LES (TRÈS) GRANDS PROJETS FRANÇAIS DU CHEIKH MANSOUR
Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan (Émirats arabes unis) est l’un des plus jeunes leaders du monde arabe. Et il a fait le choix de la France pour son élevage, où il dispose au total de 1.200 hectares. Éleveur-propriétaire de tout premier plan chez les pur-sang arabes ces dernières décennies, il se lance dans le pur-sang anglais en achetant le haras de Fresnay-le-Buffard. Gérard Larrieu, qui s’est fait connaître grâce à la réussite de son agence de courtage Chantilly Bloodstock Agency, a été nommé directeur général des entités hippiques du cheikh Mansour. Il nous a présenté ce qui pourrait constituer un véritable tournant dans l’histoire du sport hippique en Europe.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Jour de Galop. – Que représente Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan dans le monde du pur-sang arabe ?
Gérard Larrieu. – Passionné d’endurance équestre, il est l’un des grands soutiens du programme pour pur-sang arabes à travers le monde. Et ce en tant que sponsor, éleveur et propriétaire. Son soutien à la filière française notamment, du fait de son activité de sponsoring, est considérable. Cela va des Poules d’Essai chez les pur-sang anglais à un nombre très élevé de courses pour pur-sang arabes. Le cheikh Mansour est impliqué de longue date dans la filière française et il possède par exemple le haras de Clairefeuille, où il élève une partie de ses pur-sang arabes de course. J’ai été contacté en mai 2024 à la suite d’un changement de management dans l’organisation hippique de Son Altesse. Et l’entité Chantilly Bloodstock Agency (France) a ainsi été nommée à la direction générale d’Al Wathba Stables et de Yas Horse Racing. Cela représentait au départ 1.200 chevaux, 300 personnes ainsi que quatre haras aux Émirats. La première mission qui m’a été confiée est de faire de la sélection afin de restructurer l’écurie de course et l’élevage. Dans un premier temps, nous avons donc analysé l’effectif en détail et fait éditer par Bruno de Watrigant l’ensemble des pedigrees. Les haras étant surchargés, il a fallu faire une première réduction d’effectif précoce d’environ 300 chevaux. Et nous allons réduire encore à l’avenir pour nous concentrer sur l’aspect qualitatif des choses. D’une certaine manière, Wathba Stud Farm est le « Juddmonte » du pur-sang arabe, un symbole d’excellence. Il s’agit de mettre en valeur des étalons leaders et un noyau dur de juments exceptionnelles. La casaque représente actuellement entre 90 et 100 pur-sang arabes à l’entraînement dans le Sud-Ouest chez une bonne dizaine d’entraîneurs.
Quel est l’organigramme ?
Au sommet figure Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan. Et Chantilly Bloodstock a été nommé manager de son activité hippique. Rapidement après mon arrivée, j’ai mis des équipes en place dans les deux pays. Aux Émirats, nous avons placé à la tête de chaque haras des personnes qui sont capables de prendre en autonomie les décisions du quotidien. Claude Piccioni est le racing manager dans ce pays et Mathilde Baurens en France. Dominique Boulard est le conseiller élevage et course en France. Il s’occupe entre autres de la promotion des étalons. D’une certaine manière, je suis le chef d’orchestre et toutes ces personnes sont les musiciens qui doivent interpréter leur partition avec talent. Le directeur du haras de Clairefeuille est Brian Duffy. Il est secondé par le pilier du haras, Christine Rieder, qui est là depuis le début. Il faut aussi mentionner que Chantilly Bloodstock Agency, c’est aussi Marta Kubicka, qui s’est énormément investie dans ce projet. Sans son aide, il me serait impossible de mener de front toutes ces activités.
Comment allez-vous gérer l’étalonnage pur-sang arabe ?
Les étalons de Wathba étaient tous stationnés aux Émirats arabes unis dans une période récente. Nous voulons relancer l’étalonnage commercial en faisant revenir certains en France, où ils auront accès à une jumenterie nombreuse. Pour l’instant, ils font la monte naturelle. Ces étalons seront prélevés cet été chez Equitechnic afin d’être disponibles en semence congelée l’année prochaine. À l’avenir, nous voulons les répartir dans des endroits stratégiques, au plus près de la jumenterie. Et surtout ne plus concentrer tous les étalons au même endroit. Je suis persuadé que chaque étalonnier apporte un plus à l’étalon qu’il stationne, notamment sa force de conviction auprès des éleveurs.
Ces derniers temps, Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan met sur le marché quelques juments pur-sang arabes, ce qu’il ne faisait pas par le passé…
Ce grand éleveur-propriétaire souhaite soutenir le développement de l’élevage comme le font Juddmonte ou l’Aga Khan en vendant des femelles. Chez le pur-sang anglais, le plus difficile est d’acheter des saillies. Chez le pur-sang arabe, le plus difficile pour un petit éleveur est de parvenir à trouver une bonne jument. Vendre des femelles, c’est donner la possibilité à d’autres de se lancer dans le pur-sang arabe et ainsi stimuler l’élevage de cette race. Et qui sait, peut-être qu’ils réussiront et que cela valorisera encore un peu plus les souches du cheikh Mansour… De la même manière, nos étalons pur-sang arabes sont proposés à des tarifs très accessibles avec des gagnants de Gr1 PA à 3ans ayant confirmé avec l’âge, doté de pedigree irréprochables, officiant à 2.000 € ou moins.
