Zarakem, Dallas Star, Facteur Cheval (K)… petits éleveurs, grande réussite !
Vous connaissez ces chevaux qui ont récemment brillé au niveau Groupe. Mais connaissez-vous leurs éleveurs ? Nous sommes partis à leur rencontre…
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Dimanche en Irlande, Dallas Star (Cloth of Stars) est devenu le premier gagnant de Groupe de son père. Dans les Ballysax Stakes (Gr3), il a devancé de trois longueurs les espoirs classiques de Ballydoyle. De quoi faire rêver son entourage ! C’est particulièrement le cas pour Éliane Dieuaide, co-éleveur avec la famille Billard, des vignerons en Côte-d’Or. Éliane Dieuaide est l’épouse de Bruno Dieuaide, l’un des piliers de l’écurie des Monceaux. Le couple a récemment créé un petit élevage privé de quelques juments à vocation commerciale. Éliane Dieuaide dirige le haras des Perrets, une structure qui gère des chevaux de course au repos, en particulier sur la partie soin et remise en route. Dallas Star est l’un de leurs premiers élèves. La mère, Agathe Rare (Sadler’s Wells), stationnée à l’écurie des Monceaux, a donné neuf produits à la famille Wildenstein. Dont le premier, Apache Spirit (Invincible Spirit), est gagnant du Prix de Saint-Patrick (L). Les suivants n’ont pas atteint le même niveau de performance et elle fut donc vendue à l’amiable. Après avoir pris soin de nombreux chevaux de premier plan pour le compte de l’écurie des Monceaux, Bruno Dieuaide vit donc aujourd’hui la grande aventure, en nom propre, avec l’espoir classique Dallas Star. Il détaille : « Agathe Rare était tout de même une sÅ“ur d’Aquarelliste (Danehill), avec un grand papier maternel. Henri Bozo me l’a proposée car ses propriétaires voulaient s’en séparer. Et nous l’avons acquise à l’amiable avec des amis. Nous aimions bien Cloth of Stars et elle nous a donné un très beau foal, le futur Dallas Star, qui présentait de beaux rayons. Ce n’est pas simple pour mon épouse, qui gère notre élevage, de s’occuper de yearlings mâles. D’où le choix de le vendre foal. Grâce à Henri Bozo, nous l’avions présenté dans de bonnes conditions. Chez Arqana, il plaisait beaucoup. Nous l’avions très correctement vendu en décembre à Deauville [30.000 €, ndlr]. La jument prenant de l’âge, nous l’avons cédée elle aussi – mais à l’amiable – après le sevrage lorsqu’une offre “sympa” nous a été faite ! Dallas Star est bien sûr notre premier gagnant de Groupe. C’est vraiment mon épouse qui s’occupe de notre élevage au quotidien et l’aventure est d’autant plus belle que nous l’avons élevé avec des amis venus, comme nous, des sports équestres. » Dallas Star est engagé dans le Derby d’Irlande (Gr1) et il fait partie des 10 favoris dans l’ante-post betting…
Comment Jean-Charles Haimet a “hérité” de la mère
La suite de l’histoire est assez folle. Après un produit par Van Beethoven (Scat Daddy), la jument a encore une fois changé de mains. Jean-Charles Haimet, du haras de la Côte Fleurie, nous a confié : « Son propriétaire avait deux juments en pension ici. Mais il a souhaité arrêter et il m’a donné les juments, dont Agathe Rare, la mère de Dallas Star. En contrepartie, il est co-éleveur de son produit, un mâle par Makaloun (Bated Breath). Elle a été saillie par le même étalon. C’est une belle surprise ! » Encore plus fort, parmi les filles d’Agathe Rare au haras, l’une d’elles révèle à son tour être une poulinière remarquable. Et pour cause, Ambassadrice (Oasis Dream) est la mère de Raaed (Dark Angel), placé de Groupe lors de la réunion de la Saudi Cup, et d’Aubazine (Shamardal), deux fois sur le podium de Listeds en Allemagne. La page de catalogue d’Agathe Rare est donc en train de se noircir à grande vitesse !
