LA RUBRIQUE JURIDIQUE ET FISCALE – TÉTIÈRE ASAP ASSURANCES
LE PACTE DUTREIL DANS LES ENTREPRISES ÉQUINES
Par Lorène Chauvelier, juriste experte en droit équin, rural, affaires et fiscalité au sein du cabinet Inscio Avocats
Tout chef d’entreprise, à un moment donné de sa carrière professionnelle, se pose inévitablement la question de la transmission de son entreprise. Celle-ci peut se faire de manière onéreuse à un tiers ou à un membre de la famille, ou bien être transmise à titre gratuit, par exemple à travers une donation ou une succession. C’est dans cette seconde hypothèse que le pacte Dutreil entre en jeu.
Le régime Dutreil est un dispositif fiscal destiné à favoriser la transmission d’une société exerçant une activité opérationnelle en faisant bénéficier la transmission des titres, par donation ou succession, d’une exonération de droits de mutation à concurrence de 75 % de la valeur des titres, à laquelle peut s’ajouter une réduction de droits de 50 % en cas de donation en pleine propriété.
Le dispositif est un avantage fiscal accordé aux transmissions à titre gratuit de titres de sociétés (parts sociales ou actions) ou d’entreprises individuelles ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Ainsi, il n’est pas possible d’utiliser ce dispositif au sein d’une société civile immobilière ou d’un groupement foncier agricole.
À titre d’exemple : une société agricole ayant pour objet social l’élevage de chevaux est composée de deux associés, M. et Mme A. Après évaluation de l’entreprise, celle-ci est estimée 2 millions d’euros, soit 1.000 parts sociales à 2.000 euros. Leur fille, Mme B, souhaite reprendre l’entreprise familiale. À cette occasion, M. et Mme A. envisagent de lui donner 50 % des parts sociales, soit une valeur d’un million d’euros.
• Sans utilisation du dispositif Dutreil : la donation de 50 % des parts sociales entraînera un paiement des droits de donation d’un montant de 156.388 euros (500.000 euros par parent – abattement de 100.000 euros par parent).
• Avec utilisation du dispositif Dutreil : application d’un abattement de la somme de 750.000 euros. L’administration fiscale va retenir la somme de 250.000 euros pour calculer le paiement des droits de donation, soit 125.000 euros par parent – abattement de 100.000 euros. La donation des parts sociales entraînera un paiement des droits de donation d’un montant de 6.388 euros, auxquels nous pourrons appliquer un abattement de 50 % (article 790 du CGI), soit un montant final à payer de 3.194 euros.
Ainsi, vous comprenez que ce dispositif est particulièrement intéressant. Cependant, pour qu’il puisse s’appliquer, il est nécessaire de remplir certaines conditions (pour les sociétés personnes morales), à savoir :
– Un engagement collectif de conservation des titres pendant deux ans par le défunt ou le donateur pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés, ou par une personne seule pour elle et ses ayants cause à titre gratuit. Cet engagement doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote (pour les sociétés non cotées) ;
– Un engagement individuel de conservation doit suivre l’engagement collectif lors de la transmission des titres, chaque héritier, donataire ou légataire doit prendre dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, l’engagement individuel de conserver les titres transmis pendant une durée minimum de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif ;
– L’un des associés signataires de l’engagement collectif de conservation ou l’un des donataires, héritiers ou légataires doit exercer dans la société, pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale s’il s’agit d’une société de personnes (visée aux articles 8 et 8 ter du CGI) ou une fonction de direction (énumérée au 1° du 1 du III de l’art 975 du CGI).
Si vous êtes intéressés par ce mécanisme, n’hésitez pas à prendre contact avec votre avocat, expert-comptable ou notaire, afin de savoir si celui-ci peut s’appliquer à votre situation.