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lundi 24 mars 2025
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LE THÉORÈME GRIBOMONT

LE THÉORÈME GRIBOMONT

Le théâtre parisien a Luchini et les courses anglaises ont Sir Mark Prescott. Mais au galop en France, nous avons nous aussi un roi du storytelling. Son nom ? Jean-François Gribomont. Je vous l’accorde, il est belge. Mais si la moitié des humoristes de la radio publique française viennent d’outre-Quiévrain, si Amélie Nothomb fait la fortune des éditeurs parisiens… alors on peut dire que la communauté hippique française accueille, elle aussi, les Belges à bras ouverts. À commencer par monsieur Gribomont qui a (au moins) deux chevaux de Groupe en 2025 avec le 3ans Aidan’s Phone (Prince Gibraltar) et le 5ans Horizon Doré (Dabirsim). Remède contre la mélancolie (hippique) grâce à son humour et ses anecdotes extraordinaires, terreur des élus lorsqu’il prend le micro lors des Assemblées générales, Jean-François Gribomont n’a pas son pareil pour raconter les bas et les hauts de la vie des éleveurs et des propriétaires. D’ailleurs, il a même inventé son propre théorème. Et le théorème Gribomont dit : « Le résultat de votre cheval dans une course est directement proportionnel à la vitesse à laquelle votre entraîneur vous appelle. Si dans les 30 secondes, votre entraîneur ne vous a pas appelé, c’est qu’il n’a pas gagné. S’il ne vous appelle pas du tout, c’est qu’il n’est pas dans les cinq premiers. » Lecteur assidu de Jour de Galop, Jean-François Gribomont est l’éleveur des gagnants de Gr1 Ask for the Moon (Dr Fong), Sudden Love (Kris) et Prince Gibraltar (Rock of Gibraltar). Il nous a raconté son histoire au galop, d’anecdote en anecdote… avec ce sens de l’absurde et de l’ironie propre à la belgitude.

JEAN-FRANÇOIS GRIBOMONT : « ON N’A JAMAIS VU SE SUICIDER UNE PERSONNE QUI VIENT D’ACHETER UN YEARLING »

Les passions les plus tenaces naissent (presque toujours) dans l’enfance. Celle de Jean-François Gribomont pour le sport hippique n’y fait pas exception : « J’ai eu mon premier cheval de course à l’âge de 10 ans. C’était en 1959. Mon grand-père nous avait acheté une jument, à mon frère et moi. Mais elle n’était pas du tout destinée à la course au départ ! C’était une jument de 12ans et elle était là pour nous apprendre à monter à cheval. Sur le papier, tout le monde pensait qu’il n’y aurait aucun problème. Mais avec le temps, et grâce à nos bons soins, elle était devenue impossible pour des enfants. C’est donc un garçon d’écurie qui la montait tous les jours. Mais elle allait tellement bien que nous avons fini par la remettre en course, alors qu’elle n’avait pas vu un hippodrome depuis cinq ans. À notre grande surprise… Elle a gagné pour son retour à la compétition. Mon grand-père a alors déclaré : « C’est la plus mauvaise des nouvelles. Et pour cause, la passion des courses est alors instantanément née. Soixante ans plus tard, on court toujours ! »

Le jeu, l’autre passion

À la ville, Jean-François Gribomont gère une société de plus de 1.000 personnes dans le textile qui est présente dans plusieurs pays. Malgré cet emploi du temps professionnel bien rempli, il a été président du Jockey Club de Belgique. Mais il a aussi entraîné lui-même ses chevaux, étant sacré tête de liste à plusieurs reprises dans son pays et décrochant plus de 1.000 victoires : « J’entraînais dans ma propriété, avec l’aide d’une équipe, durant la première partie de la matinée, jusqu’à huit heures moins cinq, avant de rejoindre mon bureau non loin. Les chevaux c’est ma passion. Mais ma passion, c’est aussi le jeu et tout le monde le sait. J’ai payé mes études avec les gains au jeu. J’ai aussi acheté mes premiers chevaux de cette manière. Il y 20 ou 30 ans, le marché des paris était imparfait et il était possible d’en tirer profit. Mais la conséquence fut que j’ai été interdit chez les bookmakers anglais pendant un long moment. Les books prenaient des paris sur la province française. À la première au Croisé-Laroche, il y avait 3.000 francs de jeu dans la caisse. Si vous aviez un bon 2ans et que vous mettiez 5.000 francs sur un cheval de la concurrence, mathématiquement la cote du vôtre montait en flèche. Vous pouviez alors mettre 30.000 ou 40.000 chez les books anglais [qui se basaient sur la cote française, ndlr] et toucher du 25 ou 30/1. Cela n’existe plus. Les bookmakers ont compris qu’il fallait changer, et très rapidement, le jour où Robert Sangster avait un cheval décrit comme une certitude par Jean-Claude Rouget. Robert Sangster avait misé une somme considérable en Angleterre sur son cheval tout en jouant l’opposition sur l’hippodrome français. » Petit pays au centre de l’Europe, la Belgique est peuplée par des gens qui ont une nature aventureuse et mercantile. Les Belges sont nettement plus tournés vers l’international que les Français : « D’une certaine manière, j’ai eu la chance de beaucoup m’intéresser à la fois aux courses anglaises et françaises, à une époque où c’était encore relativement rare. J’ai toujours la télévision des courses anglaises. Tous les entraîneurs anglais venaient à Ostende, de Sir Michael Stout à Ian Balding, en passant par John Dunlop. Peu de Français suivaient vraiment le galop anglais à l’époque, avec des exceptions comme Guy Thibault par exemple. Et ceux qui connaissaient bien les courses étrangères en ont profité. Le marché étant imparfait, l’information permettrait de créer la différence. Hier, on avait les résultats de Tampa Bay trois semaines plus tard. Aujourd’hui, on peut voir la course en direct. »

