son fils a prouvé qu’il était capable d’aller sur plus long. Élever et courir, c’est un questionnement permanent. » Pour tous les éleveurs, quelle que soit leur espèce de prédilection, la conformation est primordiale. Alors, que Leopoldo Fernandez Pujals recherche-t-il chez une poulinière pur-sang anglais ? : « Chez une jument, il y a beaucoup de choses à regarder. Nous essayons d’acheter des poulinières d’une taille correcte, bien d’aplomb aussi. Avec une bonne locomotion qui soit en rapport avec leur distance de prédilection en course. On ne peut pas attendre d’une jument de tenue qu’elle marche comme une sprinteuse. Dans tous les cas, l’arrière-main doit être forte. »

« Mon élevage de galopeurs, je l’ai lancé à 72 ans. Et je l’ai fait car c’est une activité par essence difficile. C’est un vrai challenge et j’ai souhaité le relever. »

Pourquoi se lancer dans un tel challenge ?

L’élevage est une activité très difficile, avec beaucoup de situations frustrantes, d’efforts financiers et d’attente pour (éventuellement) obtenir un bon cheval : « J’ai 76 ans. Mon élevage de galopeurs, je l’ai lancé à 72 ans. Et je l’ai fait car c’est une activité par essence difficile. On dit souvent que, pour devenir millionnaire dans les chevaux, il faut commencer en tant que milliardaire. C’est un vrai challenge et j’ai souhaité le relever. » Pour l’instant, nous avons vu en piste principalement les produits de juments européennes. Mais Leopoldo Fernandez Pujals a aussi beaucoup investi dans les poulinières américaines : « Parmi les premiers foals nés en Europe de mes achats américains, une partie est repartie aux États-Unis pour être entraînés à Tampa. Très progressivement, je souhaite croiser des juments américaines avec des étalons européens, ici en Normandie. » À l’avenir, la Yeguada Centurion va continuer à vendre une partie de ses yearlings et à conserver l’autre partie.

Le choix de la France

« Le haras que j’ai acheté en Normandie, à Nonant-le-Pin, c’est de la très bonne terre. Avec beaucoup d’herbe… et elle pousse vite ! J’ai choisi la France, car je voulais être proche de mes autres activités et aller d’un point à l’autre rapidement. Par ailleurs, le système français est incitatif pour les éleveurs. Ne serait-ce qu’avec les primes pour l’éleveur et le propriétaire. Nous avions prospecté autour de Newmarket également mais cela s’annonçait comme des achats difficiles. La France offre des opportunités intéressantes pour les éleveurs qui, comme moi, veulent investir. En Espagne, je n’ai gardé que des chevaux à l’entraînement car je veux soutenir la filière locale. Mais le focus est réellement mis sur la France car c’est là que l’on peut se mesurer avec les meilleurs. »

« Le système français est incitatif pour les éleveurs. Ne serait-ce qu’avec les primes pour l’éleveur et le propriétaire. La France offre des opportunités intéressantes. »

L’étalonnage

« Mon premier objectif, à court terme, c’est d’avoir un étalon. Pour avoir une opération d’élevage et de course soutenable, il faut faire de l’étalonnage. Croisons les doigts, si Big Rock continue à briller autant en compétition au second semestre 2023, mais aussi en 2024, ce sera peut-être lui. Il a une santé et un cardio exceptionnels. Tout coûte cher en matière de course et d’élevage. Seuls les étalons et les très bons chevaux de course permettent de trouver un certain équilibre. Nos juments de tête vont aux meilleurs sires. Sibila Spain (Frankel) est pleine de Dubawi (Dubai Millennium). Queen Blossom (Churchill), la mère de Blue Rose Cen (Churchill), est retournée à Frankel (Galileo) pour la deuxième fois. L’an prochain, elle ira à Churchill (Galileo) en espérant obtenir un mâle… Espérons qu’en croisant le meilleur avec le meilleur nous obtenions le meilleur ! »

