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samedi 15 mars 2025
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SUPER MARIO

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Mario Luraschi publie ses mémoires aux éditions Actes Sud : Mille vies en une, 500 films, 250 chevaux. Le livre du « Monsieur Cheval du cinéma français » est très réussi. Notamment parce qu’il fourmille d’anecdotes toutes plus folles les unes que les autres, dont celle que nous vous proposons de découvrir pour vous donner envie de dévorer l’ouvrage. Elle concerne la plus grande figure vivante des courses mondiales : le cheikh Mohammed Al Maktoum.

Par Mayeul Caire

mc@jourdegalop.com

« Gdansk est cet étalon arabe que j’ai acheté aux États-Unis et gardé après Lucky Luke, le fauve teigneux qui voulait mordre Joëlle et me régale de sa puissance. Je ne suis pas le seul. Sa démonstration [lors du show donné par Luraschi, ndlr] le jour du Prix du Jockey Club à Chantilly, quand, d’un départ à genoux, il se cabre et remonte la piste tout le long des tribunes sur les postérieurs, a convaincu un homme de me l’acheter. Gdansk va devenir le cheval le plus rentable de ma vie.

Le lendemain de la course, un Anglais m’appelle. Il veut connaître mon prix. Je ne suis pas vendeur mais je n’utilise pas assez Gdansk, je refuse de faire faire de la voltige à un cheval de cette qualité. Je donne donc un prix très élevé. Qui lui va. L’homme vient me voir et passe deux jours à la maison, le temps que je lui explique les boutons du cheval, comment le tenir et le récompenser.

Trois semaines plus tard, coup de fil d’une Diana Cooper à l’accent irlandais : « Êtes-vous libre pour trois jours ou quatre jours ? Peut-on aller à Dubaï ? » Je n’ai rien contre mais demande de quoi il retourne. « C’est pour le cheval que vous a acheté l’Anglais. Il est ici, on n’arrive pas à le faire travailler comme vous. » J’apprends que mon acheteur a agi pour le compte du cheikh Mohammed Al Maktoum.

Sur place, on m’explique que le patron souhaite que Gdansk soit à genoux dans son box, se lève, se cabre et fasse le tour de l’écurie avant de revenir au box. Je pige instantanément : c’est la porte trop basse qui provoque le refus du cheval. Et plus on insiste, plus il devient agressif. Je fais casser le chambranle dans la nuit et, le lendemain, je rencontre le cheikh Mohammed pour lui expliquer mon boulot. J’ignore qu’il est ministre de la Défense, je lui parle normalement, même si la smala autour m’indique que c’est un homme important. Il apprécie la leçon, surtout en voyant qu’elle marche. Mission accomplie, je repars, et apprends depuis Paris par Diana que l’écho de mon passage est très bon.

Sept mois plus tard, Diana rappelle. Le cheikh Mohammed est en France et voudrait venir me voir. Je le reçois. Cette fois, il est en jeans. Sans garde du corps, il a pour seule cour un assistant. Il s’étonne de voir que ma mère vit chez moi, chose plus courante dans les pays arabes que chez nous. Elle profite de ce que je suis aux écuries pour lui raconter la façon dont je suis allé l’enlever sur son lieu de travail (elle gardait des enfants à Paris) pour l’obliger à prendre une vraie retraite plus que méritée.

Il a dû beaucoup regarder la cassette des Aventuriers du risque que j’ai donnée pour lui à Diana car, s’il veut découvrir tous mes chevaux, ce sont surtout Emilio pour la cascade, Toreo pour la haute école, et Cura, un comique, tous trois immortalisés sur le film, qu’il tient à voir à l’Å“uvre. Je fais travailler Emilio sans bride. Je fonce sur le cheikh et plante à quelques centimètres de lui une lance dans le pare-bottes, lui rappelant ainsi que je monte un cheval de guerre.

