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mercredi 5 mars 2025
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VEILLEUR DE NUIT, ENTRE PATIENCE ET PASSION

VEILLEUR DE NUIT, ENTRE PATIENCE ET PASSION

Alors que la saison de monte est à son apogée, les haras sont également au cÅ“ur de la période des poulinages. Pour mettre au monde les futurs athlètes, des veilleurs sont à l’Å“uvre durant les longues nuits de la fin de l’hiver. Pour , Chloé Leseine (haras de Bouquetot) et Cléa Jehanne (Sumbe) ont levé le rideau sur ce métier de l’ombre.

Par Albane Vilella Segui

albane@jourdegalop.com

Les veilleurs de nuit sont chargés de contrôler les juments gestantes, au moment où celles-ci sont le plus à même de pouliner, c’est-à-dire une fois la nuit tombée. Ces hommes et ces femmes doivent faire preuve d’une attention particulière, sur chaque détail, pour anticiper un éventuel poulinage. Chloé Leseine nous a confié : « J’ai exercé un peu en Australie, avant tout pour prendre de l’expérience. En France, je prends le relais d’une personne qui veille de 17 h à 23 h. Elle m’informe des juments qui commencent à cirer et de celles ayant un changement de comportement. On se base vraiment sur de petits signes. Je vérifie cela toutes les 20 minutes. J’ai une salle avec quatre caméras et certaines juments portent l’Easy foal [système de détection des poulinages, ndlr]. Quand je vois qu’il n’y a pas aucun souci, j’essaye de les déranger le moins possible. Les signes qui nous alertent, sont par exemple une jument qui tourne dans son box, qui gratte ou qui transpire. Certaines font aussi le flehmen [retrousser la lèvre supérieure, ndlr]. Quand ces signes apparaissent, j’appelle la responsable. C’est elle qui s’occupe du poulinage et moi je l’assiste. Après le poulinage, je m’occupe principalement des soins, comme nettoyer le nombril, attacher le placenta avant que la jument le délivre, emmener le poulain à la mamelle, vérifier le méconium [premier crottin, ndlr] et la qualité du premier lait. À la naissance, le poulain n’a pas de défenses immunitaires et il est très important qu’il prenne le colostrum [premier lait de la jument, ndlr] ».

Un moment hors du temps

Cléa Jehanne nous confie : « Ce que je préfère dans mon métier, ce sont les poulinages. J’aime aussi mettre les juments en mode confort et leur apporter tout ce dont elles ont besoin. L’accueil des poulains, c’est assez merveilleux. C’est quelque chose d’unique et ce n’est pas donné à tout le monde. Dans les haras où je travaille, il y a des pedigrees que l’on ne voit nulle part ailleurs. C’est intéressant de voir ce que la production amène suivant les étalons. Les poulains prennent souvent plus de la mère que du père. Je préfère les juments maidens [qui poulinent pour la première fois, ndlr] J’aime beaucoup être là pour elles. Nous n’avons pas le même contact la nuit et le jour. La nuit, elles sont bien plus calmes et nous avons des relations assez exceptionnelles avec elles. On le ressent au moment du poulinage. Elles recherchent le contact pour se rassurer. »

Chloé Leseine réagit : « J’aime beaucoup l’intimité et le calme dans lequel nous travaillons. Nous avons le temps de faire correctement les choses. Voir les premiers contacts entre la jument et son poulain, c’est magique. La rapidité avec laquelle la nature fait les choses est assez incroyable. En à peine vingt minutes, le poulain est debout. Souvent nous voulons aller vite en oubliant qu’ils ont à peine une heure. »

