mardi 16 juillet 2024

Reynier

Au cœur de Calas avec Jérôme Reynier

Sur la lancée d’un début de saison assez exceptionnel, Jérôme Reynier aura trois partants lors du meeting de Royal Ascot. Quelles sont ses recettes pour atteindre une telle réussite ? Mercredi matin, à la première heure, pour tenter de répondre à cette question, j’étais sur le dos de l’un ses pensionnaires, sur le centre d’entraînement de Calas !

Par Rose Valais

rv@jourdegalop.com

Depuis 2018, Jérôme Reynier gère deux cours à Calas : la première accueille les 51 représentants de Jean-Claude Seroul et l’autre le reste de son effectif. Si les équipes sont bien distinctes, la méthode d’entraînement reste la même, ainsi que l’alimentation. Le rendez-vous était donné à 6 h devant la liste. Premier étonnement : si elle permet d’attribuer à chaque cavalier les chevaux qu’il doit monter, cette liste a une particularité. Dans la case de chaque cheval est mentionné l’entraînement qu’il doit réaliser. Par exemple, « PC » pour petit canter. À cela s’ajoute la place que le cavalier doit avoir dans le lot. Peut-être un détail, mais qui reflète la rigueur de l’organisation !

J’ai testé pour vous les pistes de Calas 

Il est temps de passer à la pratique ! Il est 6 h 30 et me voici plongée au cœur du premier lot, associée à un 2ans dont je garderai bien caché le nom. L’endroit est calme, il fait beau et bon, malgré le léger mistral. Un peu de trot, 400m de galop de chasse et c’est parti pour un petit canter sur une piste en sable, vallonnée et très agréable, aussi bien pour les chevaux que pour les cavaliers. Le centre d’entraînement compte près de 600 chevaux et pourtant, on ne croise que très rarement d’autres écuries, grâce à des roulements vraiment bien organisés. De l’organisation, Jérôme Reynier doit en avoir pour superviser ses deux cours, dont les lots sortent alternativement, à un intervalle d’une trentaine de minutes. L’entraîneur peut ainsi observer ses chevaux au sein de lots pas trop fournis.

Le deuxième lot au gazon et pas avec n’importe qui 

Il est 7 h 30, les chevaux du premier lot sont rentrés à l’écurie. Jérôme Reynier travaille les engagements dans son bureau. Pendant ce temps, son équipe prépare le deuxième lot mais interdiction de sortir avant que le boss ne soit passé mettre les bandages aux chevaux qui en portent. Ici, c’est Jérôme Reynier qui gère tout. Il est désormais 8 h et quatre chevaux ne vont pas tarder à défiler devant nous, sur un gazon parfait. Il s’agit de Zarakem (Zarak), accompagné de Nagano (Fastnet Rock) et de deux pouliches de 3ans inédites. Zarakem sera au départ des Prince of Wales’s Stakes (Gr1), mercredi à Ascot. Un dernier travail au moral ! « Je souhaitais qu’il retourne sur le gazon, sans confondre vitesse et précipitation. Habituellement, ce n’est pas Franck Blondel qui monte Zarakem mais Annaëlle Didon-Yahlali. Je souhaitais le changer de main ce matin pour le déstabiliser un petit peu. C’est un poulain anxieux mais qui évolue très bien avec le temps. Sa performance dans le Prix Ganay (Gr1) est à oublier. Il en a trop fait… Maxime Guyon a senti que dans la ligne droite, il n’était pas comme d’habitude. Physiquement, il est très beau et bien dans sa tête. Nous allons essayer de lui donner une course d’attente et nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne performance. » 

À peine le galop terminé, Jérôme Reynier prend son téléphone et envoie des photos à l’entourage des chevaux. « J’aime bien communiquer à travers des groupes sur WhatsApp. Je souhaite être le plus disponible et transparent possible. Cela prend du temps mais c’est un plaisir de parler avec mes propriétaires, sans passer par un intermédiaire. Je pourrais faire plus mais je donne des nouvelles spontanément. Sinon, les propriétaires peuvent me contacter de 4 h 30, heure du réveil, à 21 h, heure de mon coucher. Je suis très réactif, je n’aime pas me laisser déborder par des messages. » 

