P.S.F., LA BONNE ÉDUCATION
Sistercharlie (Myboycharlie), Ace Impact (RS) (Cracksman), Pensée du Jour (RS) (Camelot), Raabihah (Sea the Stars), Tawkeeel (Teofilo)… Avant de briller au plus haut niveau, tous avaient débuté en fin d’année de 2ans ou au début de leur année de 3ans sur une P.S.F. Ces dernières semaines, les maidens sur la fibrée ont révélé plusieurs éléments attendus a minima au niveau black type.
Par Rose Valais
rv@jourdegalop.com
De décembre à mars, le programme propose aux entraîneurs une palette intéressante de maidens sur cette surface – 97 courses exactement – répartis sur les différents hippodromes équipés de la précieuse piste tout temps. Afin de comprendre comment ils utilisent la « carte P.S.F. » pour placer au mieux leurs atouts, nous avons interrogé plusieurs professionnels dont les jeunes éléments se sont distingués récemment dans de telles épreuves. Pierre Groualle, Victoria Head, Yann Lerner, Nicolas Perret et Jérôme Reynier ont joué cartes sur table.
Quels profils débutez-vous l’hiver sur la P.S.F. ?
Yann Lerner : « Principalement des poulains qui n’étaient pas suffisamment précoces pour courir plus tôt, ou ceux qui étaient prêts mais ne disposaient pas des aptitudes requises pour affronter des pistes lourdes. »
Pierre Groualle : « Je n’aime pas courir de manière rapprochée comme trop fréquemment les jeunes chevaux sur la P.S.F. Cela peut parfois engendrer de petits soucis physiques. Les chevaux que j’ai pu courir ou débuter cet hiver sur cette surface ont des profils tardifs ou ils ont connu quelques soucis au cours de leur année de 2ans. Néanmoins, la P.S.F. nous fait gagner du temps et elle a ses avantages. Si nous ne profitons pas de cette surface, nous devons attendre les premières épreuves sur le gazon à la fin du mois de mars, période où nous risquons de débuter nos chevaux sur des gazons trop profonds, ce qui peut se révéler difficile pour les jeunes pousses… Ce nouveau programme n’existait pas il y a encore quinze ans. Il faut savoir évoluer avec le temps et s’adapter à ces nouvelles conditions. »
Jérôme Reynier : « Je préfère débuter mes pensionnaires sur des pistes naturelles que synthétiques où le rythme de course est souvent plus élevé. C’est aussi parfois plus accidentogène pour des chevaux qui ne sont pas arrivés à maturité physiquement. Il m’arrive tout de même d’utiliser les P.S.F. pour des questions d’opportunité. Par exemple, Waka Waka (Dabirsim) a été supplémenté dans un maiden sur la P.S.F. car le lot était faible. Sa manière de galoper m’indiquait également que cette surface allait lui correspondre. Ostra (Time Test) a aussi couru sur la P.S.F. de Marseille puis à Deauville. Elle était engagée sur le gazon de Cagnes mais n’était pas assez aguerrie pour courir sur cette piste et je ne voulais pas qu’elle affronte Asherah (Wooded). »
Nicolas Perret : « En fin d’année, les pistes sont fatiguées et la P.S.F. nous permet de donner aux poulains des courses moins dures. Tous les chevaux ont l’aptitude pour courir sur la P.S.F. alors que ce n’est pas le cas sur les gazons lourds. Les Petits Princes (RS) (Bated Breath) [victorieux ce lundi, ndlr] en est l’exemple parfait. »
Victoria Head : « Souvent, ces poulains sont arrivés plus tard à l’écurie où ils ont connu des retards de croissance, ce qui est courant à 2ans. Certains sont tout simplement plus tardifs. J’aime les faire débuter à 2ans, même en décembre, afin d’anticiper leur année de 3ans. »
Comment choisissez-vous la bonne course selon le profil concern
Yann Lerner : « J’aime beaucoup la fibrée de Lyon-La Soie et son parcours des 1.800m. Il nous permet d’en apprendre davantage sur nos chevaux et la P.S.F. y est toujours de qualité. Pornichet, je n’y vais pas beaucoup. Le tracé reste particulier. Il faut des chevaux qui ont du rythme et qui se montent près de la tête. Si le programme sur la distance est fourni, il manque cruellement d’une course sur 1.300m sur la P.S.F. pour les inédits durant l’hiver. L’année dernière, j’étais très ennuyé par rapport à cela. Nous achetons des chevaux aux ventes issus d’étalons qui apportent de la vitesse mais le programme n’est pas adapté… »
Pierre Groualle : « Tout dépend des aptitudes des chevaux. Mais généralement, je préfère débuter un poulain qui a un peu de moyens à Chantilly ou à Deauville. Pour moi, le tracé de ces pistes permet de juger plus facilement un cheval que celui de Pornichet ou de Lyon-La Soie par exemple. Chacun a sa méthode mais moi je ne me rends aux courses que lorsqu’un cheval est capable de débuter. Et les courses de débuts ne sont pas visées. Dans le cas de Motu Proprio (Earthlight), elle aurait pu débuter à Cagnes mais je ne voulais pas qu’elle effectue un long voyage pour ses premiers pas. Elle a dû débuter dans un maiden sur 1.300m à Deauville, face à des chevaux ayant déjà couru. »
Jérôme Reynier : « Je ne suis pas un grand fan de la fibrée de Lyon-La Soie pour les jeunes chevaux. Je trouve que son tracé est assez particulier. Je préfère attendre un engagement à Vivaux, les chevaux ont plus de facilité à galoper. Nous essayons surtout de faire en fonction des chevaux et de viser les bons engagements. Il faut aussi penser à la logistique des déplacements… Tel qu’il est actuellement, je trouve que le programme permet à tous les professionnels de trouver leur compte. »
Nicolas Perret : « Je choisis la P.S.F. en fonction du profil de mon cheval. Dans le cas de Les Petits Princes, je voulais le débuter à Cagnes afin de ne pas faire trop de route et cette épreuve arrivait parfaitement dans son programme. »
Victoria Head : « Nous avons quand même pas mal de choix dans le programme des maidens et des courses d’inédits sur la P.S.F., sur le mile ou 1.900m. Idéalement, je préfère les débuter pas trop loin de l’écurie, à Chantilly ou à Deauville. Mais entre ces deux hippodromes, je n’ai aucune préférence. Tout est fait en fonction des opportunités. »
Des débuts hivernaux peuvent-ils mener au succès au plus haut niveau au printemps ?