Zarakem, la première de Jean-Paul Cayrouze
Installé dans l’Eure, le retraité Jean-Paul Cayrouze est un passionné d’élevage qui a sauté le pas en se présentant à  Ludivine Marchand-Morin, la directrice du haras d’Étreham. Après plusieurs contacts, l’opportunité s’est présentée de lui vendre à l’amiable une pouliche inédite ayant des problèmes ostéo-articulaires : Harem Mistress (Mastercraftsman), future mère de Zarakem (Zarak), gagnant du Prix d’Harcourt (Gr2). Avec sa première poulinière, Jean-Paul Cayrouze a donc “sorti” un gagnant de Groupe ! Le premier produit de la jument, Ring of Beara (Wootton Bassett), vendu foal, avait gagné son maiden par quatre longueurs au mois d’août de ses 2ans en Angleterre. Cinquième des Tattersalls Stakes (Gr3), il n’a pas confirmé à 3ans. Le deuxième est Zarakem. Managé avec plus de patience que son aîné, il est devenu un cheval de Groupe sous l’entraînement de Jérôme Reynier. Ouro Preto (Wootton Bassett), le troisième, s’est classé deuxième du Prix de Montaigu. Son 2ans (par Golden Horde) est chez François Rohaut. Ludivine Marchand-Morin explique : « Jean-Paul Cayrouze est une belle rencontre et il a régulièrement fait confiance aux étalons du haras avec sa jument. C’est une très belle histoire que d’arriver à produire un cheval de Groupe avec sa première poulinière. La filière a besoin de ces éleveurs passionnés qui font “tourner” l’économie de notre univers. Harem Mistress est stationnée à l’élevage des Ventes, chez Xavier Moyer. » La deuxième mère, Harem Lady (Teofilo), fut deuxième du Prix Allez France et troisième de La Coupe (Grs3). Mais elle fut assez malchanceuse au haras, avec en particulier La Jonction (K) (Kingman), brillante lauréate à deux reprises à 2ans avant de prendre part au Prix Marcel Boussac (Gr1), sans parvenir à confirmer par la suite…
Facteur Cheval, signé McCracken
Installés en Irlande du Nord, les McCracken ont un métier “à la ville”. Craig McCracken est agent immobilier et son frère maréchal-ferrant. La famille a une douzaine de poulinières, quasiment toutes pour le plat : « Car l’obstacle est devenu trop difficile commercialement. Et si un produit est bon, il est souvent trop tard pour en tirer profit… la jument ayant pris de l’âge. » Ces dernières années, ils ont “sorti” plusieurs très bons chevaux comme Facteur Cheval (K) (Ribchester), issu d’une jument achetée 18.000 Gns. Ou encore les propres frères Best Solution (Kodiac) et El Bodegon (Kodiac), lauréats de quatre Grs1 à eux deux. Leur mère a coûté 10.500 Gns. Craig McCracken analyse : « Ces deux juments qui nous donné trois gagnants de Gr1 ont le même profil. Avec notre budget limité, nous essayons d’acheter celles qui sont les premiers produits d’une mère black type. Issues d’un bon père de mères, elles proviennent d’une grande souche et nous faisons le pari que le papier va progresser après les avoir achetées. C’est ce qui s’est passé dans le cas de Jawlaat (Shamardal), la mère de Facteur Cheval. Elle était très Shamardal, très imposante. Nous voulions un cheval athlétique qui avait prouvé sa capacité à progresser dans le temps. Ce fut donc Ribchester qui était un sacré cheval de course. Ici en Irlande, tout le monde est très orienté “vitesse pure et précocité”. Mais cela à un coût. Notre stratégie est d’essayer de “sortir” des chevaux qui tiennent au moins le mile. Dans le cas de Facteur Cheval, Best Solution et El Bodegon, c’est la souche qui a apporté de la tenue. Avec le temps, nous essayons de moins utiliser les étalons débutants car c’est trop risqué. Dans la mesure où notre budget nous le permet nous privilégions les étalons plus confirmés. »
Le jour où Facteur Cheval a “couché” Teddy Grimthorpe
« Facteur Cheval a été remarquablement bien géré par son entourage. Du très bon travail. Pour nous, en tant qu’éleveurs, vivre cette réussite sportive… c’est quelque chose d’exceptionnel. Je sais que Facteur Cheval a causé pas mal de problèmes à son entourage. Mais étonnamment, c’était un foal très facile chez nous. Aux ventes, il plaisait beaucoup et il n’arrêtait pas de sortir de son box. À chaque fois, il était très volontaire, se montrant toujours sous son meilleur jour. Il faut savoir que nous présentons des foals très “nature”. À la maison, nous ne leur demandons pas grand-chose. Et nous l’avions vraiment bien vendu [145.000 Gns, ndlr]. Sa sÅ“ur, en comparaison, était bien plus difficile… et elle m’a cassé le nez ! Lorsqu’il était chez nous, Facteur Cheval n’a montré qu’une seule fois qu’il pouvait être difficile. Aux ventes, alors que Lord Teddy Grimthorpe passait à proximité, le poulain l’a violemment tapé. Lord Grimthorpe a mis 10 minutes à s’en remettre. Honnêtement, quand vous êtes un petit éleveur, vous avez envie de tout sauf de ce genre de publicité. Nous étions livides car lors des jours suivants, chez Tattersalls, le cheval était connu comme celui qui a couché Teddy Grimthorpe” La suite de l’histoire est belle et la victime aurait déclaré, après les performances de Facteur Cheval : “Quitte à me faire taper par un cheval, autant que ce soit par un bon !” (rires). »