La jument qui a dépouillé les books

Au début du mois de mars, Don’t Worry Me (Dancing Dissident) est morte à l’âge de 34ans. Sous les couleurs de Jean-François Gribomont, elle avait fait sensation en remportant les King Stand Stakes (Gr2), permettant ainsi à son propriétaire de « dépouiller » les bookmakers. Le Racing Post, à l’époque, avait publié une photo où on voit le propriétaire repartir d’Ascot, vêtu d’un imperméable, avec un sac plein d’argent collecté chez les books. Il y a quelques années, Guy Henrot nous avait confié : « En 1995, monsieur Gribomont avait acheté, via l’agence FIPS, aux ventes de décembre chez Tattersalls, une jument à l’entraînement, Don’t Worry Me (Dancing Dissident) pour 31.000 Gns. Elle était née à l’Irish National Stud, avait couru huit fois à 2ans et était placée de Listed à cet âge. L’année suivante, elle avait couru neuf fois, mais de manière moins fructueuse. Après son acquisition, nous ne l’avons recourue qu’au mois de mars de ses 4ans. Elle est progressivement montée en puissance en gagnant trois courses à la suite, dont deux handicaps. En fin de saison, la pouliche a gagné le Prix du Petit Couvert (Gr3). En 1997, alors qu’elle avait 5ans, elle a été plusieurs fois malheureuse, se classant deux fois cinquième puis quatrième du Prix du Gros Chêne (Gr2). Nous avons décidé d’aller vers les King Stand Stakes (Gr2 à l’époque). Sous la pluie, la jument s’est élancée avec une cote très élevée. Les Anglais auraient dû se douter qu’on n’entreprend pas le voyage du Lude à Royal Ascot pour faire de la figuration ! Elle s’est imposée d’un nez devant Titus Livius (Machiavellian), un pensionnaire de Jonathan Pease. Avec ce doublé français, l’après-midi fut difficile pour les bookmakers. » Ce vendredi, Jean-François Gribomont a précisé : « À cette époque, j’ai acheté avec succès des chevaux en Angleterre car l’écart était grand avec la France. John Hammond faisait de même ! Ce « gap » n’existe plus grâce à la presse hippique moderne. La connaissance et la diffusion de l’information ont beaucoup progressé. Mais il fut un temps où on pouvait tirer profit du manque de communication entre les pays. »

