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jeudi 8 mai 2025
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SIX FIGURES (RS), DE PINHOOKING RATÉ À GLOIRE D’AUTEUIL

SIX FIGURES (RS), DE PINHOOKING RATÉ À GLOIRE D’AUTEUIL

Six Figures (RS) a impressionné dimanche à Auteuil et il sera le favori du Prix Alain du Breil (Gr1). Son histoire, riche en rebondissements et en enseignements, marque notamment la possible expansion de la lignée de Sea the Stars dans l’obstacle français.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Après le Prix Amadou (Gr2), Yannick Fouin a déclaré au sujet de son pensionnaire Six Figures (RS) (Harzand) : « Nous avons un très bon cheval dans les mains, il doit faire partie des meilleurs que j’aie entraînés… » Venant de l’homme qui a façonné Impaire et Passe (Diamond Boy) et Lossiemouth (RS) (Great Pretender) dans leurs jeunes années, cela place la barre très haut ! Mais quoi de plus logique pour un cheval à l’histoire bien peu ordinaire, qui a trouvé, à chaque étape de son existence, des hommes pour faire les choses de manière peu habituelle.

D’abord un pinhooking raté

L’histoire de Six Figures, bien sûr, est d’abord celle d’un groupe de pinhookers français qui vont acheter un foal en Irlande, chose plutôt rare. Nos amis irlandais ne leur en font pas cadeau (36.000 €) et deux ans plus tard, il n’y a pas foule autour du ring d’Arqana où le fils d’Harzand est racheté 45.000 €. Échec commercial, certes, mais pas sportif comme on le sait maintenant !

En anglais, Six Figures signifie « À six chiffres ». C’est un hommage à la barre des 100.000 € que les pinhookers français espéraient atteindre. Sacrée ambition ! Un cheval d’obstacle inédit à six chiffres, cela ne court pas les rues. Pierre-Hugues Henry se souvient : « Il est né tard. Mais c’était un foal bien dessiné, avec une bonne locomotion. Il fallait se projeter, vu son manque de maturité. En plus d’être beau, il a toujours été calme et volontaire. Pour des Français, acheter en Irlande, c’est un peu le chemin inverse de ce que l’on voit habituellement. Nous l’avons acquis il y a trois ans, en pleine euphorie du marché. Nous voulions trouver quelque chose de différent. Six Figures appartient à une souche française, mais avec un étalon un peu exotique pour le marché d’Arqana. Malheureusement, lorsqu’il est passé sur le ring en France, Harzand était un peu en disgrâce. Nous avons un groupe de pinhooking depuis des années, et c’est le premier que nous rachetons ! »

Mais les choses vont ensuite beaucoup mieux se goupiller… « Yannick Fouin avait vu Six Figures avant les ventes. Avec Thomas Sivadier, ils avaient plutôt Nietzsche Has (Zarak) dans le viseur [les deux étant dans le lot de The Channel Consignment, ndlr] Mais sur le ring, Nietzsche Has est monté trop haut. Et le soir, nous nous sommes recroisés : nous, après avoir racheté notre poulain ; et eux, après avoir échoué à acheter. Il se trouve que dans la page de Six Figures, il y avait Loquas, un update qui était chez Yannick Fouin. La suite de l’histoire est belle. Un arrangement a été trouvé avec l’entraîneur. Parmi les copropriétaires, il y a des amis venus du horseball. On trouve trois ou quatre nouveaux agréments de propriétaires grâce à Six Figures ! » Après la victoire dans le Prix de Lusignan, Alain Jathière a acheté 30 % du poulain. Il en partage désormais la propriété avec Thomas Sivadier, François Tessier (Horse Invest), Alban Chevalier du Fau, Pierre-Hugues Henry, Gilles Kerezeon, Joffrey Ruckert et Thomas Pichard.

L’éleveur inconnu !

L’histoire de Six Figures, c’est aussi celle de son éleveur Louis Vambeck, un Irlandais qui ne fait rien comme les autres et a créé la sensation aux ventes à plusieurs reprises grâce à des coups audacieux. Il est donc tout sauf un inconnu. Pourtant, il n’apparaît pas comme éleveur dans la base du Racing Post, qui indique : « Y. Fouin, Alban Chevalier du Fau, etc. ». C’est un peu décevant pour Louis Vambeck car Six Figures est assurément l’un des meilleurs produits de son élevage. Pour autant, l’Irlandais n’en prend pas ombrage et nous a confié mardi : « Si vous connaissez quelqu’un au Racing Post pour faire remonter l’erreur… » Fils d’un éleveur laitier, il a grandi avec les bovins avant de travailler en tant que soudeur à l’étranger. Un accident de chantier et la mort de son père en 2007 l’ont incité à revenir à la terre. Au fil des années, il a élevé plusieurs très bons chevaux, y compris en plat, à l’image de Thewayiam (Thewayyouare), double lauréate de Groupe et deuxième des Belmont Oaks Invitational Stakes (Gr1). Alors pourquoi n’avoir quasiment que des poulinières pour l’obstacle ? Sa réponse est très irlandaise : « Parce qu’on y fait faillite moins vite qu’en plat ! »

