mardi 16 juillet 2024
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Une victoire (et demie) pour les Aga Khan Studs

Les Poules d’Essai côté élevage

Une victoire (et demie) pour les Aga Khan Studs

Dimanche, Longchamp accueillait les deux premiers classiques de la saison française. Tout sépare, ou presque, les deux lauréats. Si ce n’est la forte conviction de leurs éleveurs et la génétique des Aga Khan Studs.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

La victoire de Metropolitan (Zarak) dans la Poule d’Essai des Poulains (Gr1) a fait beaucoup d’heureux, à commencer par les nombreux amis de son entraîneur, Mario Baratti. Le handicapeur de France Galop (51,5) n’a pas été très généreux mais le poulain aura à cœur de montrer sa valeur dans les semaines et les mois à venir. C’est aussi un cap très important pour Zarak (Dubawi), qui obtient son premier succès classique au haras, quelques semaines seulement après le Prix Ganay (Gr1) d’Haya Zark et un peu moins d’un an après le Grosser Preis von Baden (Gr1) de Zagrey. C’est d’autant plus remarquable que ces succès ont été acquis sans l’aide d’une jumenterie particulièrement bonne. On peut l’écrire, Zarak a fait le bonheur de nombre d’éleveurs qui n’ont habituellement pas les moyens d’être compétitifs parmi l’élite en plat.

Le meilleur exemple étant celui de Metropolitan, dont la mère n’a coûté que 800 Gns. Un tel prix aux ventes est rarement le fruit du hasard et, dans son cas, c’est certainement lié au fait que beaucoup de collatéraux ont déçu en course. La fiche de vente du catalogue est assez valorisante pour la souche et il faut se reporter au pedigree produit par Weartherby’s que nous vous offrons sur notre site internet (y accéder ici) pour vraiment se faire une idée. La mère de Metropolitan est une fille d’Halling (Diesis), un étalon à la carrière atypique qui a néanmoins connu une belle réussite en tant que père au haras, ne serait-ce que sur le plan statistique. À ce jour, et même s’il avait deux partants en tant que père de mères dans les Poules, Halling semble nettement moins efficace dans ce second rôle. Mais il a quand même le gros avantage d’être un outcross. Si bien que Metropolitan n’a aucun inbreeding sur cinq générations. Statistiquement parlant, l’apparition d’un champion est imprévisible, mais le fait d’avoir peu (ou pas) de consanguinité améliore la probabilité d’aller jusqu’aux courses. Ce qui reste la première victoire de la carrière d’un cheval !

Le premier très bon de Stuart McPhee

L’éleveur de Metropolitan, Stuart McPhee, nous a confié quelques heures après la victoire : « Je vis un rêve éveillé… et je me demande quand il va s’arrêter ! Vous savez, j’achète des juments pour de tout petits budgets, souvent des « rebuts » de Shadwell ou Godolphin, souvent inédites aussi, mais avec une page valable. Le fait qu’Alianza, la mère de Metropolitan, soit par Halling me plaisait. En outre, sa mère, Cercle d’Amour (Storm Cat), avait été achetée 1,4 M$ par Godolphin en tant que yearling. Il y avait de la qualité dans la page. J’ai choisi Zarak pour son pedigree. Quand je l’ai utilisé, en 2021, il n’avait pas encore eu de partants. De mémoire, j’avais payé la saillie 11.000 €. Metropolitan a beaucoup de vitesse. J’espère qu’il aura de la tenue pour gagner le Jockey Club si son entourage va à Chantilly ! J’ai aussi des poulinières en pension en Angleterre, en Irlande, en Australie… mais de plus en plus en France, au haras de Clairefontaine. Marie-Laure Collet réalise du très bon travail. Les primes à l’éleveur vous permettent de garder la tête hors de l’eau. Et cela vous incite à regarder les étalons français. L’élevage, c’est beaucoup d’efforts et de prises de risques financières. » Issue d’une famille chilienne, Costa Packet (Hussonet) fut donnée à Stuart McPhee. Elle lui a offert son précédent black type, Joe Packet (Joe Bear), gagnant de huit courses sur le sprint et troisième de la Dubai Duty Free Cup (L) à Newbury. Son père, Joe Bear (Peintre Célèbre), faisait la monte à 1.000 £. Il n’a eu que six partants.