Quel sera le rôle du haras de Ginai ?
Ancien site d’entraînement de trotteurs, il a récemment été acquis dans le but d’en faire un centre de débourrage et de pré-entraînement de niveau 5 étoiles. La structure reste la propriété de Wathba, mais le projet est de s’associer pour son exploitation avec une personnalité reconnue du monde hippique français qui assurera, avec moi-même, le contrôle et la bonne marche des opérations. Sur le terrain, c’est une autre personne, ayant l’expérience de l’entraînement, qui va prendre la tête de la structure et mettre sur pied sa propre équipe. Wathba représente 80 à 90 chevaux à débourrer par an et la casaque a en permanence une bonne quinzaine de sujets au pré-entraînement.
Et le haras de Fresnay-le-Buffard ?
Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan a en tête son propre projet pour ce qui est des pur-sang anglais. Mathieu Legars, fort d’une longue expérience chez Coolmore, Camas Park Stud ou encore Arqana, a été embauché. À partir du 1er mars, il va diriger le haras de Fresnay-le-Buffard, où petit à petit va naître ce nouvel élevage de pur-sang anglais. Là encore, l’idée sera donc de mettre sur pied une jumenterie de très grande qualité. Mathieu Legars aura donc aussi pour mission de créer une nouvelle équipe. Le haras sera ouvert au public avec des pensions pour des juments extérieures. À terme, Fresnay-le-Buffard a pour vocation de redevenir une station d’étalonnage avec des pur-sang anglais. C’est là qu’ont fait la monte Nureyev (Northern Dancer), ainsi que cinq sires tête de liste en France, à savoir Astérus (Teddy), Tourbillon (Ksar), Pharis (Pharos), Goya II (Tourbillon) et Djebel (Tourbillon)…
Avez-vous une idée de l’ampleur des futurs effectifs pur-sang anglais du cheikh Mansour ?
C’est Son Altesse qui décidera. Il est certain que Fresnay-le-Buffard est un lieu mythique, de Marcel Boussac à la famille Niarchos. Le site a été très bien entretenu. Après 12 années sans chevaux, les analyses de sol sont extraordinaires.
À titre personnel, que représente cette mission qui vous a été confiée ?
C’est un challenge tout à fait exceptionnel. Je pense que toute personne qui travaille dans notre filière rêve de se voir confier une telle mission pour un grand éleveur-propriétaire. Ayant commencé en bas de l’échelle, c’est une forme d’accomplissement et je souhaite y mettre toute mon énergie, ainsi que toute mon expérience. Je suis très content de travailler avec l’équipe que nous avons mise sur pied. Ils ont tous bien conscience qu’il faut s’impliquer à fond pour que l’orchestre sonne juste. Ce type d’opportunité ne se présente que très rarement dans une carrière professionnelle. C’est aussi une responsabilité car les grandes décisions, de faire sortir un cheval de l’entraînement jusqu’au recrutement d’une personne, me reviennent. Nous avons vraiment un fonctionnement collégial. Ainsi avons-nous fait les croisements à quatre et nous faisons à plusieurs les sélections des chevaux à acheter. Pour moi, cela fait sens de travailler pour Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan après avoir été au service de feu le cheikh Hamdan bin Rashid Al Maktoum, lui aussi grand mécène de la filière du pur-sang arabe. Mon premier cheval, quand j’étais adolescent, fut une jument arabe. Cette race a toujours constitué un véritable passeport tout au long de ma carrière professionnelle. Dès le début des années 1990, j’ai ainsi découvert les pays du Golfe. Mais le pur-sang arabe m’a aussi permis de découvrir les régions les plus belles et les plus reculées de France ! Pendant longtemps, il y a eu un certain snobisme, et les pur-sang arabes n’étaient pas très bien vus par une partie du monde des pur-sang anglais. Quand on voit l’importance que les propriétaires du monde arabe ont prise partout dans le monde, beaucoup ayant une culture du pur-sang arabe au départ… On peut dire que les courses leur doivent énormément ! La France a toujours offert une place de choix aux pur-sang arabes. La confiance et les investissements de grands éleveurs-propriétaires comme Son Altesse le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan sont un réel signe de confiance pour notre filière. Je tiens enfin à souligner la qualité du travail de Martial Boisseuil, son expertise ayant permis de constituer un élevage de pur-sang arabes sans équivalent sous la coupe du cheikh Mansour. Enfin, je dirais que le pur-sang arabe de course a un grand avenir. Le programme est très fort dans le Golfe, notamment à Abu Dhabi. On voit par ailleurs que l’Arabie saoudite est aussi en train de développer une offre considérable pour faire carrière avec ces chevaux…