Une émotion à partager

« Ma famille, mes amis et mon équipe étaient là pour la victoire de Blue Rose Cen dans le Prix de Diane. C’est formidable l’enthousiasme que cela a suscité chez nos employés, y compris chez ceux qui travaillent en Espagne. Tout le monde s’est vraiment pris de passion pour cette pouliche. » Peut-on comparer l’émotion d’une victoire dans une compétition de dressage et celle dans une grande course ? : « C’est impossible. Le galop vous donne des frissons, la chair de poule. Ma femme me dit qu’à chaque victoire nous recevons une dose d’adrénaline. Le cheval de course vous offre une capacité d’identification, de projection tout à fait remarquable. Nous avons par ailleurs eu le sentiment d’avoir été très bien reçus par le monde du galop. Partout. »

La réussite d’une équipe

Les discussions entre Christopher Head et Leopoldo Fernandez Pujals vont au-delà du cadre strict de la relation entraîneur propriétaire. Lors de la conférence de presse post-Prix de Diane, on a senti une réelle proximité entre les deux hommes, mais aussi un sens de l’humour commun : « À l’occasion, nous partageons au sujet de ce que représente la vie d’un entrepreneur. La première étape, c’est définir ses objectifs. La seconde, c’est de les atteindre. Et c’est la même chose au niveau de l’élevage. Christopher Head a grandi dans une famille où les gens réussissent génération après génération. Il y a des éléments de cette réussite familiale qui lui ont servi à lancer son propre succès, de manière naturelle, voire inconsciente. Cela dit, on ne peut pas faire que reproduire les méthodes du passé et espérer réussir aujourd’hui. En tant qu’entrepreneur, je n’ai jamais essayé de copier. Il faut s’adapter, procéder à des changements. » L’ensemble des personnes à l’œuvre autour de la Yeguada Centurion donnent l’impression d’être fortement impliquées dans ce projet : « J’ai toujours souhaité donner leur chance aux jeunes. Parfois même à des individus avec peu d’expérience. Et leur donner les clés pour devenir de véritables partenaires de travail. Voilà comment je vois les gens qui travaillent avec moi. Pour que l’entreprise réussisse, il faut que ce soit aussi le cas pour chaque membre de l’équipe. J’ai écrit mon autobiographie en 2014. Son titre est Shoot for the Stars and You Will Land on the Moon. Il faut essayer de viser le plus haut possible dans ce que l’on veut entreprendre. »

« E. P. Taylor disait : « Croiser le meilleur avec le meilleur… pour espérer obtenir le meilleur. » Voilà ce que nous essayons de faire ! »

De livre en livre

Dans cette autobiographie que nous venons d’évoquer – et dont le titre en Espagnol est Apunta a las estrellas y llegarás a la luna : Convierte tus sueños en éxitos – Leopoldo Fernandez Pujals explique sa méthode et sa vision du monde de l’entreprise : « Tout ce que vous devez savoir a déjà été écrit. Il suffit de lire, étudier, appliquer et apprendre des meilleurs. Il faut acquérir les connaissances de ceux qui ont atteint le but que l’on veut obtenir. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours énormément lu. » Quel livre l’a inspiré au galop ? : « J’ai lu le livre d’E. P. Taylor sur la vie de son élève Northern Dancer (Nearctic). C’est le meilleur que j’aie lu au sujet des courses. Il y disait : « Croiser le meilleur avec le meilleur… pour espérer obtenir le meilleur. » Voilà ce que nous essayons de faire ! E. P. Taylor était un entrepreneur. Et c’est quelque chose qui me parle. Très tôt dans ma vie professionnelle, notamment lorsque je travaillais chez Johnson & Johnson, je sortais du cadre car j’avais cette fibre entrepreneuriale. » Il y a des points communs entre E. P. Taylor et Leopoldo Fernandez Pujals. Le Canadien a lancé Windfields Farm, dans l’Ontario, à partir de zéro. Outre Northern Dancer, il a élevé ses fils Nijinsky, dernier gagnant de la triple couronne britannique, ou encore The Minstrel, lauréat des Dewhurst Stakes, du Derby d’Epsom, du Derby d’Irlande et des King George○VI and Queen Elizabeth Stakes (Grs1). 

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