FUSION… ET AVALANCHE DE NON-PARTANTS
Trois jours après l’annonce de la fusion entre les Prix Machado et du Louvre – au moment de la déclaration des partants probables –, deux maidens qui se devaient se courir samedi à Lyon sont également tombés dans le champ d’application de l’article 51. Le nombre de partants étant insuffisant, les deux courses sexées n’en feront plus qu’une… et les déclarations de non-partants se sont succédé tout au long de la journée de jeudi.
La décision de réunir les deux courses a été prise jeudi matin : en effet, mercredi, chaque maiden comptait neuf partants probables, donc la tenue des deux épreuves était encore possible. Jeudi, à 10 h 30, seuls sept partants sont restés dans chaque course : pas assez pour que les deux courses aient lieu, selon le champ d’application de l’article 51 (voir plus loin). Si bien que jeudi soir, seuls quatre des quatorze chevaux déclarés étaient encore partants…
La réaction d’Arnaud de Seyssel
Arnaud de Seyssel, vice-président de France Galop et président du Conseil du Plat, adresse ce message aux entourages des chevaux de ces deux courses :
« Le mouvement de protestation qui s’exprime aujourd’hui, à travers le retrait massif des chevaux engagés dans deux courses à Lyon – des épreuves pourtant fusionnées en toute légitimité, conformément aux dispositions de l’article 51, en raison d’un nombre insuffisant de partants – est tout simplement choquant. Je tiens à affirmer que le programme français du Galop propose, tout au long de l’année, des opportunités variées, fruit d’un travail rigoureux et réfléchi mené par les équipes de France Galop. Ce programme est spécifiquement conçu pour permettre la préparation de tous les chevaux, quels que soient leurs profils et les objectifs visés. Par ailleurs, il me semble nécessaire de rappeler à tous que les allocations versées aux vainqueurs sont largement financées par les prélèvements sur les enjeux, et chacun sait que ce sont les courses réunissant le plus grand nombre de partants qui suscitent l’intérêt des turfistes. Dans le contexte actuel, la lutte contre les courses creuses est une priorité, et nous nous devons de trouver des solutions pour atteindre cet objectif. »
Nous avons interrogé plusieurs entourages des chevaux déclarés non-partants. Voici les arguments de ceux qui ont accepté de s’exprimer.
Nicolas Caullery, qui avait déclaré un mâle, Modernise, et une femelle, Scarlet Princess. Les deux sont non-partants.
« J’ai été le premier à déclarer mes pensionnaires non-partants. Ce sont deux chevaux que j’estime beaucoup, qui ont coûté une certaine somme, et je ne voulais pas en privilégier un par rapport à l’autre. Donc j’ai pris la décision de n’en courir aucun.
Dès le début de l’année, on avait prévenu que cette règle allait poser problème, et aujourd’hui, on est en plein dedans. Je pense sincèrement qu’il existe d’autres solutions. Un autre souci concerne les jockeys. Quand on fusionne deux courses, on peut être contraint de solliciter un jockey qui ne connaît pas forcément le cheval. Dans mon cas, c’est Stéphane Pasquier qui avait travaillé les deux chevaux. Je ne voulais pas en déclarer un avec un autre pilote. On avait proposé une autre manière de gérer les choses. Là, on nous annonce la fusion des courses juste au moment de déclarer les montes. À ce stade, on ne peut plus rien faire, à part déclarer non-partant. On est littéralement bloqué par le système.