Un homme à tout faire mais surtout un homme de cheval

Jérôme Reynier est un entraîneur multicasquette. Ce n’est pas toujours simple de gérer 100 chevaux, le personnel, les propriétaires, les engagements, les soins, suivre les entraînements quotidiennement, la communication… Dans la cour des représentants de Jean-Claude Seroul, il est secondé par Ronny Martens, mais dans la sienne, il détient toutes les responsabilités. « Le matin, je suis le premier à l’écurie. Lorsque j’arrive, j’allume les lumières et je donne le petit-déjeuner aux chevaux. J’adore cette ambiance, il n’y a pas un bruit. En plus, j’ai un œil assez frais pour remarquer si un cheval se comporte de manière différente… J’aime les observer. Je préfère rester une matinée à l’entraînement plutôt que d’aller aux courses… Il y a beaucoup de victoires que j’ai vues derrière mon écran, à l’image de celle de Darlinghurst dans le Prix de Guiche. Pour Lazzat, le Prix Djebel me tenait vraiment à cœur et je voulais être présent pour Antonio Orani. J’ai l’impression que ma présence le rassure. Lorsque ce sont des jockeys parisiens avec qui nous avons l’habitude de nous entretenir par téléphone, elle me semble moins indispensable. Je préfère consacrer mon temps à l’entraînement et à mes enfants… »

Calas, un cadre parfait pour travailler 

Lorsque Jérôme Reynier n’est pas sur les pistes pour observer ses pensionnaires, il se rend sur les hauteurs du centre d’entraînement qui lui permet d’avoir une vue panoramique sur les pistes. Et j’avais rarement vu un cadre aussi joli. Il y a beaucoup de végétation, et notamment de grands arbres qui apportent du charme au lieu. Au centre de la boucle de la piste de canter se trouve un magnifique gazon, qui entoure lui-même des pistes d’obstacles. Calas n’a rien à envier à certains autres centres d’entraînement, tant son cadre est agréable et les outils de travail, de qualité.

Quand les voyages forment la jeunesse…

Ces deux dernières années, Jérôme Reynier a connu une belle réussite à l’étranger, que ce soit en Italie, en Allemagne et dernièrement à Meydan, avec Facteur Cheval (K) (Ribchester). Mais il a également connu des échecs qui, sur le moment, semblent difficiles moralement mais très formateurs pour le reste de sa carrière. « Je suis allé à Hongkong en pleine Covid avec Skalleti et Royal Julius. Depuis que j’ai réalisé toute cette logistique pour amener ces deux chevaux et les hommes là-bas en pleine Covid… Plus rien ne me fait peur. Les contreperformances des chevaux m’ont beaucoup fait mal sur le coup mais j’ai beaucoup appris. »

La semaine qui arrive et les suivantes vont être chargées pour l’écurie de Jérôme Reynier. Trois partants à Ascot (Darlinghurst, Facteur Cheval et Zarakem) et Fun with Flags (Zoffany) qui va courir pour la dernière fois sous son entraînement, dans les Belmont Oaks (Gr1), le 6 juillet prochain, aux États-Unis. La fin de saison pourrait également être remplie de voyages avec Lazzat (Territories) qui vise le Golden Eagle (Gr1) à Sydney, début novembre, en passant par l’Angleterre, fin juillet.