Il détient deux records à Goffs

En 2018, avec un foal à 90.000 € (par Walk in the Park et une mère irlandaise), Louis Vambeck a battu une première fois le record historique de Goffs. Alors que beaucoup de ses compatriotes choisissent une belle jument, jeune et issue d’un papier bien connu des acheteurs locaux, lui a fait un grand pari sur les juments françaises, quitte à ce qu’elles aient parfois un peu d’âge ! Et cela paye : fin 2024, Louis Vambeck a fait encore plus fort en vendant un foal par le même étalon pour 160.000 € à Goffs. Record européen ! La mère, Holy Virgin (Saint des Saints), est une jument élevée par Benoît Gabeur et le haras des Sablonnets. Ce foal par Walk in the Park (Montjeu) a été acheté par Nicolas Bertran de Balanda. Louis Vambeck a donc beaucoup investi dans des juments françaises, avec une affection particulière pour les lignées du Berlais et de l’élevage Gabeur : « En Irlande, il y a beaucoup d’éleveurs qui sont financés par l’argent de leur femme ou de leur frère qui travaille à Londres ! Je n’ai rien de tout cela et je fais vivre ma famille avec mon élevage qui ne compte qu’une vingtaine de juments. Tout repose sur la vente des foals, je ne fais pas de préparation aux ventes ou de poulinages pour les autres. J’essaye donc d’élever le mieux possible en accordant le maximum d’attention à tous les détails. Je pense pouvoir dire que parmi les éleveurs irlandais, je suis un de ceux avec les meilleurs taux de gagnants en obstacle par naissance. En outre, j’essaye de me positionner dans le haut de gamme de l’obstacle. Mais de toute manière, dans la situation actuelle, il y a une forte baisse des saillies cette saison en Irlande. La partie inférieure du marché est en train de disparaître et c’est certainement une bonne chose. Les 15 % les plus faibles de la jumenterie vont disparaître du circuit. » Au sujet des juments françaises, Louis Vambeck explique : « J’aime beaucoup les lignées françaises et les familles qui sont des two miles chasers (3.200m). Ce sont des garanties de classe et d’aptitude au saut. Le fait d’avoir des souches françaises permet aussi de sortir du lot lors des ventes en Irlande. Cela vous distingue positivement. J’ai eu beaucoup de chance chez Benoît Gabeur. Il est de bon conseil aussi. Tout comme Guy Petit. D’une manière générale, je n’ai pas de problème à faire saillir une vieille jument pour l’obstacle. Par contre, si les trois premiers foals chez moi ne sont pas bons, je passe la main, quitte à ce que l’acheteur suivant fasse mieux que moi avec la poulinière. » Louis Vambeck aime donc sortir des sentiers battus et va présenter la sœur du foal à 160.000 €, une 2ans par Walk in the Park, cet été à Deauville.

Les faux Berlais et les faux d’Estruval !

En Irlande, les affixes n’existent pas vraiment. Ainsi, au mois de mars, un cheval nommé Cristal d’Estruval (Crystal Ocean) a fait le top de la Cheltenham Festival Sale à 400.000 £, après une victoire de point-to-point. Est-il pour autant un élève de la famille Le Gentil ? Que nenni ! Il a été élevé par The Beeches Stud et Grange Stud, à partir de la jument Aurore d’Estruval (Nickname), effectivement issue de l’élevage Le Gentil. L’histoire de Six Figures ressemble un peu à ça. Sa mère Izzy du Berlais (Kayf Tara) n’a pas été élevée par Jean-Marc Lucas en France… mais en Irlande par un certain Paddy Ryan ! Louis Vambeck explique : « J’ai acheté la mère foal en Irlande… Et je l’ai baptisée avec un nom qui sonnait français : Izzy du Berlais ! C’est Sean Gorman, mon voisin, qui me l’a trouvé. Il fait des poulinages pour des clients et quand il a vu la pouliche, il m’a passé un coup de téléphone. Merci à lui ! C’est une fille d’Isis du Berlais (Cadoudal), née chez Jean-Marc Lucas. Il s’agit certainement de la plus belle famille du haras du Berlais. La page est incroyable. »

