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samedi 23 novembre 2024

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La pouliche à 1.500 € qui a gagné un Gr1 à 600.000 $

La pouliche à 1.500 € qui a gagné un Gr1 à 600.000 $

Trouver un gagnant de Gr1 à ce tarif, c’est le rêve de tous. Mais derrière la (belle) histoire de Beauté Cachée, il y a une longue série de petites victoires et de grands échecs. La dure loi de l’élevage en somme.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Beauté Cachée (Literato) a grandi au haras des Sablonnets pour le compte de Gregor Vischer. Ce jeune éleveur allemand, qui faisait partie des copropriétaires d’Adlerflug (In the Wings), travaille dans l’univers des médias. Plus précisément pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’un des trois quotidiens allemands les plus lus. Au sein du groupe, il est le directeur général du F.A.Z. Institute, soit une division du groupe de presse qui propose des services pour les décideurs en matière de communication et de marketing.

Le lendemain de la victoire de son élève dans les Jenny Wiley Stakes (Gr1), Gregor Vischer nous a confié : « Pour un petit éleveur-propriétaire allemand comme moi, sortir un gagnant de Gr1, c’est quelque chose de mémorable. Mon grand-père a élevé un gagnant de Derby. Mon père a fait courir Bluegrass Native, meilleur 2ans allemand de sa génération. Et moi, j’ai élevé Beauté Cachée ! Cela fait trois générations que ma famille élève à partir de cette souche. J’ai toujours une tante de Beauté Cachée, Sign and Shine (Guiliani), à l’entraînement en Allemagne. J’avais choisi Literato lors d’une Route des étalons. Il avait déjà donné un gagnant de Gr1 et n’était pas très cher. La mère, Sign and Seal (Hurricane Run), n’avait pas encore fait ses preuves au haras. Je voulais essayer de jouer la sécurité… »

Tout a commencé avec son grand-père

L’histoire débute dans le Derby allemand 1964. Zank (Neckar) s’impose alors sous les couleurs de Walter Vischer, le grand-père de Gregor Vischer. Ce propriétaire allemand était nettement en avance sur son temps car, déjà à cette époque, il élevait et faisait courir à l’étranger (principalement en Irlande), à une époque où ses compatriotes couraient avant tout à domicile. Son double lauréat de Derby (il a aussi gagné l’équivalent autrichien) a peu sailli une fois au haras, comme souvent en Allemagne, avant de finir sa carrière en produisant des chevaux de selle. Un destin trop courant outre-Rhin, mais qui lui a tout de même laissé le temps d’un peu tracer dans le stud-book (il a donné une gagnante classique et plusieurs de ses filles ont bien produit).

L’acte fondateur

En soutenant son étalon, Walter Vischer a ainsi “sorti” Prairie Bunny (Zank), aïeule de deux placées du Preis der Diana (Gr1), Prairie Venus (en 1988) et Prairie Neba (en 1986) sous les couleurs de leur éleveur. Mais il a aussi obtenu Dogana (Zank) qui va se révéler être une poulinière en or… et la cinquième mère de Beauté Cachée ! En première génération, Dogana a donné naissance à trois bons chevaux : Don (Yellow God), vainqueur des Lockinge Stakes et des St James Palace Stakes (alors Grs2 !), American Prince (Prince Tenderfoot), lauréat des Prix Messidor et du Muguet (Grs3), et enfin Sovereign Dona (Sovereign Path), gagnante du Prix de Psyché (Gr3).

Visiblement, Walter Vischer aimait beaucoup Sovereign Path (Grey Sovereign), le père de Sovereign Dona, au point d’acheter une de ses filles, Panserina (Sovereign Path). Elle lui donnera Diamond Seal (Persian Bold), espoir classique qui a fait souche chez Jean-Luc Lagardère qui l’avait achetée sur performance (d’où Diamond Green, Diamond Mix…)

Pour en revenir à Sovereign Dona, elle a bien produit avec une série d’étalons décevants ayant terminé leur carrière dans des pays exotiques. Parmi ses cinq black types, il faut citer Foresee (Vision), troisième du Derby irlandais (Gr1), et Royal Touch (Tap on Wood), meilleure jument d’âge de l’année 1989 en Allemagne, placée du Prix de la Forêt et de cinq Grs1 aux États-Unis.

