La situation actuelle
En ce qui concerne la France, Stephan Kalley, en charge du programme d’obstacle à France Galop, a éclairé notre lanterne : « Même si les courses à obstacles ne sont pas soumises à des règles de pattern comme en plat, les épreuves principales sont inscrites au Blue Book. Toute modification ou promotion doit être signalée et justifiée. Comme en plat, le rating des courses principales est établi tous les ans, par le service des handicapeurs. Le Conseil de l’obstacle et le Conseil d’administration suivent de près ces ratings avant de prendre des mesures de promotion ou de dégradation. »
En France, nous fonctionnons donc un peu comme un “mini Pattern”. Nous avons nettement moins de Groupes que nos voisins anglais et irlandais mais notre black type a une réelle (grande) valeur. Cette valeur permet aux éleveurs de sauteurs de mieux vendre leur production, lorsqu’ils souhaitent le faire à l’étranger. C’est notamment la rareté du black type français qui crée cette valeur. Il y en a peu et la plupart du temps, il faut avoir un vrai bon cheval pour le décrocher.
Maintenant, venons-en aux cas anglais et irlandais, où les courses sont parfois promues “à la va-vite”, notamment en Angleterre. Pour exemple, rappelez-vous que le National Hunt Challenge Cup Amateur Jockey’s Novices’ Chase, le Grand Steeple des amateurs à Cheltenham, est récemment passé… Gr2 ! Sous prétexte d’intégrer le Festival, toute épreuve peut devenir un Groupe ou presque. Si l’on reprend les chiffres publiés en 2019, puisqu’il y a eu ensuite la Covid et que les chiffres 2023 ne sont pas encore disponibles, on s’aperçoit de l’écart abyssal entre la France, l’Angleterre et l’Irlande. Certes, nous avions à l’époque 76 Listeds, dont plusieurs gros handicaps, mais l’Angleterre et l’Irlande avaient respectivement 40 et 37 Grs1… Bien sûr, ces pays catégorisent plus les créneaux de courses (3.200m, 4.000m, 4.800m et plus) avec les novices et les chevaux expérimentés. Leurs Grs1 lors des grands festivals sont, généralement, d’un bon niveau, même s’il y a des ratés comme dimanche à Leopardstown lorsque Fact to File (Poliglote) a gagné face à un seul rival… qui est tombé en fin de parcours. Mais des Grs1 se courent toutes les semaines et, pour vous en livrer les comptes rendus tous les week-ends, je peux vous dire que ça ne vole pas toujours très haut. En résumé, il y a le Betfair Chase, les meetings de Noël et les festivals qui sont très relevés. Puis quelques Grs1 qui tiennent leur rang. Ensuite, en termes de Gr2 et Gr3, alors là , c’est “open bar” !
Comme le disait mon confrère Philippe Lorain, ce sont plus des groupes de chevaux que des chevaux de Groupe. Bien évidemment, cette profusion de courses black types facilite, en théorie, le commerce de chevaux. D’une part parce que les éleveurs locaux ont plus de chance d’en décrocher et d’autre part parce qu’avec un tel nombre de courses black types, un plus grand nombre de personnes vont avoir une part du gâteau, ce qui est moins évident en France. Pourtant, les éleveurs irlandais se font voler la vedette par les chevaux français avec leur black type solide. Ce n’est pas la seule raison, mais cela en est une. Il y a donc un fort déséquilibre entre l’Angleterre et l’Irlande face à la France. Le but d’un pattern serait donc de rééquilibrer les choses.
Nombre de courses black types en obstacle
Angleterre | Irlande | France | |
Gr1 | 40 | 37 | 9 |
Gr2 | 63 | 28 | 12 |
Gr3 | 0 | 38 | 35 |
Listed | 43 | 23 | 76 |
Total courses black type | 215 | 178 | 135 |
Qu’apporterait un pattern ?
En plat, le programme est bien cadré et la valeur d’une course est un moyen objectif de promouvoir ou de rétrograder une épreuve. L’European pattern committee se réunit chaque hiver pour acter ces promotions ou rétrogradations de courses black types. Attribuer aussi des valeurs à des chevaux sur une même base sous l’égide de la Fédération internationale des autorités hippiques permet d’éviter d’avoir des “survaleurs” comme cela arrive régulièrement outre-Manche. Un pattern européen (voire mondial en intégrant le Japon, les États-Unis et l’Italie également) pour l’obstacle permettrait une harmonisation utile aux programmes d’obstacle européens, avec des Groupes dont la valeur est certifiée, sans avoir l’important déséquilibre qui existe actuellement. Probablement que d’autres courses françaises pourraient être promues. On peut penser à un Grand Steeple de Compiègne, à un Prix Congress (Grs2), sous réserve qu’ils atteignent le niveau requis. Attention en revanche à ne pas imiter l’Angleterre et l’Irlande et tomber dans le même piège. Il faut que notre black type reste un vrai label.
Un avantage pour les professionnels… et les enjeux !
Au-delà d’harmoniser le programme européen d’obstacle, et d’éviter la folie des Groupes à profusion outre-Manche, la création d’un pattern permettrait aussi à chaque professionnel de recevoir un livre complet de toutes les courses black types en obstacle en Europe. Ce serait bénéfique pour tout le monde, français comme étrangers. Les courses sont un sport et comme dans tous les sports, une concurrence solide crée de la valeur à un événement. Les entraîneurs anglais ou irlandais pourraient être plus au fait qu’ils ne le sont actuellement sur le programme français et prendre ainsi part à  nos grands week-ends d’Auteuil au printemps… et surtout à l’automne, où ils sont plus souvent absents. Ils pourraient également trouver d’autres courses à courir s’ils ont des chevaux d’une valeur inférieure, dans nos Listeds. Et qui dit plus de chevaux étrangers, dit aussi plus de partants, donc plus d’enjeux si l’on suit la logique. C’est ce que l’on constate en plat où les britanniques, italiens, allemands, parfois japonais viennent garnir nos épreuves de Groupes, augmenter la qualité de celles-ci et le nombre de partants. Enfin, l’autre avantage que je vois à un pattern est de permettre de décloisonner l’obstacle. À l’heure actuelle, chacun fonctionne un peu dans son coin. Bien sûr, la discipline ne sera pas “mondiale” pour le moment. Mais la faire rentrer dans l’Europe des courses ne pourrait être que bénéfique, tant nous avons de problématiques communes.