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dimanche 24 novembre 2024

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Comment remettre la Poule en “pole”

Comment remettre la Poule en “pole”

Quand Édouard de Rothschild a décidé de passer le Jockey Club sur 2.100m, beaucoup l’ont pris pour un fou. Pourtant, le temps lui a donné raison ! Le Prix du Jockey Club est devenu une stallion-making race reconnue et, sur les neuf dernières années, le Derby à la française a trouvé sa place à sept reprises dans le top 100 des meilleurs Grs1 du monde. Le contraste avec la Poule d’Essai des Poulains est saisissant… Et encore plus inquiétant quand notre classique sur le mile est mis en comparaison avec les Guinées de Newmarket. Que faire pour lui redonner du lustre ? Anne-Louise Echevin a réfléchi à différentes options… À découvrir en pages suivantes !

Il faudra attendre janvier 2025 et les ratings internationaux définitifs pour connaître le rating de l’Emirates Poule d’Essai des Poulains et des 2.000 Guinées de Newmarket (la moyenne du rating des quatre premiers). Mais, si l’on se penche sur les ratings des deux classiques depuis 2015, le classique français ne boxe pas dans la même catégorie que celui de Newmarket.

Par Anne-Louise Echevin

ale@jourdegalop.com

Notre Poule d’Essai des Poulains n’a obtenu, sur cette période, qu’une seule fois le rating minimum moyen requis pour un Gr1 (115). Au contraire, les 2.000 Guinées ne l’ont pas obtenu à une seule reprise – un “accident” en 2023 ? – et apparaissent toujours dans la liste des 100 meilleurs Grs1 du monde sur la période étudiée. On peut s’en moquer mais la rétrogradation si rapide de notre Prix Saint-Alary a tout de même été un traumatisme… Et la Poule d’Essai des Poulains est déjà apparue sur la liste des courses menacées de rétrogradation par l’European Pattern Committee (en 2013)… Et, si elle est certainement protégée par son statut de classique, rien ne dit que ce sera toujours le cas. En l’état actuel des choses, le rating moyen de la Poule d’Essai des Poulains depuis 2015 est celui d’un Gr2… Celui d’une préparatoire au Jockey Club, LA vraie stallion making race de France. Les histoires de New Bay ou autres Intello, battus à Longchamp puis gagnants à Chantilly, ne sont peut-être pas anodines.

Évidemment, la question des ratings de la Poule d’Essai des Poulains pose celle de la compétitivité des chevaux basés en France sur la “profondeur”, puisque les classiques sont la sélection d’une génération. L’année 2020 doit, théoriquement, être mise de côté puisque le Covid a empêché les étrangers de participer à l’épreuve. Mais on note que, avec une “Poule des Poulains 100 % française”, le classique a obtenu son rating le plus bas depuis 2015. C’est un premier sujet. L’autre, pour une course de sélection européenne, est son attractivité.

Les ratings moyens de la Poule d’Essai des Poulains et des 2.000 Guinées

Poule d’Essai des Poulains 2.000 Guinées de Newmarket
2023 112,5 113,25
2022 113,25 118,75
2021 113,75 116,5
2020 * 112 118,25
2019 114 117,75
2018 113,25 117,75
2017** 115,5 120
2016** 113,5 117,5
2015 114,5 117
Moyenne 113,6 117,4

* Année Covid, pas de concurrents internationaux dans les Poules d’Essai (ligne droite à Deauville)

** Poules d’Essai courues à Deauville pendant les travaux de Longchamp

Option 1 : changer de date

Un mois, celui de mai, et trois 2.000 Guinées européennes labellisées Gr1 : 2.000 Guinées de Newmarket, lors du premier week-end de mai ; Poule d’Essai des Poulains, à une semaine ou quinze jours de Newmarket, selon le jeu calendaire ; et Guinées d’Irlande fin mai – à quinze jours des Poules.

