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vendredi 18 avril 2025

LA CRISE

LA CRISE

COULISSES ET CONSÉQUENCES

Mayeul Caire

mc@jourdegalop.com

L’assemblée générale du PMU, qui a eu lieu jeudi, a viré à l’affrontement entre LeTrot d’une part, et le tandem France Galop-PMU d’autre part. Jean-Pierre Barjon a refusé de voter les comptes 2024. Récit et explications.

Le 2 janvier, j’écrivais ici même : « Les deux sociétés mères n’ont jamais été aussi loin l’une de l’autre, voire opposées. On entend régulièrement que la personnalité – disons « offensive » – de Jean-Pierre Barjon y est pour beaucoup. […] Quand les choses deviennent plus difficiles, deux attitudes sont possibles : la guerre civile ou l’union. L’Histoire nous a montré que seule l’union permettait de sortir de la crise. Elle nous a aussi montré que les Unionistes finissent toujours par gagner. En 2025, il nous faudra donc mener le combat de l’Union et le gagner. En somme, nous devrons choisir comme grand homme Abraham Lincoln (vainqueur de la Guerre de Sécession et père de l’Amérique unie) plutôt que Donald Trump (le provocateur qui divise). » Nous y sommes. Jeudi, les derniers doutes qui subsistaient encore sur les intentions de Jean-Pierre Barjon – en guerre ouverte avec la direction du PMU et avec le galop – ont été balayés : LeTrot, dont les voix sont légèrement majoritaires à l’assemblée générale du PMU, a fait le choix de ne pas voter les comptes 2024, plongeant toute notre filière dans la plus grande crise institutionnelle de son histoire.

LES COMPTES REJETÉS À 51 %

D’après les informations que nous avons pu recueillir, le casus belli s’est noué autour de la provision du Big5. LeTrot a demandé que les investissements dans ce jeu toujours actif (sans doute entre 2 et 4 M€) soient passés en une fois dans les charges. Mais comme l’a noté une administratrice indépendante, il n’est pas possible de changer les règles comptables en cours de route, or celles-ci prévoient un amortissement (un passage dans la colonne des charges) sur plusieurs années. C’est un peu comme lorsque vous achetez un véhicule de société : vous n’avez pas le droit de passer l’intégralité du montant dans l’exercice comptable de l’année de l’achat ; vous devez le diviser généralement en cinq parts, chaque cinquième passant en charges sur cinq ans. On le comprend, il s’agissait d’un prétexte comme un autre pour ne pas voter les comptes 2024 ; car comment ne pas voir un prétexte dans ce casus belli sans enjeu, portant sur une ligne comptable de 2 à 4 M€ qui représente donc entre 0,002 et 0,004 % des 9,5 milliards de chiffre d’affaires ? Refuse-t-on de voter des comptes pour un désaccord aussi minime ? Ce n’est pas raisonnable.

Les comptes ont donc été rejetés à 51 % (sur la répartition des votes, lire notre encadré). De l’avis de plusieurs personnes présentes, le président du Trot était fébrile mais il n’a pas changé son vote, même quand une grande majorité d’interventions orales ont appelé à ne pas plonger la filière dans une crise ouverte, surtout à l’heure où l’Inspection générale des Finances est en plein décorticage de notre activité…

Et maintenant ?

Concrètement, quelles sont les conséquences de ce qui s’est passé jeudi ? D’abord, le PMU n’aura pas le droit (du moins pas tout de suite) de verser les 27 M€ qu’il devait apporter aux deux sociétés mères, au titre du produit des enjeux online. En effet, si les comptes ne sont pas votés, les « dividendes » des actionnaires ne peuvent pas être versés. Ensuite, il va falloir reconvoquer un conseil d’administration qui, comme au début de l’année, devrait se prononcer positivement sur les comptes… ce qui renverra le sujet en assemblée générale qui devrait à nouveau ne pas les voter ! Après ce retour à la case départ, une sorte d’administrateur-arbitre devrait être nommé pour tenter de sortir de l’impasse. Tout cela pourrait prêter à sourire si ce sacré capharnaüm n’avait pas pour conséquence principale de fortement dégrader notre image vis-à-vis des pouvoirs publics, ce qui est extrêmement négatif puisque les ministères ont un pouvoir de tutelle sur notre activité. La tutelle pourrait-elle donc se durcir ? Se durcira-t-elle contre la filière entière ? Ou seulement contre LeTrot ? Il faudra l’observer.

Enfin, l’AG a refusé de voter leur quitus aux administrateurs. Concrètement, cela veut dire que pour l’instant, ils ne sont pas déchargés de leur responsabilité au titre de l’année concernée. Ou pour le dire autrement : puisque les comptes ne sont pas votés, on peut encore leur demander de justifier toute décision ou action (alors qu’avec le quitus, leur responsabilité ne peut plus être recherchée par les actionnaires). Pas très agréable pour des personnes qui donnent bénévolement de leur temps au service de l’Institution, et dont il est évident qu’il n’y a rien à leur reprocher de particulier.