Zarak affole les compteurs

Ce que Zarak est en train d’accomplir est peu banal, au-delà même de ses trois gagnants de Gr1. Dès le départ, ses statistiques étaient anormalement élevées. Avec lui, il faut bien sûr étudier les indicateurs par partant car, comme il a des partants en obstacle, ses « stats » par naissance sont faussées en plat. Pas né pour faire des précoces, Zarak a pourtant fait sensation avec ses premiers 2ans : 50 % de gagnants et 11 % de black types. L’année suivante, le cumul de ses 3ans et de sa deuxième génération de 2ans l’a encore fait progresser : 17 % de black types et 62 % de gagnants. En 2023, il a obtenu des résultats dignes de l’élite avec 20,7 % de black types durant la saison. C’est mieux que quasiment tous les étalons européens et, selon ce critère, il se situait entre Frankel (20,3 %) et Dubawi (20,8 %). Aucun étalon européen de sa génération ne soutient la comparaison en termes de taux de réussite. Pour mieux situer ce que Zarak est en train d’accomplir, alors même que ses concurrents anglo-irlandais avaient un environnement bien plus favorable (surtout en matière de jumenterie), on peut le comparer à d’autres sires français. Fin 2023, Zarak était à 21 % de black types par partants. Au même stade de leur carrière, Siyouni (Pivotal) était à 11,5 % et Wootton Baassett (Ifraaj) à 10,7 %. Très souvent, un sire ayant un taux élevé de bons chevaux finit par se faire une place parmi l’élite des reproducteurs. L’histoire récente montre que c’est plus rare pour un étalon qui commence par donner un ou deux phénomènes, mais sans avoir les statistiques à la hauteur.

La sélection… et le terrain !

L’orage qui s’est abattu sur Longchamp n’a pas transformé la piste en bourbier pour autant. Et Metropolitan ne semble pas être « terrain dépendant », comme le montrent ses précédentes sorties. Si Haya Zark a obtenu son fait d’armes sur une piste mesurée plus souple (4,1), Zagrey a prouvé en Allemagne et à Meydan qu’il était capable de briller sur de bons terrains. Si l’on se projette sur un échantillon plus large, avec 45 % de victoires en terrain souple (ou plus), les Zarak ont été capables de se sortir de ce début d’année pluvieux, mais sans être forcément de purs nageurs (certains étalons sont à plus de 60 %).

À l’inverse, les sires dont la production n’aime pas les pistes assouplies sont à la peine ce printemps et ils sont donc « en retard » au niveau de leurs statistiques car leurs produits ont sous-performé… s’ils ne sont pas restés à l’écurie ! Les Lope de Vega (Shamardal), eux, semblent capables de s’accommoder de beaucoup de choses et ils gagnent à peu près partout dans le monde. Aussi, le fait que sa fille Rouhiya joue à cache-cache avec la météo depuis le début de l’année vient certainement plutôt de son origine maternelle. Cela pourrait être en lien avec son père de mère, Raven’s Pass (Elusive Quality), dont la production a des statistiques moins élevées que la moyenne dans le souple. C’est un père de mères très solide (4 % de gagnants de stakes par naissance, 2,26 d’Average Earning Index) et la réussite dans ce rôle est portée par 13 gagnants de Groupe, dont Ramatuelle (Justify), mais aussi et surtout les trois gagnants de Gr1 Mishriff (Make Believe), Saffron Beach (New Bay) et Rouhiya. Il faut dire que Raven’s Pass lui-même avait acquis ses deux plus belles victoires – les Queen Elizabeth II Stakes et la Breeders’ Cup Classic (Grs1) – en terrain rapide. Comme Halling que nous évoquions un peu plus haut, Raven’s Pass est un outcross et cela facilite grandement l’utilisation de ses filles au haras. Si bien que Rouhiya n’a aucun inbreeding sur quatre générations.

La sélection… et les classiques français !

Lope de Vega a brillé dimanche avec Rouhiya, mais aussi avec la mère de Birthe (Study of Man), une lauréate du Prix Saint-Alary (Gr2) dont le père et le père de mère ont remporté le Prix du Jockey Club (Gr1) sur 2.100m. Lope de Vega a été l’un des grands promoteurs de la nouvelle version du classique français, comme son père, Shamardal (Giant’s Causeway), avant lui. Si l’on remonte le temps, il avait à peu près les mêmes statistiques que Zarak (20 % de black types) avec sa troisième génération en piste. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et Zarak a encore beaucoup de chemin à parcourir pour rejoindre son aîné parmi l’élite. Mais c’est en tout cas très prometteur. Zarak a terminé deuxième du Derby français, un classique que Study of Man (Deep Impact) a remporté. Ce printemps, l’étalon de Lanwades est en train d’effectuer une « remontada » spectaculaire. Avec 12 % de black types par partants, il caracole en tête du classement des étalons de deuxième génération en Europe. Bon cheval de course, sans être un champion, c’est un outcross et il a un pedigree exceptionnel. D’année en année, le Derby français ne cesse de « sortir » de bons, voire de très bons étalons, comme New Bay (Dubawi), qui s’est distingué dimanche avec Alcantor (3e de la Poule). Dans les classiques français, New Bay fut battu à Longchamp et gagnant à Chantilly. Ce qui n’est peut-être pas exactement le fruit du hasard. Dans l’histoire récente de la Poule, le deuxième sur la piste a souvent été meilleur au haras que le gagnant. Les meilleurs exemples sont certainement Le Havre (devancé par Silver Frost), Muhtathir (battu par Victory Note) et Dansili (battu par Sendawar). Partout ailleurs dans le monde, les Guinées sont plus considérées comme une stallion making que le Derby ! Faut-il y voir une conséquence de la grande importance des numéros à la corde sur les 1.600m de Longchamp ? Le débat est ouvert. Tout en sachant que Zarak avait couru une édition en ligne droite sans briller.