Le planning est serré et les Poules d’Essai ne sont pas très bien loties, prises en sandwich entre les Guinées britanniques et les Guinées d’Irlande. On ne peut pas faire les trois ! Courir les Guinées britanniques et françaises à une semaine est difficile. À quinze jours, cela se tente. Pareil théoriquement pour l’écart, selon le jeu calendaire, entre Guinées françaises et irlandaises. En revanche, l’écart entre les Guinées anglaises et irlandaises est parfait. Faut-il donc faire en sorte de maintenir toujours deux semaines entre nos Classiques sur le mile ? Plus facile à dire qu’à faire… sauf à tout remodeler.

Peut-on avancer les Guinées de Newmarket ?

Imaginons l’option d’un remaniement du calendrier européen, en partant du principe que tout le monde dans l’Europe des courses serait gagnant avec des Classiques forts. Pour créer davantage de respiration, avançons les Guinées britanniques – souvent considérées comme “la dernière course de 2ans” – d’une semaine.

– Problème 1 : il faut déjà aller face à une “tradition” de calendrier.

– Problème 2 : cela aurait un impact sur le calendrier des préparatoires, imposant tout un décalage d’au moins une semaine. En 2024, cela aurait voulu dire que le Craven Meeting serait tombé partiellement en superposition avec le Festival d’Aintree… et les Greenham le jour du Grand National ! Une concurrence médiatique entre deux événements.

– Problème 3 : la météo. Nous avons eu un hiver exceptionnellement pluvieux mais, théoriquement, plus on avance dans l’année, plus les chances de pluies de fin d’hiver sont fortes. Cela impacte les Grs1 mais aussi les préparatoires, et augmenter les chances de courir des espoirs classiques sur des terrains pénibles ne va certainement pas plaire… Reste à savoir si l’enseignement des Classiques 2024 est que, oui, la P.S.F. peut servir de tremplin aux espoirs classiques et qu’il est donc possible de délocaliser davantage de préparatoires sur la surface.

Peut-on reculer les Poules d’Essai et les Guinées d’Irlande ?

– Peut-on reculer les Poules d’Essai d’une semaine ?

Oui, d’un point de vue purement français… Si l’on avance d’une semaine le Grand Steeple-Chase de Paris avec toutes les contraintes que cela aura sur les préparatoires qui devront aussi bouger… Nous savons qu’une réflexion est menée sur la saisonnalité de la saison d’obstacle. Si, au printemps, les grands rendez-vous d’Auteuil sont avancés, une place sera à prendre… D’un point de vue européen, le recul des Poules demanderait une validation des Irlandais et de l’European Pattern Committee, puisqu’elles se rapprocheraient des Irish Guineas. Pas certain que cela plaise.

– Peut-on aussi reculer les Guinées d’Irlande pour éviter un conflit ?

La marge de manœuvre est mince puisque, derrière, Royal Ascot avec ses St James’s Palace Stakes et Coronation Stakes arrive vite.

Option 2 : changer d’hippodrome

C’est l’option la plus simple… Laquelle a déjà été réalisée à trois reprises récemment. En 2016 et 2017, les Poules ont eu lieu à Deauville pendant que Longchamp se refaisait une beauté. En 2020, même chose mais pour cause de Covid, avec toutes les restrictions mises en place. Que disent les ratings de la Poule d’Essai des Poulains version Deauville ? On oublie 2020, où il était impossible pour les étrangers de venir. En 2016, le rating n’est pas fameux : 113,5, dans la fourchette basse depuis 2015. En 2017, il est de 115,5, le plus haut sur notre étude.

Ligne droite Deauville vs ligne droite de Newmarket.

Est-ce que basculer sur la ligne droite de Deauville, comme on l’entend souvent, serait un vrai avantage ? D’un côté, on dira que “oui”, les numéros de corde auront – théoriquement – un rôle moins important. Théoriquement car, si plusieurs pelotons se créent, mieux vaudra être dans le bon.