Si France Galop nous laissait simplement 15 à 20 minutes pour réagir après l’annonce d’une fusion, cela permettrait à certains de trouver des solutions. Je comprends bien qu’il faille faire des ajustements, mais cette mesure, clairement, ne fonctionne pas. Prenez la course de Lyon par exemple : ils ne sont plus que quatre au départ. Quel est l’intérêt ? Il faut peut-être envisager d’autres options. Il y a beaucoup de réunions et d’hippodromes en France, et je sais que chaque région tient à défendre ses intérêts, mais il va falloir se serrer les coudes pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise. On ne peut pas continuer à être bloqués de la sorte. Sinon, à chaque fusion, on finira avec trois ou quatre partants… et une longue liste de non-partants. »
Henri-François Devin, qui avait déclaré un mâle, Tyson, finalement non-partant
« Nous nous sommes rendu compte que les courses allaient fusionner suite à deux annulations de partants. Tous les entraîneurs ne sont pas devant leur écran à cet instant de la matinée. On est pris au dépourvu. À 10 h 35, la course étant fusionnée, je me suis retrouvé sans jockey, Augustin Madamet devant honorer une autre monte. Tout comme Cristian Demuro. Cela a complètement perturbé le programme de plusieurs de mes partants de ces derniers jours. L’application de cette règle de fusion dans les Prix du Louvre et Machado a fait l’unanimité contre elle chez les professionnels. Même certains entraîneurs qui n’avaient pas de partants ont manifesté leur solidarité avec leurs confrères. De toute manière, pour les entraîneurs, il est impossible de ne pas être solidaire d’une telle cause. Ne pas courir est toujours dommageable et pourtant certains n’ont pas d’autre choix que de faire une croix sur ces courses. En plat, les maidens de 2ans et de 3ans sont une division du programme à part, dans le sens où ils répondent à une logique qui leur est propre, à la hauteur des enjeux commerciaux et sportifs. On ne peut pas les traiter comme d’autres courses. Les propriétaires souhaitent qu’on offre la meilleure valeur possible à leurs représentants. Il y a du commerce sur ces profils et cela finance bien des effectifs à l’entraînement dans notre pays.
Quand la donne change au dernier moment, c’est problématique. Nul ne peut sous-estimer l’émotion suscitée par le fait d’avoir touché au Louvre et au Machado. Surtout dans le cadre d’une fusion après les partants définitifs. À trois semaines et demie de la Poule, c’est dur à avaler pour certains propriétaires dont des années d’investissements trouvent là leur concrétisation. Ce n’est pas une surprise de voir que la fusion a engendré une réelle perte de partants. C’était une décision peu adaptée à un contexte aussi crucial. Surtout dans des courses – comme le Louvre et le Machado – partiellement financées par le Fonds Européen de l’élevage. Il est donc d’autant plus surprenant de supprimer une course qui allait coûter si peu à la filière. Cela va à l’encontre du bon sens. Même s’il y a eu concertation, elle a été prise à l’encontre de la volonté des professionnels qui ont le sentiment de ne pas avoir été écoutés. Surtout pour une règle qui ne devait concerner que les 2ans et se retrouve appliquée également aux 3ans. On ne va pas dans le sens de la sélection.
Aujourd’hui, il y a eu un handicap 29 et moins en trois épreuves auquel on a ajouté une quatrième épreuve pour treize chevaux en valeur 18 et moins. Il en faut pour toutes les catégories et c’est même la force du programme français mais depuis un certain temps, en augmentant énormément le nombre de handicap de chevaux de petite valeur, et en supprimant des courses s’adressant aux chevaux de meilleur niveau, on nivelle vers le bas et on est en train de décourager les propriétaires qui investissent dans le marché des jeunes chevaux. Or c’est bien ceux-là qui permettent ensuite d’alimenter l’ensemble de la pyramide en partants. »
Alessandro Botti, qui avait déclaré un mâle, Caviar Club, et une femelle, Abago. Les deux sont non-partants.
« Je comprends que France Galop doive trouver des solutions pour éviter les courses creuses. Mais il faut réfléchir à une meilleure communication pour que l’on puisse se retourner : par exemple accorder un délai de quelques heures supplémentaires pour trouver un jockey. »
Tim Donworth, qui avait déclaré une femelle, Knuckle, finalement non-partante.
