Christiane Head : « J’aurais aussi choisi les Guinées pour Ramatuelle ! »
Les Guinées et le Rowley Mile, Christiane Head connaît. Elle a gagné à quatre reprises le classique réservé aux femelles, celui que son neveu, Christopher, s’apprête à courir avec Ramatuelle (K) (Justify). C’est tout naturellement que nous lui avons demandé ses secrets pour gagner à Newmarket !
Par Adeline Gombaud
ag@jourdegalop.com
Jour de Galop. – Selon vous, quelles sont les principales caractéristiques du Rowley Mile, sur lequel se courent les Guinées ?
Christiane Head. – Évidemment, on pense au fameux “dip”, c’est-à -dire à cette cuvette que forme la piste à 400m du poteau environ, donc une descente puis une montée dans les 200 derniers mètres. Mais je crois que la piste est moins exigeante que ce que l’on peut imaginer. La montée finale n’a rien à voir avec celle de Chantilly après la Mère Marie, ou même celle de Longchamp… Je suis aussi certaine qu’on peut gagner les Guinées avec un cheval qui ne tient pas le mile. Freddy, qui a remporté la course en tant que jockey, vous dirait la même chose ! C’est amusant que vous me posiez la question, car j’ai revisionné il y a quelques jours mes quatre victoires de Guinées. Les quatre pouliches avaient des profils bien différents, mais dans la façon de les monter, on trouve un point commun. Elles ont été montées pour elles. De façon générale, il ne faut jamais sortir un cheval de son train. Cela paraît évident, mais c’est crucial…
Vos premières Guinées, c’est en 1983 avec Ma Biche. Une pouliche qui ne tenait certainement pas le mile…
Ma Biche était limitée en tenue. Et d’ailleurs, après cette victoire à Newmarket, elle n’a plus gagné sur le mile… En revanche, elle a gagné la Forêt sur 1.400m. Freddy l’avait montée tranquillement, sans jamais lui demander d’aller au-dessus de sa vitesse de croisière. Il l’a déboîtée à 300m et elle avait bien gagné…
Ravinella, c’était encore autre chose. À Newmarket, montée par Gary Moore, elle s’est retrouvée quasiment dernière, prise de vitesse. Dans les tribunes, je n’en menais pas large… Ensuite, elle est enfermée, et doit venir en pleine piste. Mais quand Gary la sort, elle a fait la différence en quelques foulées. Elle était si bien à son retour en France que j’ai décidé d’aller sur la Poule… Elle n’avait fait que les 200 derniers mètres.
Hatoof, comme Ramatuelle, avait été battue dans l’Imprudence…
Hatoof avait de la tenue. Elle tenait même plus que le mile ! Dans le Prix Imprudence, sur 1.400m, Kenbu nous avait laissés sur place. Mais c’était une préparatoire et c’était trop court… Et on l’a battue nettement à Newmarket. Special Duty avait été battue dans l’Imprudence… Et nous avons gagné chez les commissaires… comme deux semaines après à Longchamp !
Pour conclure, si aujourd’hui, vous aviez une Ramatuelle dans vos boxes, vous iriez…
Sur les Guinées ! J’ai regardé sa course dans l’Imprudence. Elle a tiré parce qu’il n’y a pas eu de train et qu’elle préfère aller devant, et malgré tout elle va au bout de son effort. Donc elle va tenir le mile à Newmarket. Mon seul conseil, c’est de la monter selon ses aptitudes…
Les Guinées, une histoire française
Par Franco Raimondi
fr@jourdegalop.com
Depuis le succès de la championne Imprudence (Canot) en 1947, la France a gagné 14 fois et mène au score face à l’Irlande qui a remporté les 1.000 Guinées à 12 reprises. L’Angleterre a défendu son classique 51 fois. L’histoire du dernier siècle nous raconte autre chose : l’Irlande (avec l’impulsion d’Aidan O’Brien) et la France ont aligné 12 succès, un de plus que les Anglais. Coolmore a remporté sept des douze dernières éditions, six avec l’entraînement d’Aidan O’Brien et une, Legatissimo (Danehill Dancer) qui était sous la férule de David Wachman. Quatre pouliches d’Aidan sur six faisaient leur rentrée, suivant la formule qu’il utilise avec les poulains, mais avaient déjà couru une fois à Newmarket lors de leur campagne de 2ans. Les deux poulains concernés avec une voire plusieurs courses à 3ans sont Winter (Galileo), deuxième couteau derrière Rhododendron (Galileo), et Homecoming Queen (Holy Roman Emperor), outsider à 25/1.
Imprudence et Guinées
Dix des treize Françaises qui ont gagné les 1.000 Guinées après Imprudence ont préparé le défi aux anglaises dans le… Prix Imprudence. La dernière en date se nomme Miss France (Dansili) qui, en 2014, dans un Imprudence mansonnien, avait terminé sixième, à l’issue d’un parcours malheureux tout en étant prise de vitesse. La pensionnaire d’André Fabre avait déjà pris contact avec les ondulations de Newmarket à 2ans, lors de son succès dans les Oh So Sharp Stakes (Gr3) où elle avait battu Lightning Thunder (Dutch Art), la même rivale qu’elle a devancée lors de son triomphe classique.
Découvrir Newmarket avant le jour J
Le fait d’avoir couru sur le parcours de Newmarket avant les Guinées est devenu capital. Depuis 1976, la France a gagné huit fois et six pouliches avaient déjà couru sur le Rowley Mile. L’homme qui avait découvert cette formule n’est autre qu’Angel Penna avec Flying Water (Habitat), qui avait manqué l’automne de sa campagne de 2ans après le succès dans le Prix Morny (Gr1). Pour la rentrée de la pouliche il avait choisi d’effectuer le déplacement à Newmarket pour les Nell Gwyn (Gr3), le plus traditionnel des trials pour les Guinées. Elle a gagné la préparatoire et le classique dans une édition record à 25 partantes.
De Flying Water à Miss France
Après Flying Water et avant Miss France sont passées par Newmarket – via un succès dans les Cheveley Park Stakes (Gr1) à 2ans – les futures lauréates des Guinées Ma Biche (Key to the Kingdom), Ravinella (Mr. Prospector), Natagora (Divine Light) et Special Duty (Hennessy). Miesque (Nureyev) et Hatoof (Irish River) ont découvert le Rowley Mile après une rentrée dans le Prix Imprudence. L’étoile de la casaque Niarchos entraînée par François Boutin avait remporté à 2ans les Prix de la Salamandre et Marcel Boussac (Grs1) alors que la pensionnaire de Criquette Head s’était classée deuxième de la grande course pour les pouliches de la réunion de l’Arc.
On a passé au crible les dix dernières partantes françaises dans les 1.000 Guinées. Deux possédaient une expérience du Rowley Mile : Miss France et Vorda (Orpen), lauréate des Cheveley Park (Gr1) qui n’avait pas tenu. Les deux dernières, en 2022, sont Zellie (Wootton Bassett), qui avait gagné le Prix Marcel Boussac en terrain collant, et Malavath (Mehmas), qui s’était classée deuxième dans la Breeders’ Cup Juvenile Fillies Turf (Gr1). Dans le classique, gagné par Cachet (Aclaim) en terrain bon-léger, elles ont terminé respectivement quatrième et dixième. Moonlight Cloud (K) (Invincible Spirit), favorite en 2011, avait lâché dans la descente pour terminer septième. Le voyage à Newmarket ne l’a pas empêchée de remporter six Grs1 ensuite, dont le Prix Jacques Le Marois et le Prix du Moulin de Longchamp sur le mile.