Jeune, bête et arrogant

Cela étant dit, il n’y a pas de martingale. Et quand on joue avec le marché, parfois on peut se prendre la porte en pleine figure si les choses ne se passent pas comme prévu : « L’histoire de l’achat de Sudden Glory (Luthier) est assez éloquente. Présentée à Deauville, elle était pleine de Kris (Sharpen Up), alors au sommet de sa gloire en Angleterre mais peu connu en France. À cette époque, j’étais jeune et bête. Lorsque je l’ai vue au catalogue, je me suis dit qu’elle valait 500.000 francs en Angleterre.  Pour le frisson, comme peuvent l’être les jeunes prétentieux, j’ai levé la main à 200.000 francs en me disant que j’allais me payer le plaisir d’être propriétaire de Sudden Glory pendant cinq secondes. Le problème, c’est que personne n’a enchéri après moi. Certes, elle valait bien plus en Angleterre, mais là nous étions en France ! Je me suis donc retrouvé avec cette jument sur les bras… sans avoir les moyens de la payer. J’avais 160.000 d’économies grâce au jeu. Je suis rentré chez moi et mon grand-père m’a prêté les 40.000 manquants. À cette époque, Gilles et Aliette Forien n’avaient pas encore de clients pour leur haras. Gilles, qui avait monté en course d’amateur pour moi, était mon agent. Il m’a demandé si je pouvais mettre la jument en pension chez eux. Et il se trouve qu’elle a très bien produit, que ses yearlings se sont bien vendus et que les bénéfices de sa production m’ont permis de financer mon écurie pendant quelques années… et ce fut aussi un superbe point de départ pour l’activité commerciale de Gilles et Aliette Forien. » Le premier produit de Sudden Glory pour Jean-François Gribomont, Sudden Love (Kris), a gagné les E P Taylor Stakes (Gr1). Elle est aussi montée sur le podium des Oaks, des Yorkshire Oaks et du Prix Vermeille (Grs1). Avec les Forien, mais à partir d’une autre souche, Jean-François Gribomont a aussi élevé Ask for the Moon (Dr Fong), gagnante du Prix Saint-Alary (Gr1

Un plaisir inégalable

« On ne se rend pas toujours compte du plaisir que procurent les courses. Pour moi, c’est la plus belle chose qui existe. D’autant plus qu’aujourd’hui, c’est une passion partagée avec ma petite-fille qui a la vocation de vétérinaire. Les courses, c’est une adrénaline extraordinaire. Mais c’est aussi un espoir permanent. Au galop, il y a toujours un lendemain, un engagement, un journal à lire… Et comme disait Winston Churchill : « On n’a jamais vu se suicider une personne qui vient d’acheter un yearling. » Lorsque vous êtes éleveur, vous voyez naître vos chevaux. Vous les voyez évoluer. Ils ont un père, une mère et des collatéraux… cela fait des milliers de galopeurs à suivre ! Mon étalon Prince Gibraltar a quelques centaines de poulains et je connais tous leurs noms. C’est FABULEUX. Mais deux minutes avant le départ, je déteste les courses à cause du stress. J’ai gagné plus de 2.000 épreuves, mais chaque victoire est un moment unique. Même dans le plus petit réclamer, l’adrénaline des 100 derniers mètres est énorme. Quel autre sport peut vous apporter cela ? Les courses, c’est aussi le prétexte pour nouer des amitiés, faire des rencontres… Quand les gens partent à la retraite, ils s’ennuient. Moi, je ne m’ennuierai jamais. Je connais par cœur le programme français et tous mes catalogues de vente sont annotés à plusieurs reprises. J’ai déjà demandé au Seigneur s’il y a des courses au Ciel. Mais surtout si les hippodromes y sont aussi beaux que Longchamp et Ascot. »

South Gale, une histoire folle

« J’ai une tendresse particulière pour mon premier entraîneur français, Mike Bartholomew. Il n’en revenait pas qu’un jeune homme lui confie des chevaux alors qu’il était en fin de carrière. Cela me donne l’occasion de parler de South Gale (Gairloch). Le 15 mars 1983, il faisait très froid à Saint-Cloud, mais j’avais repéré dans le programme une pouliche divinement bien née dans un réclamer de 3ans, Sprinkler (Sparkler). Son pedigree anglais était peu connu en France [internet n’existait pas encore ! ndlr] et elle était à un taux faible. Mon frère et moi faisons la route depuis la Belgique. Une fois sur place, stupeur, la pouliche est en fait une ponette. Inachetable comme poulinière. Mon frère est furieux d’avoir fait autant de route pour rien. Il part donc au bar se réchauffer. Pas fier, je reste dehors. Et là, je vois passer un magnifique cheval : South Gale. Il restait sur une 12e place, en débutant, à Fontainebleau. J’ai joué 10 francs sur lui. Après 50m de course… South Gale avait déjà 30m de retard. Mais dans la phase finale, le cheval progresse sans que son jockey ne bouge. Au moment où il semble en mesure de finir dans les cinq premiers, le pilote reprend le poulain. On connaît la musique… Je demande donc à Mike Bartholomew de mettre un bulletin. Il n’était pas ravi. Et mon frère non plus. J’avais dans l’idée de le faire venir en Belgique mais il fallait un mois pour régler les papiers à cette époque. Direction l’écurie Bartholomew en attendant. Mon entraîneur me confie quelque temps après que le premier entraîneur de South Gale est venu l’insulter car il était furieux qu’on réclame le cheval. Encore une fois, cela me met la puce à l’oreille. Quelques semaines plus tard, une fois les papiers réglés, j’appelle Bartholomew pour lui dire qu’il envoie le cheval en Belgique. Surprise, il me demande de le garder un mois de plus ! Le poulain commence en effet à montrer quelque chose. Lors de la sortie suivante, au Croisé-Laroche, South Gale termine non placé… car dans le tournant, il a été tout droit et a terminé sur la piste de trot ! Assez rapidement, il a gagné une deuxième épreuve, puis un Quinté… puis le Prix Kergorlay (Gr2). South Gale s’est même classé cinquième de la Gold Cup (Gr1) et il a été étalon en Belgique. »