Quinze années de disette

Les Vischer ont conservé une fille de Sovereign Dona, par le modeste Pennine Walk (Persian Bold), un étalon qui a fini sa carrière en Suisse et en Turquie. Cette Sovereign Touch (Pennine Walk) n’a pas couru mais a tout de même produit trois bons chevaux, dont Séraphine (Dashing Blade), future deuxième mère de Beauté Cachée et gagnante de Listed en Allemagne à 3ans. La jument est allée en pension au haras des Sablonnets, où elle a donné naissance au sauteur Soverness (Kaldounévées), troisième de la Corsa Siepi di Merano (Gr1). C’est le meilleur cheval élevé par Peter Vischer, le fils de Walter Vischer, qui avait alors repris le flambeau familial. Et malheureusement, la souche s’est endormie. Ce qui est d’autant plus cruel que pour la black type Séraphine, les Vischer n’ont pas hésité à investir dans les saillies, comme Adlerflug (à de multiples reprises), Rock of Gibraltar (alors à 45.000 €), Peintre Célèbre (alors à 25.000 €), Hurricane Run (alors à 20.000 €)… mais rien, ou presque, n’est sorti de cette souche pendant une quinzaine d’années.

Une certaine idée de l’élevage

Cela ressemblait fortement à la fin de l’histoire entre la famille Vischer et sa souche historique. Ce qui, d’un point de vue commercial et économique, aurait fait sens. Pourtant, Gregor Vischer n’a pas lâché l’affaire. Cette opiniâtreté, cet attachement au patrimoine et à la mémoire que représentent les souches est très allemand. Souvent, en feuilletant le catalogue de BBAG, le lecteur étranger se demande pourquoi tel ou tel haras de prestige conserve certaines juments avec une page faible. Et si vous interrogez les intéressés, ils vous donneront une réponse qui est à l’image de leur vision très romantique de l’élevage : « C’est une souche historique du haras… »

La main invisible… et souvent excessive

Cette stratégie nécessite beaucoup de patience et donc aussi pas mal de moyens : le temps… c’est de l’argent. Et pour cause, si on se met dans la peau d’un acheteur, une page blanche, c’est assez effrayant. Aussi, lorsque Beauté Cachée est passée sur le ring d’Arqana, sa page était peu attractive, avec un seul black type sur deux générations (sa deuxième mère). Et surtout un père, Literato (Kaldoun), en pleine déconfiture commerciale, alors même que sa fille Altérité avait déjà remporté les Garden City Stakes (Gr1) sept ans plus tôt (une éternité à l’échelle du microcosme des ventes). Si le marché était une personne, ce serait probablement un maniaco-dépressif avec des moments d’exaltation et d’excitation totales, mais aussi des passages d’une noirceur et d’une torpeur totale. Cette année-là, seulement huit des yearlings de Literato sont passés en vente publique. Cinq ont été vendus, à un prix moyen de 8.300 €. Le moins cher du lot fut Beauté Cachée ! 

L’émotion de Gaël Barbedette

Son premier entraîneur, Gaël Barbedette, se souvient : « Quand j’ai vu la vidéo de la victoire de Gr1 de la pouliche aux États-Unis, montée par Dettori, j’étais assez ému. La classe ! Il a été capable d’effacer son mauvais numéro dans les boîtes et une fois devant, il ne leur a laissé aucune chance… Aux États-Unis, sur plus court, la pouliche a montré un tout autre visage. Son histoire a commencé avec sa sÅ“ur, Black Demon (Slickly) qui fut mon tout premier cheval à l’entraînement. Je l’ai vendue dans un réclamer au Lion-d’Angers. Lorsque le haras des Sablonnets a présenté sa sÅ“ur chez Arqana, je suis allé la voir et je l’ai trouvée belle. J’aime bien aussi acheter des produits d’étalons passés de mode mais qui ont prouvé qu’ils étaient capables de sortir de bons chevaux. Mais elle n’a pas eu d’enchères. J’ai contacté son éleveur par message dans la minute qui a suivi. Et il a accepté mon offre, qui était de 1.500 €. J’en ai vendu des parts à des clients. Sans être précoce, elle montrait assez rapidement de la facilité à 2ans, courant sept fois pour une victoire. » Beauté Cachée est arrivée dans le Diane, sa onzième sortie, sans être black type, à la cote de 89/1 et en 36,5 de valeur : « Malgré un mauvais numéro à la corde, elle a bien couru, bien que se classant neuvième. Ensuite, elle est passée tout près du black type en terminant proche quatrième du Prix de Psyché (Gr3). Et c’est à cet instant qu’Hubert Guy l’a fait acheter à des clients américains. Économiquement, le fait de la vendre m’a aidé. »

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