Yann Lerner : « La Parisienne (Zarak) a débuté au mois de décembre à Deauville ! En Angleterre, de nombreux cracks ont couru sur la fibrée en hiver. Les premières courses parisiennes d’inédits sur le gazon arrivent tardivement et si vous rêvez de la Poule d’Essai avec un poulain n’ayant pas couru à 2ans, vous n’aurez qu’un mois entre la course de débuts et le Gr1… À part un élément qui sort vraiment de l’ordinaire, je n’en vois pas beaucoup capables de réaliser cela. Alors qu’en ayant débuté Godspeed (RS) au début du mois de février, nous allons pouvoir prendre notre temps avec elle. En dix ans, le programme a changé, proposant de nouvelles épreuves et de nouvelles pistes, ce qui induit, selon moi, la perte de valeur de certaines courses réservées aux inédits. Des bons chevaux peuvent éclore dans n’importe quelle épreuve. Et puis, il faut faire en fonction de chaque cheval, savoir lorsqu’il est prêt à aller aux courses… J’adore courir mes pensionnaires à 2ans mais lorsque nous n’avons pas la chance de les débuter à cet âge, il faut savoir attendre. Et avec Godspeed, lorsqu’on la voit débuter de cette manière, ce n’est que du bonheur. Rien n’est encore acté mais il est possible qu’elle coure de nouveau sur la P.S.F., dans une Classe 2 réservée aux pouliches à Chantilly le 17 mars… »
Pierre Groualle : « Il existait il y a encore quelques années des courses d’inédits très réputées, mais je trouve qu’elles sont souvent trop prisées et cela peut laisser des traces pour la suite de la carrière du poulain en fonction de l’opposition. Avec du recul, je trouve qu’il est plus intéressant de préparer un cheval « en douceur » et de lui proposer une ou deux courses sur la fibrée, soit en fin d’année de 2ans soit en début d’année de 3ans. C’est très français d’imaginer une carrière parfaite mais en faisant cela, il peut y avoir des dégâts. Un très bon cheval peut être battu lors de ses deux premières sorties. Lorsque je travaillais pour Son Altesse l’Aga Khan, Sendawar (Priolo) avait été battu deux fois en fin d’année de 2ans. Il a ensuite remporté quatre Grs1… »
Jérôme Reynier : « Je suis à l’écoute de mes chevaux. Parfois, il vaut mieux saisir les opportunités de début d’année, proposées lors du meeting de Cagnes par exemple. Nous y avons vu Lazzat (Territories) ou Ace Impact, Facteur Cheval (RS) (Ribchester) aurait également dû débuter ici… Le meeting de Cagnes arrive au bon moment dans la préparation des bons chevaux. »
Nicolas Perret : « Je débute mes pensionnaires lorsqu’ils sont prêts et je ne vise pas une course d’inédits en particulier. S’ils sont bons, ils sont bons. La qualité d’un cheval ne se juge pas sur le fait qu’il débute sur la P.S.F., en fin d’année de 2ans ou en début d’année de 3ans. Ace Impact a bien débuté à Cagnes à 3ans… »
Victoria Head : « Si un cheval débute ou gagne en fin d’année de 2ans ou en début d’année de 3ans, je ne trouve pas que cela est représentatif de sa qualité. Badie (Le Havre) et Frankly Good Cen (Frankel), qui ont débuté et gagné au mois de décembre, ont comme objectifs les épreuves black types. Ils ont tous les deux débuté sur la P.S.F. En revanche, j’aimerais vraiment que leur rentrée ait lieu sur le gazon. »