« J’ai déclaré ma pouliche non-partante tout simplement parce que, lorsque j’ai fait l’engagement, la course était réservée aux femelles. Je comprends bien que France Galop doive trouver des solutions pour équilibrer son budget. Mais je pense qu’à présent que nous avons un peu de recul sur cette mesure, il faut se mettre autour de la table et en rediscuter. Il y a d’un côté une logique économique, et de l’autre celle d’homme de cheval. Les deux sont entendables, et il faut parvenir à les faire cohabiter intelligemment. »`
L’appel à l’union de Mickaël Seror
Certains professionnels appellent à plus de mesure. Et notamment Mickaël Seror qui avait supplémenté début avril à Auteuil un poulain dans le Prix Champaubert, quand la menace de fusion planait avec l’équivalent pour les femelles, le Prix Champoreau. L’entraîneur explique : « On peut être opposé à cette règle, mais il existe une manière constructive de la contester, en proposant des partants ou en mettant en avant des solutions. Une solution parmi d’autres pourrait être de permettre aux entourages d’engager à la dernière minute grâce à des supplémentations à 48 heures de la course. Les entraîneurs doivent avant tout faire preuve de solidarité. La filière traverse une situation financière extrêmement difficile, et c’est à nous, professionnels, de nous mobiliser pour faire augmenter le nombre de partants dans les courses. Le nombre de courses par cheval à l’année diminue dans les écuries, et en France, on privilégie souvent les engagements « faciles », alors que les épreuves à moins de huit partants sont bien souvent trop tactiques. Par répercussion, nos représentants peuvent manquer de dureté.
Il est urgent de faire preuve d’unité, de se serrer les coudes entre acteurs du galop, et plus largement, des courses. Les socioprofessionnels doivent envoyer un message de solidarité aux sociétés mères. Et si le PMU coule, nous coulons tous avec lui. L’union est notre seule chance de préserver et relancer la filière. »
Rappel : mise en application de l’article 51 du Code des courses
« Les services compétents de France Galop peuvent également décider que deux courses d’une même réunion ayant les mêmes conditions particulières mais s’adressant l’une aux mâles et aux hongres et l’autre aux femelles, soient réunies en une seule épreuve ouverte aux mâles, hongres et aux femelles, si l’une ou l’autre de ces courses enregistre un nombre de partants jugé insuffisant.
Les allocations offertes dans les épreuves initiales ne se cumulent pas pour la nouvelle épreuve. »
L’application de l’article 51 peut donc conduire à la réunion d’épreuves au moment des partants définitifs et elle aurait lieu si :
• L’épreuve pour mâles et hongres et celle pour les femelles réunissent chacune 7 partants définitifs ou moins
Course A |
Course B |
Réunion des deux courses |
6 partants définitifs ou moins |
7 partants définitifs ou moins |
Oui |
6 partants définitifs ou moins |
8 partants définitifs ou plus |
Non |
7 partants définitifs |
7 partants définitifs ou moins |
Oui |
7 partants définitifs |
8 partants définitifs ou plus |
Non |
• L’une des deux épreuves réunit 5 partants définitifs ou moins et que le total des partants des deux courses reste inférieur ou égal à 16
Course A |
Course B |
Réunion des deux courses |
2 partants définitifs |
14 partants définitifs ou moins |
Oui |
2 partants définitifs |
15 partants définitifs ou plus |
Non |
3 partants définitifs |
13 partants définitifs ou moins |
Oui |
3 partants définitifs |
14 partants définitifs ou plus |
Non |
4 partants définitifs |
12 partants définitifs ou moins |
Oui |
4 partants définitifs |
13 partants définitifs ou plus |
Non |
5 partants définitifs |
11 partants définitifs ou moins |
Oui |
5 partants définitifs |
12 partants définitifs ou plus |
Non |
L’application de l’article 51 a pour cadre les spécialités du Plat et de l’Obstacle, et toutes les courses de toutes les races de chevaux, à l’exception des courses principales et des épreuves qui ne sont pas intégralement financées par France Galop.