Sea the Stars, le grand pari de l’obstacle européen

Six Figures est le premier petit-fils de Sea the Stars (Cape Cross) à gagner un Groupe sur les obstacles français. Et c’est un résultat qui pourrait avoir de réelles conséquences à long terme. En effet, un peu partout en Europe, les éleveurs d’obstacle cherchent des solutions pour croiser leurs juments qui sont des petites-filles de Sadler’s Wells (Northern Dancer). Les alternatives ne sont pas nombreuses depuis qu’il n’y a plus de fils de Monsun (Königsstuhl). Il reste les étalons français, mais peu sont sur le marché. Il est également possible d’aller sur des lignées de plat moins en réussite dans la production de sauteurs. On ne peut pas dire que les produits de Sea the Stars (Cape Cross) aient fait des miracles lorsqu’ils ont été essayés sur les obstacles, surtout si on les compare aux autres produits d’étalons classiques, comme les fils de Montjeu (Sadler’s Wells) par exemple. Il y avait donc un doute sur la capacité des fils étalons de Sea the Stars à réussir dans cette spécialité, même s’ils présentaient par ailleurs de réels atouts : modèle, taille, tenue, performances en plat… C’est donc un pari très risqué auquel les éleveurs irlandais ont massivement souscrit. Au total, neuf fils de Sea the Stars étaient recensés par Weatherbys sur le marché de l’obstacle anglo-irlandais en 2023. Et ils représentaient un total de 1.145 saillies cette année-là. C’est extrêmement significatif. Surtout quand on sait qu’outre-Manche, en 2022, la production fut de 3.680 foals en obstacle. Il va falloir du temps pour savoir si un ou plusieurs seront des bons pères de sauteurs. Mais les premiers signes sont bons. Très beau cheval, Affinisea (Sea the Stars) a massivement sailli. Le cheval a beaucoup de détracteurs vu sa carrière médiocre en course, et il était donc très attendu au tournant avec ses premiers partants. Mais avec trois gagnants de Groupe, mais aussi et surtout un taux de gagnants par partant élevé, que ce soit dans les courses officielles ou dans les point-to-points… Le vent est peut-être en train de tourner en sa faveur. Et certains de ses détracteurs de changer d’avis !

Crystal Ocean (Sea the Stars) a déjà un bon cheval en France avec Saint Crystal et ses produits ont la cote dans les point-to-points. La route est longue mais c’est un bon début. Enfin, Harzand (Sea the Stars), le père de Six Figures, a été vraiment très décevant en plat, en cumulant absence de performer significatif et mauvaises statistiques. Cela étant, après un début hésitant sur le marché de l’obstacle, sa cote est forte en Irlande cette année. Ce retour en grâce vient de plusieurs bons gagnants dans les point-to-points et du gagnant de Gr1 sur les haies Hello Neighbour (Harzand). Louis Vambeck analyse : « Harzand est soudainement devenu très populaire depuis l’an dernier. Il va beaucoup saillir en 2025. » Mais encore une fois, notre éleveur avait un coup d’avance : « Six Figures est issu d’une saillie lorsque Harzand faisait encore la monte aux Aga Khan Studs. Il n’était pas encore sur le marché de l’obstacle donc. J’avais écouté un conseil du regretté Pat Smullen. Il m’avait dit que c’était le meilleur cheval qu’il avait monté dans sa carrière. Et pourtant, il en a monté beaucoup,des bons ! Les Harzand sont faciles, ils vont aux courses et ils se vendent bien. »

Sea the Moon fait forte impression

Statistiquement parlant, à ce jour, le meilleur fils de Sea the Stars (Cape Cross) est Sea the Moon (Sea the Stars). En plat, il compte 14 % de black types par partant, ce qui est beaucoup pour un étalon proposé à 22.500 £. Sa production gagne énormément en Europe continentale et cela a considérablement réorienté son harem. Quand on regarde les propriétaires des poulinières saillies en 2024, tous les grands noms sont là (Juddmonte, Wertheimer & Frère, Ballylinch, George Strawbridge, Flaxman, Kirsten Rausing…) mais à bien y regarder, la moitié des juments appartient à des éleveurs français ou allemands ! Et cela se voit aussi aux ventes. En 2024, la moyenne de ses yearlings de plat était de 46.953 £ outre-Manche… Mais de 88.500 € chez Arqana ! Sea the Moon est certainement à ce jour, aussi, le meilleur fils de Sea the Stars en obstacle, même s’il n’a jamais sailli dans cet objectif. Il a certes l’avantage d’avoir des produits plus âgés que les autres, mais avoir 40 % de gagnants par partant en obstacle, c’est vraiment très bien (Cokoriko et Masked Marvel ont le même taux de réussite). Et il a déjà six lauréats black types dont Allmankind (Sea the Moon) qui a gagné au niveau Gr1 en steeple et sur les haies… Mais aussi Nothing to Sea (Sea the Moon) qui a gagné le Prix du Mont-Dore (L) mardi à Compiègne ! Un bon point pour les éleveurs français qui ont déjà deux de ses fils à disposition (Pretty Tiger et Wonderful Moon). Ce week-end, Sea the Moon a donné un premier gagnant de Groupe à Auteuil en tant que père de mère avec Altura (Goliath du Berlais) qui a survolé le Prix Jean Stern (Gr2). Trente minutes plus tôt, Instant Fragile (Sea the Moon) survolait le Prix Aymeri de Mauléon (L) et personne ne serait surpris de le voir au départ de la Poule ou du Jockey Club !

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