PHILIPPE DEMERCASTEL, UN HOMME, UN DESTIN
Philippe Demercastel, c’était d’abord un regard. Perçant, profond, intimidant. Ses yeux, l’une des clés de sa réussite. Sans jamais avoir eu un effectif important, il est parvenu, année après année, à sortir des chevaux de Groupe. Philippe Demercastel ne passait pas à côté d’un cheval. Au cours de ses cinquante années d’activité comme entraîneur, l’homme a remporté pas moins de trente-trois Groupes, dont la Grande Course de Haies d’Auteuil et le Grand Prix d’Automne, avec Rose or No, le Prix Vermeille avec Magic Night, le Prix Lupin, et le Grand Prix de Paris avec Chichicastenango, et l’Arlington Million avec Spirit One.
Philippe Demercastel s’est fait tout seul, et rien ne le destinait aux courses. À 14 ans, il quitte sa famille pour réaliser son rêve, celui de devenir jockey. Direction Maisons-Laffitte, où il rentre chez Robert Winkfield pour un apprentissage « à la dure ». À 18 ans, il fait ses valises, direction la Tunisie, où il espère pouvoir porter plus souvent la casaque. Il reste trois ans à Kassar-Said, remporte une soixantaine de courses et surtout fait la rencontre de sa future femme, Christiane. De retour en France, Philippe Demercastel entre au service de François Boutin, chez qui il côtoie les crack jockeys de l’époque, et des champions. Après six années chez le maître Boutin, Philippe Demercastel peaufine ses connaissances chez une autre légende, André Fabre. En 1986, jeune trentenaire, il devient entraîneur particulier des frères Ouaki. En 1988, il remporte son premier Groupe avec Rose or No dans le Prix Edmond Blanc. En 1991, il atteint la consécration : Rose or No remporte la Grande Course de Haies d’Auteuil (Gr1), et Magic Night, deuxième du Prix de Diane, s’impose dans le Prix Vermeille avant de prendre la deuxième place du Prix de l’Arc de Triomphe (Grs1).
Magic Night lui permet de travailler avec de nouveaux propriétaires, et Adolf Bader commence à lui confier des chevaux de son élevage en 1993. Pour la casaque Bader, Philippe Demercastel « sortira » des chevaux comme Hightori, Vatori, Ana Marie, Trincot… Parmi les autres grands chevaux de l’entraîneur, il faut aussi citer Solid Illusion, Chichicastenango dont Philippe Demercastel avait acheté la mère, Smala sans savoir qu’elle était borgne, Le Destin troisième d’un Jockey Club, et évidemment Spirit One dont la victoire dans l’Arlington Million pour les frères Chehboub est restée comme l’un des plus grands moments de sa carrière.
Philippe Demercastel était également éleveur. Il a fait naître un cheval comme Fort Payne, de nouveau lauréat de Gr3 cet hiver à Meydan sous l’entraînement de Nicolas Caullery, mais aussi le crack hurdler Thousand Stars, ou des black types comme Chinandega, Chirango, Sisyphe, et Master’s Spirit, tous quatre issus de la miraculée European Style.
Fin 2020, fatigué d’une nouvelle opération d’une tumeur aux méninges qui avait récidivé, Philippe Demercastel avait décidé de prendre sa retraite.
À sa femme Christiane, à ses filles Ophélie et Camille, et à tous ses proches, la rédaction de Jour de Galop présente ses condoléances émues.
ILS LUI RENDENT HOMMAGE
Kamel Chehboub : « Je sais ce que nous lui devons »
« Nous avons découvert le haut niveau avec Philippe. Quand je cherchais un entraîneur à Paris pour Salsalava, j’ai naturellement pensé à lui. Ensemble, nous avons vécu de grandes victoires avec Spirit One évidemment, Salsalavie, Salsalava… Je me souviens encore de la semaine que nous avions passée à Chicago avant la victoire de Spirit One dans l’Arlington Million. Il avait emmené le cheval à 300 %. Il était sûr de gagner ! Il nous a appris énormément de choses sur les chevaux, car à l’époque, nous ne connaissions pas grand-chose. Mais au-delà de l’homme de cheval, j’appréciais la personne, avec ce sens de l’humour bien à lui. Nos familles étaient très liées. Nous partagions les mêmes valeurs. C’est grâce à des rencontres comme celle que nous avons faite avec Philippe que Gousserie Racing a vu le jour… Il était très fier de nos succès. Moi, je sais ce que nous lui devons. C’est un proche qui nous quitte. Il va énormément nous manquer. »
Nicolas Caullery : « Je suis heureux d’avoir pu le rencontrer »
« J’ai eu la chance d’avoir sa confiance pour entraîner quelques-uns de ses élèves, dont Fort Payne, et de le connaître ainsi un peu mieux. C’était une belle rencontre. Il faisait partie des top entraîneurs quand j’étais plus jeune. C’était un grand professionnel. J’ai le souvenir d’un professionnel audacieux dans ses choix.
Je m’estime heureux d’avoir pu le rencontrer. J’aurais voulu qu’il m’en apprenne beaucoup plus. C’était un personnage avec ses idées, ses convictions. En tant que propriétaire, il m’a toujours laissé faire, même si nous n’étions pas toujours d’accord. Il me donnait son avis mais ne m’imposait rien. C’était surtout une personne charmante.
Je suis très triste aujourd’hui. Je pense à sa femme et à ses filles. »
Christophe Soumillon : « Un homme profondément humain »
« Philippe, je le considérais comme un tonton. J’ai partagé avec lui énormément de bons moments. Nous avons eu la chance de connaître de belles réussites ensemble dans le métier. Nous avons gagné de jolies courses, que ce soit avec sa fille Ophélie, sa femme Christiane, ou même sa petite-fille Kiara. Ce sont des souvenirs précieux. C’était un homme joyeux, profondément humain, et un excellent entraîneur. Cela faisait plusieurs années qu’il luttait contre la maladie, et nous savons que ses derniers jours ont été particulièrement difficiles. J’ai une pensée très émue pour ses proches. »
Coralie Pacaut : « Il restera toujours dans mon cœur »
« J’ai terminé mon apprentissage chez monsieur Demercastel avant de devenir salariée. Chez lui, j’ai tout appris. À 16 ans, il m’a fait débuter en course officielle à Fougères, alors que je n’avais jamais monté en course école. Dès ma deuxième course, j’ai pu gagner pour lui. J’ai dû travailler quatre ans à ses côtés. J’ai toujours été proche de la famille… J’ai eu la chance d’avoir sa confiance très rapidement. J’étais timide et lui d’apparence assez froide ; il m’impressionnait mais il était vraiment très gentil. J’ai une pensée pour Christiane et ses filles. Il restera toujours dans mon cœur, pour m’avoir fait débuter et gagner ma première course. »