De l’autre côté, est-ce qu’il suffit de déplacer nos Poules sur le même créneau que Newmarket – le mile en ligne droite – pour les rendre vraiment plus séduisantes que les Guinées britanniques ? Ou serait-ce au contraire nous tirer potentiellement une balle dans le pied et proposer des ersatz de Guinées ? Difficile de trouver une réponse absolue : Poules et Guinées seraient le même sport… sans être tout à fait le même non plus. Parce que tout le monde ne s’adapte pas au Rowley Mile ! Citons John Gosden, l’an dernier, après la victoire d’Inspiral dans le Jacques Le Marois l’an passé : « J’adore un mile en ligne droite et, de plus, j’adore un mile en ligne droite sur une piste plate. Je suis moins fan des lignes droites vallonnées, avec un dip. Pour moi, Deauville est une piste extrêmement juste, où il n’y a en général pas de malheureux. »

Est-ce juste de priver Longchamp, le vaisseau amiral du galop, de ses classiques ?

Une somme considérable a été dépensée pour Longchamp, la vitrine du plat en France. Peut-être n’est-ce qu’un aspect psychologique mais le priver de ses classiques s’annonce délicat… Et pose la question de ce que nous devrions faire des différentes préparatoires, dont le Prix de la Grotte et de Fontainebleau, actuellement les références en vue des Poules. En cas de Poules en ligne droite, le Djebel et l’Imprudence (Grs3) passeraient en théorie “numéro 1”. L’histoire montre cependant, avec les deux Groupes deauvillais, qu’on peut préparer les Poules via la ligne droite. L’inverse peut aussi se tenir.

Reste la question du parcours des 1.600m grande piste, où le numéro de corde tient une place très – trop ? – importante. Or, la tentative de revenir sur la moyenne piste – en 2018 – ne s’est pas vraiment bien passée… Comment limiter l’impact des numéros de corde ? Un premier pas a été fait avec l’open stretch qui évite de se retrouver emmuré vivant au moment du sprint – un problème qui touche aussi les Guinées d’Irlande.

Un autre mécanisme est possible, mais il serait sacrément gonflé dans une course de sélection, si ce n’est inutile dans le cas des Poules : annoncer une limite de partants. En réalité, ils ne sont pas dix-huit au départ tous les ans ! Et, pour un classique, une course de printemps où les rêves sont encore permis avec les 3ans, il serait particulièrement décourageant pour les propriétaires de voir leurs représentants potentiellement éliminés.

Option 3 : changer la distance

Peut-on s’inspirer de l’expérience “Jockey Club”, basculé sur 2.100m pour se démarquer du Derby d’Epsom et du Derby d’Irlande – un débat a eu lieu il y a quelques années sur la possibilité de raccourcir celui d’Epsom et, l’an dernier autour de celui du Curragh… Qui dit changement de distance dit deux options : raccourcir… ou rallonger.

Disputer les Poules sur 1.400m ? Le pour

Théoriquement, ce n’est pas une mauvaise idée pour amener plus de partants puisqu’un certain nombre de 3ans arrive sur les classiques européens avec un doute sur la tenue. On parle ici de ceux passés par exemple par les Grs1 européens pour 2ans sur 1.400m (Lagardère, National Stakes & Moyglare Stud Stakes), voire ceux ayant couru sur 1.200m (Morny, Phoenix Stakes, Cheveley Park Stakes, Middle Park Stakes…). En raccourcissant sur 1.400m, une Poule pourrait devenir un tremplin pour les futures épreuves sur 1.600m – des Guinées d’Irlande aux “super classiques” de Royal Ascot – ou, pour ceux ayant tenté l’aventure mais n’ayant pas tenu, vers la Commonwealth Cup (Gr1, 1.200m) de Royal Ascot. Il y a bien entendu l’option du Jean Prat… mais, cependant, la porte vers le Jockey Club (Gr1) va se fermer.

