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samedi 22 février 2025
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KOPEK, LE MEILLEUR DES BORDES

LE MAGAZINE

KOPEK, LE MEILLEUR DES BORDES

La souche des Bordes de la famille Hanquiez fait référence dans l’élevage des sauteurs. Avec Kopek des Bordes, elle a peut-être sorti son meilleur produit à ce jour. L’histoire de cette lignée maternelle est intimement liée à celle de l’obstacle français et à sa capacité à continuellement faire émerger de nouvelles souches…

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

L’élevage des sauteurs est compliqué. Pour tenir la distance, il faut avoir de la patience et du courage ! Mais en contrepartie, c’est aussi un exercice où les éleveurs inspirés et/ou chanceux peuvent tirer leur épingle du jeu : entre un tiers et un quart des FR du top 100 anglo-irlandais, selon les années, sont issus de souches relativement nouvelles dans le monde de l’obstacle (c’est-à-dire avec des sauteurs sur deux générations ou moins). Car il n’y a pas de « race » de sauteurs fixée et imperméable à toute influence venue du plat. En d’autres termes, il se crée assez régulièrement de nouvelles souches pour l’obstacle. L’un des meilleurs exemples récents est celui de Lossiemouth (Great Pretender) dont le papier maternel est 100 % plat. De même, Live Conti (Cokoriko), invaincu en deux sorties et brillant mercredi à Wetherby, a un papier maternel théoriquement hors sujet. Leur point commun, outre la qualité reconnue de leur père, vient du fait que ces deux sauteurs ont été élevés par des éleveurs en pleine réussite – la famille Madamet (avec Ian Kellit) pour l’un et Patrick Joubert pour l’autre – qui ont su valoriser des « laissées-pour-compte » du plat. Qui sait, peut-être nous rendrons-nous compte dans dix ou vingt ans que Lossiemouth et Live Conti ont été le point de départ d’une grande souche d’obstacle ? Car dans l’histoire, c’est finalement quelque chose d’assez courant…

Le point de départ (modeste) d’une grande lignée

Dans l’interview qu’il nous avait accordée au mois de décembre dernier, Richard Corveller a détaillé le long processus qui lui a permis de créer un élevage solide à partir de juments ayant des performances sur les obstacles… mais pas forcément le papier pour ! Dans un autre style, la genèse de la famille de Kopek des Bordes (No Risk At All) est aussi riche d’enseignements. Ce pensionnaire de Willie Mullins, invaincu en trois sorties et brillant lauréat du Tattersalls Ireland Novice Hurdle (Gr1) le 2 février, est le grand favori du Supreme Novices’ Hurdle (Gr1) lors du festival de Cheltenham. Dans les deux premières générations du pedigree de Kopek des Bordes, il y a dix-sept black types sur les obstacles, dont Risk Belle (elle aussi par No Risk At All), une lauréate du Glasscarn Handicap Hurdle (Gr1) élevée par Patrick Joubert (dont on reparlera plus loin) et Paul Couderc.

Pour autant, au départ, l’origine des « Bordes » n’avait rien d’extraordinaire. La jument de base, la pur-sang Pampasha (Pampered King), venait certes d’une grande maison anglaise (Limestone Stud) et sa mère était par Hyperion (Gainsborough). Mais elle était aussi et surtout issue d’une souche classique en train de s’éteindre, avec rien de significatif sur deux générations après avoir (entre autres) connu la réussite chez Eugène Adam. C’est là que le petit miracle intervient. Nous sommes en début de saison 1973. Jean Gleizes achète Pampasha pour la famille Hanquiez dans une course à réclamer pour 3ans sur 2.000m à Saint-Cloud. La suite est assez formidable car Pampasha va devenir une très bonne jument de tenue dans les gros handicaps de province (elle est même mentionnée comme placée de stakes dans les archives). En fin de carrière, après cinq victoires en plat en soixante-dix-huit sorties, Pampasha a aussi remporté trois courses sur les obstacles (ce qui n’apparaît pas sur France Galop). L’aptitude a parlé.