Darlinghurst à Ascot et engagé dans le Prix Jacques Le Marois 

Mercredi dernier, France Galop a validé les engagements du Jacques Le Marois (Gr1) qui se tiendra le 11 août prochain à Deauville. Darlinghurst (Dark Angel), au départ mardi des St James’s Palace Stakes (Gr1), y figure logiquement. Tous les matins, c’est l’ancien jockey Franck Blondel qui s’en occupe, comme de Lazzat. Des hommes de métier dont la présence compte et contribue à la réussite de l’écurie. « Il a d’ailleurs du mal à définir lequel des deux est le meilleur. Ils sont tous les deux invaincus cette année et sont en 50,5 de valeur… Même le handicapeur a du mal à les départager (rires). Mardi à Ascot, j’imagine que la performance de Darlinghurst va beaucoup influer sur la suite de son programme et sa qualité. Il ne fait que progresser… Nous ne l’avons pas supplémenté dans le Jockey Club et avons préféré garder notre ligne de conduite pour viser les St James’s qui se disputent sur le mile et en bon terrain. Maintenant, il va falloir affronter les gagnants des Guinées irlandaises, anglaises et françaises… Nous allons assister à l’une des plus belles courses européennes réservées aux 3ans. En courant le Prix de Guiche, nous avons choisi un chemin de traverse pour l’amener sur cette échéance… »  

Facteur Cheval dans les Queen Anne Stakes mardi 

Mercredi, Facteur Cheval est sorti au deuxième lot. Mais pas de gazon pour lui et plutôt un canter sur le sable, monté par son fidèle cavalier, Grégory. Le représentant de Gary Barber et Team Valor International n’a plus été revu depuis son succès dans le Dubai Turf (Gr1). Désormais, rendez-vous mardi dans les Queen Anne Stakes ! « La ligne de Meydan n’a fait que prendre du relief. Nous allons retrouver certains des chevaux que nous avions déjà affrontés dans cette course. Facteur va également retrouver le mile d’Ascot en ligne droite qu’il avait découvert dans les Queen Elizabeth, lorsqu’il était devancé par Big Rock. Avant le coup, tous les feux sont au vert. Nous n’allons pas dans l’inconnu comme à Meydan où nous avions peur de certains facteurs comme le voyage ou le terrain. Cette semaine, Facteur Cheval a juste besoin de traverser la Manche et de retrouver l’hippodrome où il avait si bien couru l’année dernière, ainsi qu’une opposition qu’il a déjà rencontrée. Nous verrons qui est le plus fort mais il est certainement notre meilleure chance à Ascot. »

Lazzat vise le Golden Eagle à Sydney, début novembre

Mercredi matin, j’ai pu observer Lazzat (Territories) au troisième lot et je peux vous dire que son succès dans le Prix Paul de Moussac (Gr3), il y a quelques jours, n’a laissé aucune trace. Nous avons déjà hâte de le revoir en piste, certainement à Goodwood, dans les Lennox Stakes (Gr2, 1.400m), le 30 juillet prochain. « C’est un vrai challenge de garder un cheval invaincu. Nous avons suivi le programme le plus simple pour lui. Après avoir gagné le Djebel, l’aligner au départ du Prix Paul de Moussac était une suite logique. Il a prouvé sa qualité en terrain souple corde à gauche, sur la ligne droite en terrain lourd, et dernièrement, il abordait, pour la première fois, une piste plus rapide. Il a été monté à la manière des forts et tout est à son honneur car il n’a eu besoin de personne, si ce n’est de son leader. Si nous visons le Golden Eagle à Sydney, il faudra lui trouver une course pas trop compliquée. Il y a les Lennox Stakes (Gr2, 1.400m) à Goodwood. Il est également engagé dans les Sussex Stakes (Gr1, 1.600m) qui se déroulent le lendemain mais il devra affronter les plus vieux et le niveau sera bien supérieur… En plus, il rencontrera Facteur Cheval… Ce n’est pas idéal. Sinon, il pourrait courir le Prix Maurice de Gheest (Gr1), mais toujours contre les vieux… Est-il assez endurci pour cela ? Est-il judicieux de courir un 1.300m ligne droite, alors que nous allons viser un 1.500m avec tournant en Australie ? Nous devons nous poser les bonnes questions. S’il venait à bien courir dans le Golden Eagle, pourquoi pas, sur le chemin du retour, s’arrêter à Hongkong et tenter le mile… »

