Arnaud de Seyssel, la grande interview
Le numéro 2 de France Galop livre sa première interview à quelques heures de la réouverture de Longchamp. Enjeux, compétitivité, effectifs, sponsoring, place des régions, modernisation, … Ce ne sont pas les sujets qui manquent !
Par Guillaume Boutillon
gb@jourdegalop.com
Jour de Galop. – Vous faisiez partie de la garde rapprochée de Guillaume de Saint-Seine : pourquoi l’avoir soutenu ?
Arnaud de Seyssel. – Je suis resté fidèle à Édouard de Rothschild jusqu’à ce qu’il décide de ne pas se représenter. Après son annonce, j’ai parlé avec différentes personnes et j’ai pensé que Guillaume de Saint-Seine avait le bon profil pour lui succéder. En plus de parfaitement connaître la filière, il avait cette connaissance du monde de l’entreprise et cette dimension internationale auxquelles j’étais sensible. Les échanges que nous avons eus sur les méthodes de management et de gouvernance qu’il comptait mettre en place ont achevé de me convaincre. J’ai dès lors informé les différents candidats que je me rangeais de son côté.
Cela fait longtemps que vous êtes dans l’Institution. Comment définiriez-vous le style “Saint-Seine” ?
C’est un style très proche du monde de l’entreprise. J’ai eu la chance de travailler pendant plus de trente ans dans une multinationale et je retrouve ce même mode de fonctionnement, c’est-à -dire un président et un conseil d’administration qui travaillent collectivement. Notre communication est franche, directe, et transparente. C’est un président qui délègue : je suis président du plat, avec un certain nombre de prérogatives. Nous discutons des grandes lignes stratégiques, mais leur exécution m’appartient, avec bien sûr les équipes de France Galop. Sous Édouard de Rothschild, il y avait déjà quelques séminaires mais là , en moins de quatre mois, nous en avons eu deux. Le premier, qui s’adressait aux nouveaux administrateurs, était dédié au fonctionnement des différents services France Galop. Le deuxième était plus un brainstorming sur le visage du galop dans cinq à six ans, en y réfléchissant sans tabou.
Le Conseil du plat que vous présidez s’est réuni pour la première fois mercredi. Qu’en est-il ressorti ? Et avez-vous défini des priorités ?
Lorsque j’ai composé le Conseil, je me suis évertué à avoir une homogénéité dans la représentativité des associations socioprofessionnelles, mais aussi des régions, tout en ajoutant des personnes qualifiées comme Henri Bozo ou Renaud Baguenault de Puchesse. Cette première réunion s’est très bien passée, me semble-t-il. Les priorités de ce Conseil sont celles de la filière, c’est-à -dire assurer un maximum de partants et que le programme des courses réponde aux attentes des différents acteurs. Mais il y a aussi une autre priorité : redonner de l’attractivité à nos courses afin de ramener du public sur nos hippodromes, et des parieurs. Cette alchimie n’est pas évidente. Le rôle du Conseil du plat est d’être une sorte de laboratoire où l’on va partager des idées et voir comment nous pouvons faire avancer les dossiers.
Plus précisément, comment allez-vous procéder ?
En parallèle du Conseil, j’ai créé des commissions spécifiques dédiées à certaines problématiques. Je l’ai fait par exemple avec French Pattern Committee, où siègent des entraîneurs, des propriétaires, et d’autres personnes qualifiées. Il s’est réuni pour la première fois il y a deux semaines. Cette commission va nous permettre de travailler sur la compétitivité de nos courses, et ce, en amont de l’European Pattern Committee. Ce type de commission existait déjà en Angleterre ou en Irlande. Une autre commission sur le sujet des réclamers vient également d’être créée, car en janvier, j’ai été alerté par des professionnels d’une baisse significative dans cette catégorie. Cette commission va nous permettre de redynamiser ce secteur bien particulier.
Vous parliez de la compétitivité. Il y a eu un rebond de l’entraînement français l’an dernier mais les Groupes 1 français sont peu nombreux dans le top 100 des meilleurs Groupes 1 du monde, et la perte du Saint-Alary (devenu Gr2) est quand même un traumatisme et un signal potentiellement inquiétant…
[Il coupe] Le Prix Saint Alary a mis en lumière notre propre manque de concertation en amont, d’où la création du French Pattern Committee. En 2024, et même en 2025, plusieurs courses black types sont menacées de rétrogradation. Dès lors plusieurs questions se posent. Faut-il agir sur le calendrier pour avoir une meilleure attractivité auprès des étrangers ? Et comment pouvons-nous faire pour améliorer la compétitivité des français ? Cette dernière question revient à se demander comment nous devons faire pour améliorer le rating global des chevaux français. Le French Pattern Committee va apporter des réponses à court et moyen terme qui seront soumises au Conseil du plat puis au Conseil d’administration.