Des rencontres par milliers

« Guy Henrot a été mon entraîneur pendant des années. Il me racontait des fables quand mes chevaux étaient battus en province. Et je lui ai même offert un « carnet souvenir » rassemblant toutes les excuses qu’il avait trouvées lors de nos défaites pendant des années ! Guy Henrot est un homme merveilleux, avec un humour fabuleux. Des gens comme lui, on n’en refera plus. J’ai aussi des liens depuis des années avec la famille Forien, Jean-Claude Rouget, monsieur Harrari ou encore monsieur et madame Bérès pour qui j’ai toujours eu un très grand respect. J’ai aussi la chance de travailler avec des entraîneurs disposant de petits effectifs mais qui font le maximum pour leurs pensionnaires, à l’image de Florent Monnier. Toutes ces rencontres, tout ce plaisir, c’est nécessaire pour évacuer la pression professionnelle. Je suis responsable de 1.200 salariés et c’est un combat quotidien pour parvenir à payer leurs salaires. Ma plus grande fierté, c’est d’avoir versé plus d’un milliard et demi de salaires. » Lorsque Jean-François Gribomont prend le micro lors d’une Assemblée générale, l’inquiétude monte dans la salle. En général, son discours est affûté et il fait mouche : « J’ai donné beaucoup de mon temps à la Fédération des éleveurs. Mais désormais, je suis concentré sur le combat que je mène à la Commission européenne pour que le textile survive en Europe. Là-bas, on m’appelle le José Bové du textile car je refuse la fatalité de la délocalisation. Il faut défendre nos emplois, il faut défendre les gens qui travaillent ici, le futur de l’industrie textile en Europe, même si c’est dur et compliqué. C’est aussi une question d’humanité, on ne peut pas supporter les choses terribles qui arrivent au Bangladesh ou en Chine dans les usines. Aujourd’hui dans le monde, il y a encore des gens sous-payés qui meurent en faisant des vêtements. C’est inadmissible. Ne dormant que quatre heures par nuit, je peux donc m’occuper à la fois des chevaux et du textile. » Sautant d’un sujet à l’autre, Jean-François Gribomont nous parle de son autre cheval de bataille : « J’ai beaucoup d’amitié pour Élie Hennau. Pendant des années, il a monté pour moi dans les courses de gentlemen. À cette époque, il connaissait mon numéro de téléphone par cœur ! Mais j’ai moins de tendresse pour France Galop. Pour sa froideur notamment. Je sais que leur mission n’a rien de facile et c’est même de plus en plus difficile. Mais le côté corseté de France Galop empêche aussi la fête sur l’hippodrome. Or la festivité, aux courses, c’est essentiel. Equidia, qui est une invention formidable, réduit considérablement le nombre de gens qui font le déplacement. Et les hippodromes n’ont plus d’ambiance. Bien sûr, pour le propriétaire, c’est un grand atout si vous courez en province. Cela permet de voir son cheval en direct où qu’il se produise. Ce qui n’était pas le cas par le passé. »