Un rythme de vie intense

Être veilleur de nuit, c’est vivre en décalage. Les deux jeunes femmes ont des horaires quelque peu similaires. Chloé Leseine explique : « Je travaille trois nuits – puis j’ai trois nuits de repos – et nous poursuivons par deux nuits de travail et deux nuits de repos. Je finis à huit heures du matin. Le haras me loge, donc je peux rentrer dormir rapidement. En travaillant de nuit, on se rend compte que nous avons une vraie horloge biologique. Même si certaines nuits ne sont pas physiques, je suis quand même épuisée à 8 h. Je ne le ferai pas sur du très long terme. Les horaires, c’est ce qu’il y a de plus compliqué dans ce métier, mais on s’adapte. »

Le reste de l’année

Une fois la saison des poulinages terminée, en juin, la vie continue dans les haras. Cléa Jehanne poursuit : « Je suis prestataire de services en free-lance. Une fois que j’ai fini les nuits, je reprends de jour dans les haras avec les soins des poulinières et de leurs poulains. Il y a aussi toute la préparation pour les ventes qui reprennent en juillet. » De son côté, Chloé Leseine voudrait monter les échelons : « Ça fait cinq ans que je travaille dans les chevaux. Je connais les yearlings mais il me manquait des connaissances sur le poulinage. Si je veux aspirer à être responsable, je pense que c’est important d’avoir la main sur tous les aspects du métier Je pense qu’une saison de veilleuse était la meilleure manière pour commencer car 90 % des poulinages se font la nuit. »  

Des souvenirs heureux…

La tête emplie de souvenirs, Cléa Jehanne détaille : « Il y avait une maiden que j’aimais beaucoup, elle était assez stressée. Elle ne comprenait pas vraiment que le poulain se préparait à arriver. Je me suis assise dans un coin du box et elle est venue poser sa tête dans mes bras un long moment ! Elle a pouliné quelques heures après, et de temps en temps, elle cherchait ma présence comme si je devais lui montrer comment s’occuper de son bébé. C’était beaucoup d’émotion pour moi, d’autant plus que j’ai passé son poulain aux ventes Arqana un an après.

… d’autres plus difficiles

Les poulinages ne se passent pas toujours comme prévu et la vie se montre parfois cruelle. Chloé Leseine raconte : « J’ai un souvenir assez dur. Une fois, nous avons perdu un poulain. Nous avions tout donné pour le sauver mais il était trop tard. Il était mal placé au moment du poulinage et nous avons mis trop de temps pour le sortir. La jument a dû faire son deuil et c’était assez compliqué à voir. Nous lui avions laissé le poulain dans le box et elle continuait à le lécher. C’est triste à voir mais cela fait partie du métier… »

Un apprentissage empirique

Les veilleurs de nuit apprennent en pratiquant, comme nous l’explique Cléa Jehanne : « Il n’y a pas d’école, même s’il doit sûrement y avoir des cursus pour en apprendre plus autour du poulinage. Mais faire naître un poulain, cela ne s’apprend pas dans un livre. Chaque poulinage est unique. » Chloé Leseine précise : « Lorsque l’on a la chance d’avoir une responsable qui veut bien transmettre son savoir, c’est génial. Quand on a le « feeling chevaux », on voit bien le changement de comportement des juments. »

Que diriez-vous à un jeune qui veut se lancer ?

Pour travailler avec les chevaux, il faut aimer les animaux et être passionné. Les deux jeunes femmes nous le confirment. Chloé Leseine explique : « Il ne faut pas avoir peur de se lancer, ni de se tromper. Même si on n‘est pas sûr de soi, si on aime les chevaux, ça vient tout seul. Il faut se faire confiance et oser. Il faut sortir de son confort pour évoluer. La passion reste le maître mot. Le monde des chevaux en général forge le caractère. La principale qualité de veilleur, c’est le sang froid ! Rien ne sert de paniquer quand tout ne se passe pas comme prévu. Le tout est d’essayer de rester concentré et efficace, revenir aux bases et suivre son instinct. » Cléa Jehanne conclut : « À une personne qui hésite à prendre ce type de poste, je lui dirais de foncer ! Si elle est motivée et persévérante, elle peut y arriver. La base de tout, c’est d’aimer les chevaux. Il n’y a pas de secret à part la passion. »

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