Du trot au galop

Gérard Hanquiez se souvient : « Mon père a été bercé par le trot [discipline où il avait élevé des chevaux de premier plan, ndlr]. C’est donc ma mère qui a pris sa casaque au galop. Mais depuis toujours, chez nous, les deux races sont élevées ensemble et de la même manière ! Dans les années 1970, mes parents étaient amis avec Alfred Lefèvre [l’homme aux 1.000 chevaux, le plus grand marchand de l’histoire du cheval dans notre pays, ndlr] qui leur a fait rencontrer l’entraîneur de talent Jean Gleizes. D’où l’achat de Pampasha qui a fait le tour de France des hippodromes de province. » Un peu plus tard, il s’avère que Pampered King (Prince Chevalier) – le père de Pampasha – était aussi celui de Deep Run (Pampered King), quatorze fois tête de liste des pères de gagnants sur les obstacles anglo-irlandais. Mais cela bien sûr, personne ne le savait lorsque Pampasha est partie à la saillie à l’âge de 10ans. Ses deux premiers produits ont été très décevants. Le troisième Miss CrèvecÅ“ur (Carmarthen) devait montrer quelque chose le matin car elle a débuté (sans succès) dans le Prix Wild Monarch (L). Suite à cet effort, elle a mis beaucoup de temps à gagner sa course (sur les haies de Dieppe). Deux autres ont remporté de petites courses en plat, dont Miss Récitation (Récitation), lauréate d’un handicap sur 3.000m à Dax en 31 de valeur : «… mais en battant El Triunfo (ÃŽle de Bourbon) ! Même s’il faut avouer qu’il était alors en fin de carrière. » Malgré son profil très « moyen », les Hanquiez ont décidé de conserver cette Miss Récitation à l’élevage : « Probablement car elle était la fille d’une bonne jument de course. C’était tout simplement notre seule jument pur-sang anglais. Nous voulions garder l’origine… Prenant la suite de mes parents, j’ai fait saillir Miss Récitation. Ayant gagné une saillie de Garde Royale (Mill Reef), elle est allée à cet étalon d’où Gamine Royale (Garde Royale), son deuxième produit. »

Les bonnes rencontres

Nous parlions d’endurance et de patience en début d’article. Et justement, Gérard Hanquiez n’en a pas manqué car au départ, c’est peu dire que personne ne l’attendait avec son élève : « La pouliche n’avait rien d’extraordinaire et personne n’en voulait. On m’a alors suggéré de rendre visite à Rémi Cottin. Je suis donc allé le voir avec Gamine Royale. Il ne l’a pas trouvée belle, mais il l’a tout de même essayée en souvenir de mon père qu’il avait bien connu [Rémi Cottin était très lié à Alfred Lefèvre, ndlr]. La suite, c’est une histoire de confiance. Rémi Cottin a géré en bon père de famille et en toute autonomie la pouliche. C’est ainsi que Gamine Royale a gagné le Prix Sagan (alors Listed)… Plus tard, elle s’est fracturé le genou. Le vétérinaire voulait abréger ses souffrances. Mais Rémi Cottin l’a sauvée et il m’a proposé de la prendre comme poulinière. Je lui suis donc infiniment reconnaissant, tout comme à son fils et à son épouse, ainsi qu’à la famille Lefèvre. Nous avons eu énormément de chance de tomber sur ces personnes. »

L’explosion de la souche

La suite de l’histoire, vous la connaissez, et à partir de la descendance de Gamine Royale, les Hanquiez ont sorti énormément de bons chevaux sous l’affixe « des Bordes », souvent issus d’étalons de premier plan (Network, Lavirco, Voix du Nord, Cadoudal)… On a vu plus tôt la belle affinité de la famille avec No Risk At All. Ce fut aussi le cas avec Antarctique (Sadler’s Wells) d’où Olivia des Bordes (Prix Rigoletto, L), Utopie des Bordes (Prix Maurice Gillois, Gr1), Victoire des Borde (Prix Jean Stern, Gr2)… Gérard Hanquiez explique : « Antarctique était tout simplement l’étalon de Rémi Cottin qui nous a beaucoup conseillés ! C’était un petit cheval et notre poulinière aussi… Pourtant, cela a formidablement bien fonctionné. Par le passé, je faisais les croisements avec mes parents. Et aujourd’hui avec mon fils qui a pris le relais au niveau de l’élevage car j’ai pris ma retraite en 2011. » Avec une dizaine de poulinières (trois pour le trot et sept pour l’obstacle), les Hanquiez ont réussi le tour de force de continuer à sortir en parallèle des trotteurs de premier plan comme Lutin des Bordes (Bilibili) qui a gagné le Prix Gai Brillant (Gr2) – avec la casaque de Patrick Joubert – ou encore Cyprien des Bordes (Ouragan de Celland), lauréat du Prix des Élites (Gr1).