Pourquoi Aidan’s Phone n’est pas à vendre

Lauréat du Policeman et d’un maiden cet hiver à Cagnes, Aidan’s Phone (Prince Gibraltar) a placé sa tête devant celle d‘Uther (RS) (Camelot) pour remporter le Prix François Mathet (L). Celui qui se dirige vers le Prix Noailles (Gr3) court pour Jean-François Gribomont et Jacques Rossi (l’écurie du Sud). Son nom a fait le tour des réseaux sociaux et des journalistes anglais m’ont demandé pourquoi le poulain avait été nommé ainsi. J’ai donc posé la question à Jean-François Gribomont : « Comme vous l’avez certainement remarqué, Aidan O’Brien est toujours au téléphone après ses belles victoires. Et cela m’a toujours frappé. J’ai lu dans la presse qu’il appelait le plus souvent sa mère avant de contacter son patron, monsieur Magnier. J’ai donc décidé d’appeler un cheval Aidan’s Phone… en l’honneur d’Aidan O’Brien et de sa mère. J’aime trouver un peu d’humour et quelques jeux de mots dans l’univers des courses. » Aidan’s Phone est un fils de Prince Gibraltar (Rock of Gibraltar), LE très bon cheval de Jean-François Gribomont. Il a en effet remporté le Critérium de Saint-Cloud (Gr1), le Longines Grosser Preis von Baden (Gr1) et le Prix Greffulhe (Gr2). Son éleveur et copropriétaire a toujours refusé les offres pourtant colossales lorsque le poulain faisait partie des sujets en vue dans le Prix du Jockey Club (dont il a terminé troisième). Les offres affluent aussi aujourd’hui pour le fils Aidan’s Phone : « Nous ne sommes pas vendeurs. Quel est le prix d’un rêve ? Êtes-vous capable de chiffrer cela ? J’ai quand même déjà 74 ans. J’ai la chance d’être en bonne santé. Mais de quoi sera fait demain ? Profitons au moins de ces moments de bonheur. Je ne suis pas riche. Depuis des années, j’ai un budget très limité pour mes chevaux. Cela se finançait hier par le jeu mais aujourd’hui – au moins pour partie – par la vente de yearlings. » Le grand « problème » de Jean-François Gribomont, c’est donc que « lorsque j’ai quelques bénéfices en tant que vendeur… j’achète des yearlings bon marché. Ce qui m’excite, c’est de trouver la perle rare. Mon expérience me fait dire qu’il y a une différence entre un bon cheval et un cheval bien né. Cela me fait plaisir si je peux m’associer, comme par exemple avec monsieur Augustin-Normand que j’aime beaucoup. La victoire est encore plus belle à quatre qu’à trois. » Acheter un cheval pas cher, c’est une chose. Mais arriver jusqu’à la réussite aux courses en est une autre : « Il faut bien choisir son entraîneur et ensuite lui faire confiance. Prince Gibraltar a débuté chez Henri-Alex Pantall, que j’aime beaucoup et qui avait tout de suite détecté la qualité du poulain. »

L’achat rocambolesque d’Horizon Doré

« C’est quand même un sport qui apprend l’humilité. On pense souvent avoir un champion… mais il n’en est finalement pas un. Et on pense parfois qu’un cheval est nul alors qu’il va finalement devenir un champion. J’ai rarement eu un « flash » sur un sujet en particulier. Mais ce fut le cas pour mon élève Prince Gibraltar (Rock of Gibraltar). Il est passé en vente yearling mais a été racheté 40.000 €. J’ai alors eu des offres que j’ai refusées. Car je pensais que c’était un très bon cheval. Pourquoi ? C’est difficile à expliquer. Prenez le cas d’Horizon Doré (Dabirsim). Encore un cas extraordinaire. Le jour où son éleveur l’a passé en vente, j’étais de très mauvaise humeur. Et pour cause, je présentais moi-même deux yearlings… et aucun ne fut vendu. La situation est très frustrante. Je croise alors Chantal Becq, qui habite pas très loin de chez moi en Belgique, et elle insiste pour que j’aille voir son yearling. Avec les deux miens sur les bras, je n’avais aucune envie d’y aller. Vraiment aucune. Mais elle insiste, encore et encore. J’ai alors dit à Charley Rossi que nous allions aller voir ledit yearling pour lui faire plaisir mais que nous refermerions poliment la porte avant de tourner les talons. Je l’ai vu sortir et j’ai dit à Charley : « C’est un poulain extraordinaire. » Pourtant, il avait beaucoup de choses contre lui, à commencer par son père et son pedigree assez léger. Une fois sur le ring, à 8 ou 10.000 €, nous pensions que l’affaire serait pliée. Surprise, les enchères montent. Et là, je vois que c’est Christophe Ferland qui lève le doigt en face. Il se rend compte que je suis en train d’enchérir et il arrête de bider. Le marteau tombe à 45.000 € et nous en avons donc partagé la propriété avec Chantal Becq, Jacques Rossi, Daniel Dumoulin et Michel Delaunay. Et dire que je ne voulais pas acheter de yearling ce jour-là. Après la victoire dans le Prix Delahante (L), la famille Chehboub, des gens charmants, en ont acquis 50 %. C’est une aventure invraisemblable. J’ai beaucoup d’amitié pour Jacques Rossi. Il vit aujourd’hui des moments très difficiles. Mais c’est un homme tout à fait merveilleux. » Horizon Doré va certainement courir le Prix d’Harcourt (Gr2) avant de repartir à l’international.

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