Le 12 décembre, lorsque Guillaume de Saint-Seine a été élu président de France Galop, vous nous aviez déclaré que la mandature tournerait autour de deux priorités : d’une part le propriétariat et d’autre part les effectifs de chevaux à l’entraînement. Le Plan propriétaires vient d’être publié ; mais qu’en est-il des effectifs ?
Les deux sont liés. Grâce au Plan propriétaires, le mouvement devrait s’accélérer concernant les effectifs. Nos intentions sont claires : nous voulons augmenter de 1.000 personnes la communauté des propriétaires de chevaux de Galop d’ici à la fin 2026. Aujourd’hui, nous avons plus de propriétaires, mais le “panier moyen” de chevaux par propriétaires diminue. En résumé, il y a plus d’associations entre propriétaires, ce qui est logique vu le contexte économique. Mais il y a déjà une bonne nouvelle : les effectifs repartent à la hausse. À fin mars, chez les 2ans, nous étions à + 8 %, chez les 3ans à – 2 %, chez les 4ans à – 3 %, chez les 5ans à 10 %, chez les 6ans à + 1 %, soit un peu plus de 450 chevaux au total. Si nous augmentons l’attractivité de nos courses, nous entrerons dans une sorte de cercle vertueux.
Comment moderniser France Galop ?
Même si France Galop est une association, nous devons avancer avec notre temps. La modernité, comme dans toute autre entreprise, a son mot à dire à France Galop. Elle nous permettra d’avoir plus de public, de gagner en réactivité, mais aussi en rentabilité. Nous comptons aussi sur Élie Hennau et son expérience du monde de l’entreprise pour apporter une touche de modernité dans le management des équipes. Enfin, le dernier comité a voté un investissement massif de l’informatique de France Galop pour la rendre plus agile.
Quelle est votre position sur la réouverture de Maisons-Laffitte ?
Notre position est très claire. Une société de courses a été créée, mais aucune demande officielle vis-à -vis de la société mère n’a été formulée. Nous traiterons Maisons-Laffitte comme toute société “régionale”, c’est-à -dire hors France Galop. Nous les aiderons au mieux en fonction du cahier des charges et de leurs aspirations.
Puisque vous parlez des régions, allez-vous, comme tant d’acteurs le demandent, remettre en lumière les Grand Prix de province ?
La réponse est un grand OUI ! Des directives ont déjà été passées dans ce sens. Cela ne se fera pas du jour au lendemain car les programmes se font bien en amont. Notre ambition est bien de leur donner toute la place qu’ils méritent et surtout de la visibilité vis-à -vis de leur public grâce à des horaires mieux adaptés. Même en répondant à cette logique d’optimisation des programmes, je ne vois pas en quoi remettre les Grand Prix dans des fenêtres horaires mieux adaptées ne nous permettrait pas d’avoir à la fois le public sur les hippodromes et les parieurs dans les points de ventes.
Des voix s’élèvent pour que les régions organisent davantage de Groupes. Travaillez-vous à cette éventualité ?
Ma volonté est effectivement d’organiser davantage de Groupes en régions, où nous disposons de plusieurs très bonnes pistes. Lyon, par exemple, a prouvé durant le Covid qu’il était capable d’organiser des épreuves de Groupe. Vichy accueille un Gr3 tous les ans et c’est une réussite. Organiser davantage de Groupes en régions passera nécessairement par des discussions avec les socioprofessionnels.
La quête aux sponsors est lancée
Al Shira’aa Racing est devenu cette semaine le sponsor du Prix Vanteaux (Gr3), à l’affiche dimanche à Longchamp. « C’est une très bonne chose. Ce sponsoring va bénéficier à toute la filière. Cela donne à la fois une image internationale de nos courses et des retombées financières. Avec le conseil d’administration, aller chercher davantage de sponsors est l’une des missions que nous nous sommes assignées. J’étais d’ailleurs la semaine dernière à Meydan pour renégocier le contrat avec Emirates. »
Un grand frère vice-président du… Trot !
Arnaud et Olivier de Seyssel, en plus d’être frères (Arnaud a quatre ans de moins qu’Olivier) et d’être tous les deux vice-présidents de la Société des courses d’Aix-les-Bains, ont un autre point commun : ils ont tous deux récemment succédé à Loïc Malivet ! Arnaud à la vice-présidence du plat et Olivier à la présidence de la Filière cheval (lui qui est aussi vice-président du Trot). « Nous échangeons entre nous lorsqu’il y a des choses entre le trot et le galop, et c’est bien sûr plus facile pour nous de faire passer un message. Soit je l’appelle, soit il m’appelle. Mais ce n’est heureusement pas l’axe de communication privilégié entre le trot et le galop, car entre les deux sociétés mères, Guillaume de Saint-Seine et Jean-Pierre Barjon se parlent quasiment tous les jours et se voient aux conseils d’administration des différentes entités. »