Au sujet du soi-disant manque d’entraîneurs
Par Nicole Braem et Bernard Gourdain
« Dans l’édition du 11 février de JDG, nous avons lu avec beaucoup d’attention l’interview de monsieur Herrnberger, directeur de l’Afasec et nous sommes extrêmement étonnés qu’aucun entraîneur ni aucune des deux associations d’entraîneurs n’aient réagi sur ce sujet. Alors que tous les entraîneurs manquent de personnel, qu’ils aient un effectif important ou qu’ils soient de plus petites structures, tous ou presque recherchent des cavaliers d’entraînement. Il est surprenant de lire : « on se met des œillères en disant qu’il y a moins de personnel car ce sont en réalité les chefs d’entreprise qui font les emplois. » Cet aphorisme est peut-être valable dans certaines activités mais sûrement pas dans les écuries de courses.
Le métier d’entraîneur est un métier de passion qui n’est pas comparable à d’autres activités. Il n’existe que parce qu’il y a des chevaux de course, des propriétaires prêts à régler leur pension, et des cavaliers d’entraînement pour les monter au quotidien. Le baromètre des courses publié sur France Galop est un excellent indicateur. Il montre qu’entre 2015 et 2023, le nombre d’entraîneurs est passé de 423 à 404 mais le nombre de chevaux à l’entraînement est passé de 10.278 à 8.998 soit une diminution de 1.280 chevaux, ce qui est considérable.
S’il y a moins d’entraîneurs aujourd’hui qu’en 2015, c’est donc essentiellement parce qu’il y a moins de chevaux à l’entraînement aujourd’hui qu’en 2015 et non pas parce que la profession n’attire pas. Il y a en effet chaque année environ 25 candidats aux stages de formation. Nous ne manquons pas d’entraîneurs, nous manquons de cavaliers d’entraînement. Il y a pourtant un organisme qui est chargé d’assurer la pérennité du recrutement de personnel qualifié pour les écuries de course et qui reçoit d’ailleurs pour cela des subsides conséquents de la part des sociétés mères. Cet organisme s’appelle l’Afasec et il a été créé dans cet objectif. »
Note de la rédaction
La tribune libre de Nicole Braem et de Bernard Gourdain évoque la passionnante question de l’emploi dans la filière courses.
Comme ils l’écrivent, il est exact que nous manquons de cavaliers d’entraînement, car malgré la baisse du nombre de chevaux, les entraîneurs peinent toujours à recruter. Est-ce la faute de l’Afasec ? C’est ce que pensent les auteurs. Ce n’est pas notre avis car, pour observer l’organisme depuis de très longues années, l’Afasec est certainement l’élément de l’Institution qui s’est le plus modernisé récemment. Il ne mérite vraiment pas qu’on l’accuse de manger des subventions sans être efficace.
Les deux auteurs sont choqués de lire sous la plume de Guillaume Herrnberger, le patron de l’Afasec : « Ce sont les chefs d’entreprise [i. e. les entraîneurs] qui font les emplois. » Et ils commentent : « Cet aphorisme est peut-être valable dans certaines activités mais sûrement pas dans les écuries de courses. » Que Nicole et Bernard nous permettent de penser que si : ce sont bien les chefs d’entreprise qui font les emplois, y compris dans les courses. Et vous savez pourquoi ? Parce que ce sont eux, les entraîneurs – et toute la filière doit leur en être extrêmement reconnaissante – qui sont les premiers recruteurs de nouveaux propriétaires ; ce sont eux – ibid. – qui incitent un propriétaire à investir plus chaque année ; ce sont eux – itou – qui portent tout le risque économique, à l’intérieur duquel se situe le recrutement de personnel (ce qui veut dire que le développement de l’emploi dépend très largement de leur acceptation – ou non – du risque social de recruter, qui est hyperélevé dans un pays comme la France où le droit de licenciement est strict).
Nous tenons là un paradoxe, entre ce qui nous saute aux yeux (l’évidence : il y a moins de chevaux car il y a moins de propriétaires) et ce qui ressort après analyse (la réalité : moins de chevaux, car moins de propriétaires, car moins de succès dans les actions de prospection menées par les entraîneurs… ce à quoi tente de répondre l’Afasec en développant un module de formation commercial/communication/marketing à destination des futurs entraîneurs, pour qu’ils soient plus performants dans leurs actions de prospection).
Et nous conclurons en vous soumettant cette simple remarque : jamais un entraîneur n’a mis la clé sous la porte parce qu’il manquait de personnel.