Jérôme Reynier… par lui-même

L’Irish National Stud, puis le Flying Start 

Petit, Jérôme Reynier suivait les courses mais de très loin. Son père, Serge, était architecte et passionné par les pur-sang. D’abord propriétaire, il a notamment remporté la Coupe de Marseille avec son premier cheval de course. En 1983, il investit dans une première poulinière, laquelle lui a donné en 1985 – qui par ailleurs est l’année de naissance de son fils Jérôme – un premier produit nommé Shaindy (American Stress), gagnant, notamment, du Prix Djebel (L, à l’époque), sous les couleurs familiales. « J’étais vraiment jeune, je n’ai plus trop de souvenirs de cette époque. Petit, je n’étais pas impliqué dans le milieu des courses. C’est au moment de la séparation de mes parents que j’ai vraiment découvert le milieu. Je suis parti à Deauville avec mon père et j’ai pu connaître les courses à travers des livres. J’étais passionné par les pedigrees, je connaissais toutes les familles. J’ai réalisé quelques stages durant l’été dans des haras. Puis, mon père m’a motivé à partir à l’étranger afin d’apprendre l’anglais. Je me suis rendu en Angleterre puis en Irlande, où j’ai pu suivre une saison d’élevage à Coolmore. Peu de temps après, j’ai rencontré Lady O’Reilly qui m’a permis d’intégrer l’Irish National Stud en 2006. En 36 ans d’histoire de la formation dans le projet pedigree, j’ai eu la meilleure note. Cela m’a ouvert les portes du Flying Start jusqu’en 2008. À cette époque, j’avais une petite vingtaine d’années. »

Marseille, le choix du cœur 

Géographiquement, Calas n’est pas le centre d’entraînement le plus « pratique ». Les huit heures de route pour aller courir à Paris génèrent de nombreuses contraintes logistiques. Il est vrai que Jérôme Reynier aurait pu aller s’installer à Chantilly, Deauville ou ailleurs, mais en 2013, c’est logiquement à Calas qu’il s’installe en tant qu’entraîneur public après une première expérience en tant qu’entraîneur particulier pour l’écurie Camacho Courses.  « J’ai choisi de m’installer à Calas car je suis originaire d’ici. C’est une bonne raison, non ? Je n’ai jamais voulu être entraîneur. J’ai réalisé deux ans de courtage à mon compte et j’étais davantage attiré par l’élevage. Mais j’avais besoin d’être en contact quotidien avec les chevaux et de me rapprocher de mon père qui était malade. Plusieurs facteurs ont fait qu’après le Flying Start, je suis revenu près de Marseille. J’adorais les ventes et tout l’univers du commerce. Et c’est vrai qu’en tant qu’entraîneur, nous pouvons avoir toutes les casquettes mais nous sommes au quotidien présents aux côtés des chevaux et c’est ce qui me manquait en tant que courtier. En ce qui concerne l’élevage, le processus est vraiment très lent… » Et maintenant pourquoi changer alors que tout fonctionne ?

Une méthode au cas par cas

Il n’y a pas de recette miracle pour être un bon entraîneur. S’installer, chercher un rythme qui convienne à la majorité de vos chevaux, se remettre en question en permanence puis, enfin trouver une méthode qui fonctionne…SA méthode. « Elle a beaucoup évolué. Au début, mes pensionnaires travaillaient un peu plus dur. J’étais certainement un peu plus impatient. Le temps m’a fait apprendre de mes erreurs. Lorsque nous voulons aller trop vite, nous nous faisons souvent rattraper par la réalité. Mais pour utiliser au mieux le programme français, il faut savoir être patient. Mon mode d’entraînement est à la carte et propre à chaque cheval. Je préfère miser sur la qualité que la quantité. Je pourrais avoir un effectif plus important mais nous rencontrons également des problèmes au niveau du manque de personnel. Ce n’est pas si simple que cela… Il n’y a pas tellement de relève. Mes pensionnaires sont routiniers et je me sers des courses pour construire leur carrière. Nous essayons de garder des méthodes simples afin de ne pas nous y perdre. Notre maréchal est présent tous les jours, il connaît par cœur les chevaux. Je fais peu appel aux vétérinaires mais dès que nous avons un doute, nous n’hésitons pas à les solliciter. Il est également important que les cavaliers gardent leur cheval pour tirer le meilleur de chacun. »

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