Au sujet de la mode

La princesse Zahra Aga Khan était sur un petit nuage après la Poule de Rouhiya. Et sa joie a certainement été (presque) aussi forte lorsqu’un fils de Zarak a brillé chez les mâles. Elle a longuement parlé avec la presse entre les deux classiques et nous a confié : « Notre élevage vit aussi un grand moment avec la réussite des étalons Zarak et Siyouni. Leur réussite n’est pas une coïncidence, c’est un travail de longue haleine et beaucoup de choses plaident en leur faveur sur le papier. C’est un jeu d’échecs avec la nature, comme aime à le dire mon père, mais voilà ce que nous essayons de produire. Dans cette quête, nous sommes aidés par le fait que nous n’avons pas besoin de suivre une mode. Nous suivons notre propre route en lançant les étalons qui nous semblent être les plus appropriés sur le plan généalogique. » Ces propos sont intéressants mais ils peuvent être interprétés de différentes manières. Effectivement, les Aga Khan Studs ne suivent pas forcément la mode, mais cela ne veut pas forcément dire aller contre et parfois leurs choix se trouvent être conformes à la tendance du moment. Si on regarde le profil des 140 derniers gagnants de Groupe de cette casaque, on trouve de tout, mais trois étalons ont contribué plus que les autres avec sept lauréats chacun : Dubawi (Dubai Millennium), Dalakhani (Darshaan) et Sinndar (Grand Lodge). Et même dans le cas de ces trois chevaux, il faut regarder dans le détail. Sur les six Dubawi gagnants de Groupe pour le prince, un a été conçu lorsqu’il n’était justement pas à la mode (15.000 £ la saillie) et trois depuis qu’il est au firmament (225.000 £). Si l’on regarde d’une manière plus globale, sur les 140 lauréats de Groupe, 10 % ont été conçus à un prix de saillie de 100.000 € ou plus et 40.000 € ou plus, et tout de même 30 % à partir de saillies à moins de 20.000 €, ce qui est quand même peu courant pour un élevage de cette envergure. Dans les « peu chers », on retrouve un gagnant de Groupe par Iron Mask (5.000 €) et un autre par Siyouni (7.000 €)… dont le tarif n’est plus le même depuis à cause de la mode !

Papier vs performances

La princesse a aussi déclaré : « À titre personnel, voir cette famille renaître, c’est formidable. La souche est « tranquille » depuis quelques générations. » Effectivement, l’origine n’avait pas donné un gagnant de Gr1 depuis un moment, mais ce n’était pas non plus le désert et il y avait pas mal de caractère gras à toutes les générations. À commencer par la mère de Rouhiya. Si on regarde les mères des Aga Khan Studs, approximativement 44 % ont elles-mêmes pris du black type en piste. Et sur les 140 derniers gagnants de Groupe de la casaque vert et rouge, 56 % sont issues de mères black types. Une différence de 12 %, c’est très significatif. Chez les étalons, c’est la différence entre un étalon à 100.000 € la saillie et un autre à 10.000 € ! Dans notre échantillon, les mères qui étaient bonnes, même avec un papier un peu moins fort, surperforment par rapport aux « très bien nées » mais avec moins de performances…

Clairefontaine et le Lieu des Champs en pleine lumière

Le haras de Clairefontaine de Marie-Laure Collet réalise une très belle année 2024 avec les produits des juments en pension pour ses clients internationaux. Bright Picture (Intello) s’est classé deuxième du Prix Noailles (Gr3). Avant la victoire de Metropolitan, d’autres chevaux élevés dans ce haras de Mayenne sont montés sur le podium de ce classique (Le Brivido, Stormy River…)

Le haras du Lieu des Champs de Richard Powell a lui aussi connu une grande semaine. Lauréate du Saint-Alary, Birthe, préparée par J. D. Moore pour la breeze up Arqana, est passée sous la bannière Lieu des Champs à Deauville. Lors de la réunion de Longchamp, Anctot (Ectot) a remporté le grand handicap. Il a été élevé au Lieu des Champs, comme Right Tempo (Authorized), qui s’est imposée dans les Margaret Currey Henley Stakes sur les obstacles américains.

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