L’obstacle sourit aux opportunistes

En France, énormément d’éleveurs sont convaincus que nos souches (françaises) apportent une plus-value. Et c’est probablement vrai, dans le sens où les familles sélectionnées avec succès dans le programme français, quel que soit leur stud-book, semblent avoir un impact significatif. Dans ce fameux top 100 des trois dernières saisons anglo-irlandaise que nous avons étudiées sous tous les angles, entre 66 et 77 % des FR sont issus de famille avec des performances en obstacle sur trois générations ou plus dans leur pedigree maternel. Et la proportion de « purs pedigrees d’obstacle » semble être en progression d’une année sur l’autre. Pour autant, il est difficile d’en faire une religion. Le jeu n’est pas aussi fermé qu’il n’y paraît et on voit quand même toujours émerger un nombre significatif de nouvelles familles, chaque bon sauteur avec un papier maternel venu du plat représentant l’opportunité de démarrer une lignée. Pascal Deshayes a ainsi conservé à la reproduction une sœur de son tout bon Sir Gino (It’s Gino), dont la deuxième, par Jeune Homme (Nureyev), était black type sur 1.200m. Rendez-vous dans dix ou quinze ans pour voir si la page s’est noircie sur les obstacles !

L’élevage a ceci de passionnant que nos convictions sont en permanence mises à l’épreuve dans un sport sans cesse en renouvellement. Parfois, on peut penser avoir trouvé la pierre philosophale ! Sauf que cette supposée martingale est le plus souvent une heuristique de jugement, un de ces raccourcis cognitifs qui nous permettent de simplifier une situation afin de prendre des décisions plus rapidement. Ce qui nous conduit parfois à des erreurs faute d’interroger les évidences. Ainsi, on peut parfois lire que notre botte secrète, à nous Français, vient des étalons ayant gagné en obstacle. La réussite de ces derniers au haras est incontestable, mais à l’échelle d’une population, ils ne représentent (pour l’instant) qu’un FR gagnant de Gr1 sur quatre à Cheltenham sur la décennie passée. Ce n’est pas rien, et même si cette proportion va automatiquement progresser (vu le profil des nouveaux étalons depuis quelques années) cela reste minoritaire…

Interroger nos croyances

Outre-Manche, par le passé, la réussite des FR intriguait de manière positive le microcosme de l’obstacle anglo-irlandais, dans le sens où elle apportait un peu d’exotisme dans ce sport. Mais depuis au moins une décennie, près de 40 % des sauteurs du top 100 anglo-irlandais viennent de France. Et désormais, cela n’amuse plus personne. Tout simplement parce qu’il y a des conséquences commerciales. Au moment où la base des éleveurs anglais et irlandais souffre, on a vite fait d’accuser les Français. On a même vu – dans la presse britannique – apparaître une proposition de taxation sur les importations de FR. Du protectionnisme, on croit rêver !

Quoi que l’on en pense, le sujet déchaîne les passions. Il fait parfois naître des analyses brillantes, comme l’étude de Bryan Mayoh à paraître ce vendredi soir dans les colonnes de The Irish Field. Mais il y a aussi d’autres analyses qui (vues de France) sont moins convaincantes. Victor Sheahan, par exemple, liste les sept facteurs qui expliquent selon lui la réussite française dont : « La solidité et la robustesse apportées par les juments AQPS. » Ainsi Victor Sheahan utilise cet argument dans un papier qui illustre le brillant début de carrière au haras de Goliath du Berlais (Saint des Saints), un jeune sire dont seulement un des dix-sept gagnants à ce jour n’est pas un pur-sang anglais ! C’est donc un peu court dans ce cas précis.

De fait, si les AQPS apportent leur pierre à leur édifice, leur contribution est minoritaire. Cette année, ils ont même un petit passage à vide car ils ne représentent qu’un quart des FR du top 100 anglo-irlandais (selon les ratings). Mais si on regarde les trois dernières saisons, les demi-sang français correspondent quasiment au tiers des français de naissance de ce top 100 (les deux autres tiers, c’est-à-dire la majorité, sont donc des pur-sang anglais). C’est un taux de réussite relativement logique car on estime en général que les AQPS représentent grosso modo un tiers des naissances de sauteurs en France. 

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