En lisant ces conséquences, on constate que le non-vote des comptes ne changera pas la vie des acteurs des courses à court terme (car nous pensons que les 27 M€ finiront bien par être versés un jour ou l’autre).

Finalement, le seul point positif, si l’on peut s’exprimer ainsi, c’est que jeudi, LeTrot s’est isolé encore un peu plus.

France Galop et le PMU parlent de fragilisation

Vous lirez ci-après les réactions de France Galop et du PMU, toutes les deux laconiques, qui suscitent plus de questions qu’elles n’offrent de réponses. France Galop dénonce une attitude tout sauf constructive : « France Galop regrette l’issue de l’assemblée générale du PMU qui n’a pas approuvé les comptes de l’année 2024. C’est notre responsabilité, en tant que société mère, d’accompagner le PMU, et le rejet des comptes, qui ont été arrêtés par le conseil d’administration et certifiés sans réserve par les commissaires aux comptes, n’est pas une solution pérenne ni une réponse constructive aux challenges structurels et conjoncturels. » De son côté, le PMU parle de fragilisation : « Les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2024 n’ont pas été approuvés, bien qu’arrêtés par le conseil d’administration du 20 mars dernier et certifiés sans réserve par les commissaires aux comptes. Le PMU déplore une décision qui fragilise la filière et ne doit pas entamer la confiance de ses clients et partenaires. »

Notre conclusion du 2 janvier reste d’actualité : « Pour le galop et le PMU en 2025, attention à garder ses nerfs et son cap ! Car la guerre de l’union demande un grand courage, une persistance de tous les instants, et une hauteur de vue que rien ne doit venir altérer jamais. » Ce combat, qui est aussi une résilience, ne fait que commencer.

DROITS DE VOTE : MODE D’EMPLOI

LeTrot détient un peu plus de 49 % des votes à l’assemblée générale du PMU, contre un peu plus de 46 % au galop. Les un peu moins de 5 % restants sont détenus par quelques grandes sociétés régionales. Lors du vote de jeudi, pour atteindre 51 %, LeTrot a reçu un peu moins de la moitié des voix des grandes sociétés régionales – environ 2 %, contre environ 3 % qui ont voté avec le galop.

Pourquoi ce différentiel entre trot et galop ? Parce que le poids des votes est relatif au produit brut des jeux réalisé par chacune des deux disciplines. Si les parieurs jouent plus au trot, LeTrot aura plus de votes que France Galop à l’AG du PMU. Or l’on sait que l’une des raisons qui font que le PMU collecte plus au trot, c’est que cette discipline jouit de plus de dimanches, samedis, et réunions 1 en hiver, au moment où les parieurs jouent mécaniquement plus parce que l’offre de loisirs d’extérieur se réduit et parce que comme il fait froid dehors, on est mieux à l’intérieur d’un point PMU ! Voilà peut-être une piste à explorer pour l’avenir : exiger de courir au galop un week-end sur deux en hiver. Cela devrait très nettement rééquilibrer la balance en faveur du galop en vue d’une future AG du PMU… et pas seulement !

LA RÉACTION DU TROT : LUNAIRE…

LeTrot a envoyé jeudi après-midi un communiqué de presse : « La Société d’Encouragement du Trotteur Français (SETF) prend acte de la décision de la majorité des membres de l’assemblée générale du GIE PMU – composée de 64 sociétés de courses disposant chacune d’un titre de propriété identique et de droit de vote proportionnel à leur taille – réunis ce jour de ne pas approuver les comptes 2024 du GIE PMU. Le président Richard Viel a indiqué qu’une nouvelle réunion du CA du PMU se tiendra prochainement afin de permettre la recherche de solutions de fond qui s’inscrivent sur les moyen et long termes. Alors que le contexte économique reste difficile pour toute la filière, la SETF rappelle le rôle central du PMU au sein des courses hippiques et souhaite que se poursuivent, dans un climat de confiance et de collaboration, les travaux qui permettront de relancer durablement l’activité au bénéfice de tous. »

Lunaire. On se croirait dans 1984, de George Orwell, où la parole politique dit le contraire de la réalité : « Le ministère de la Vérité s’occupe de mensonges, le ministère de la Paix de la guerre… » ou encore : « Il faut dire que deux et deux font cinq si la politique l’exige*. » Prendre acte d’une décision que l’on a soi-même prise : voici un bel exemple de distanciation ! Richard Viel a « indiqué » ? Vraiment ? La vérité est qu’il est contraint de réunir le CA par les textes ; alors que lui-même, qui s’est fortement opposé au Trot, voulait que les comptes soient votés. Enfin, comment parler de « confiance et de collaboration », voire de « bénéfice de tous », quand on sait à quel point le vote de jeudi ruine la confiance et va à l’encontre de l’intérêt collectif ?

* À ce discours de dictateur populiste, Orwell oppose : « La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre. »

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