Alors que je lui fais visiter la sellerie, sa question tombe : « J’aimerais acheter ces chevaux, combien en voudriez-vous ? » Je lui tends un grand sourire : « Je ne peux faire ça. Si je vous les vends très cher, il y aura toujours un mec pour vous dire que je suis un gars malhonnête. Si je ne vous les vends pas cher, je suis un imbécile car ces chevaux sont des merveilles, il me suffit de les faire travailler quelques années pour gagner ce que vous les aurez payés. » Est-ce pour le doucher ou le tester, toujours est-il que j’ajoute : « Et puis il faudrait que vous preniez des leçons car votre technique n’a rien à voir avec celle qui est requise par mes Ferrari. »

Dix minutes se passent où il ne dit rien, regarde et touche les selles. Il boude un peu, je le crois vexé. Mais il revient à l’assaut. « C’est dommage. Vos chevaux représentent un grand rêve. Parce que je suis un guerrier et que ce sont des chevaux de guerre. » Ça me remue et je lui dis : « Alors un homme comme vous, qui n’a qu’à claquer des doigts pour s’acheter un avion, aurait encore des rêves ? » On se sourit.

« OK. Donnez un prix. Comme ça, je n’aurai pas à me dire que je vous ai influencé. » « Le prix que je veux ? » « Oui, même si c’est un dollar. » « Pourquoi vous proposer un dollar et pourquoi accepteriez-vous ? » « Parce que je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’hommes qui pourront dire : j’ai réalisé un rêve du cheikh Mohammed ! »

Il me donne un prix que je n’aurais jamais osé demander. J’accepte et pars à Dubaï pour lui apprendre. Les portes d’un palais émirati disent tout de son propriétaire, m’explique le cheikh Mohammed. Voici ce que raconte le sien : à quelques mètres du grand portail où le maître et sa suite passent tranquillement à cheval, une petite porte haute d’un mètre cinquante surplombant une marche de trente centimètres « invite » le quidam. Qui est obligé de se courber pour rentrer, en porte-à-faux. Et on peut ainsi, côté maison, trancher sa tête si elle ne vous revient pas.

À mon deuxième voyage, j’emmène Fadila. Dans un 4 × 4 Mercedes blindé et surarmé, le cheikh nous accueille à l’entrée de son palais, marquée par un arc de triomphe. À l’intérieur, c’est une pure merveille, un jardin d’Éden ponctué de fontaines et de flamants roses. Il nous attend pour la chasse au faucon et nous partons, à fond de train, dans le désert. Nous pénétrons sous une magnifique tente de Bédouin climatisée. Il nous y présente ses trente faucons. De l’autre côté de la tente, des cibles et tout un tas d’armes qui n’ont rien à voir avec la chasse. On se met à tirer comme au stand. Puis on revient aux faucons, il me demande de choisir le mien pour la chasse. Je prends un pèlerin, ce Mirage IV du faucon.

Après la chasse, nous retournons à ses écuries. Il a fait construire un manège rond pour les trois chevaux qu’il m’a achetés, et pour apprendre. Je lui donne des cours pendant plus d’un mois : ils progressent de façon extraordinaire. Un jour, il me confie vouloir monter sur une table. Je donne les directives pour faire faire une table idoine. On répète et il fait dresser la table. Je découvre un service Hermès, lui fais remarquer qu’on peut casser n’importe quelle vaisselle. « Oui, mais ça ne fera pas le même bruit », me répond-il. Un autre jour, je fonce sur lui pleins gaz et pile à soixante centimètres. Tout son entourage a bondi deux mètres en arrière. Pas lui. Stoïque. Il se retourne vers les siens et ouvre les bras, d’un air accablé. Dépité mais hyper flatté : j’ai nourri son orgueil.

C’est Chino qui prend le relais des leçons. Le cheikh Mohammed et moi nous croisons régulièrement sur les champs de courses, il m’appelle de temps en temps. Un jour, Diana m’annonce qu’il veut me renvoyer les chevaux, Gdansk compris : le cheikh s’est lancé dans les courses d’endurance et mes chevaux ne lui sont plus d’aucune utilité. Il me paie la pension et j’ai l’autorisation de les faire travailler. Cinq ans plus tard, la nouvelle tombe : il ne me paiera plus la pension puisqu’il a décidé de m’offrir les chevaux. Un seigneur. Il m’invitera régulièrement à faire des démonstrations sur son hippodrome et à assister à ses courses d’endurance.

En 2006, le cheikh Mohammed devient Premier ministre. Ses obligations coupent court à beaucoup de relations, dont la nôtre. »

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