Peut-on disputer les Poules sur 1.400m ? Le contre

L’option est séduisante… Mais peut se transformer en “fausse bonne idée”. Comme dit précédemment, cela ouvrirait quelques options et les Poules pourraient servir de tremplin, de test en vue d’autres courses. N’est-ce pas ce que nous reprochons actuellement à notre Poule d’Essai des Poulains, devenue une sorte de rampe de lancement vers le Jockey Club ?

Ensuite, avons-nous vraiment besoin d’une course de vitesse en plus ? Les distances classiques européennes – en enlevant le St Leger – vont de 1.600m à 2.400m, en passant par 2.100m. Quand le Jockey Club a été raccourci, il s’est retrouvé sur la même ligne que le Diane et il y avait une certaine logique. Un classique sur 1.400m est une autre histoire et, alors que des initiatives sont mises en place pour encourager à élever des chevaux de tenue, nous serions totalement à contre-courant. De plus, le programme des 3ans sur le créneau de la vitesse est déjà bien fourni… et rappelons que son “sommet”, la toute jeune Commonwealth Cup de Royal Ascot (Gr1, 1.200m) est menacée de rétrogradation.

Enfin, nous avons déjà fait cette démarche de raccourcissement en France avec le Jean Prat – à raison, face à la concurrence notamment de Royal Ascot. Doit-on abandonner tous nos Grs1 pour seuls 3ans sur 1.600m ?

Peut-on rallonger la distance ?

Une option gonflée… Mais qui peut avoir plusieurs intérêts. Le premier, puisque l’on parlait des places à la corde, est de donner plus de temps avant le tournant et de – potentiellement – diminuer l’impact des numéros dans les boîtes. Le deuxième est, contrairement à l’option du raccourcissement de la distance, de garder l’option du Jockey Club (et des Derby) ouverte.

Points négatifs : l’impact sur un certain nombre de préparatoires au Jockey Club du mois de mai, lesquels peuvent déjà peiner à rassembler des partants… Et le nombre potentiel de partants d’un Classique à la mi-mai sur 1.800m ou 1.850m – selon la piste de Longchamp sélectionnée – exclurait bon nombre de possibles poulains de qualité étant potentiellement justes en tenue ou de purs milers qui se tourneraient vers d’autres options. Pas certain que le rating des Poules progresserait si, en allongeant la distance, nous venions à créer un “sous Jockey Club”.

Côté allocations…

Le prize money est souvent l’un des nerfs de la guerre. Côté allocations, la Poule d’Essai des Poulains propose 650.000 €, contre 500.000 £ (environ 575.000 €). C’est une somme assez exceptionnelle. En Europe, dans les Grs1 sur le mile (hors 2ans) ouvert aux mâles, seuls les Queen Elizabeth II Stakes (1,1 M£, environ 1,26 M€), le Jacques Le Marois (1 M€), les Sussex Stakes (1 M£, environ 1,15 M€) les Queen Anne Stakes (750.000 £, environ 860.000 €) et les St James’s Palace Stakes (650.000 £, environ 750.000 €) font mieux. Une seule de ces cinq courses est réservée aux seuls 3ans : le “super classique” de Royal Ascot, les St James’s Palace Stakes. Si l’on s’en tient aux seuls classiques sur le mile, la Poule d’Essai des Poulains est mieux dotée que ses comparses européens. Ce n’est pas une question d’argent – ou peut-être nous faudrait-il proposer un million pour prendre le leadership…

Les Guinées européennes sous l’angle des étalons

Quelles “Guinées” sont celles créant les étalons ? Pour Good Morning Bloodstock, notre confrère du Racing Post Martin Stevens s’est penché sur le sujet en analysant les gagnants des trois principales Guinées européennes depuis le début du millénaire. Pour lire, cliquez ici.

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