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mardi 25 février 2025
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EDWIGE LE MÉTAYER, EN PARTAGE

DANS LE QUOTIDIEN DE L’ÉLEVEUR

EDWIGE LE MÉTAYER, EN PARTAGE

En 25 ans à la tête du haras du Buff, où sont nés tant de chevaux de Groupe en plat comme en obstacle, Edwige Le Métayer s’est forgé un savoir encyclopédique sur l’élevage. Cette masse de connaissances, elle ne l’a pas apprise dans les livres, mais heure après heure, au haras, en observant, en écoutant, en éprouvant les choses…

En pleine saison de poulinages, elle a bien voulu confier aux lecteurs de Jour de Galop un peu de son immense expérience, ce dont nous la remercions vivement car son témoignage est précieux. Et frappé du bon sens paysan – ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de la part d’une maîtresse-femme née près du Trocadéro, à Paris !

Adeline Gombaud

ag@jourdegalop.com

Cette femme a eu mille vies. Jeunesse parisienne, mariée à tout juste dix-huit ans à l’une des figures du courtage et de l’élevage français trop tôt disparue, Pierre-Charles Le Métayer, mère de trois enfants alors qu’elle n’avait pas vingt-cinq ans, et désormais directrice de haras… Edwige Le Métayer ne se destinait pas à l’élevage. La vie en a décidé autrement, et trente-cinq ans après avoir emménagé au haras du Buff, dans l’Orne, elle ne regrette rien : « Je me suis mariée jeune avec Pierre-Charles, un homme brillant, tour à tour écrivain de livres pour enfants, courtier, représentant en France pour Tattersalls, commissaire-priseur, directeur de haras… Jusqu’à ce qu’il décide, un peu sur un coup de tête, de louer le haras du Buff, s’associant dans l’aventure avec Yan Houyvet et Florent Couturier. Il aimait trop les chevaux pour ne pas vivre au quotidien avec eux. C’était en 1988. J’élevais mes trois enfants, et je dépannais au haras quand on avait besoin de moi. C’était une autre époque, et les femmes n’avaient pas vraiment leur mot à dire. Je ne m’en plains pas : j’ai vécu des années très heureuses. Puis Pierre-Charles est tombé malade, bien trop jeune. À son décès, j’ai pris les rênes du haras : que pouvais-je faire d’autre ? J’ai eu la chance que les clients m’accordent leur confiance. C’était il y a vingt-cinq ans. J’estime n’avoir rien fait d’extraordinaire, mais je suis fière aujourd’hui que l’entreprise soit saine ! » Ce qu’Edwige ne dit pas, c’est qu’elle a acquis au fil des ans une expertise telle qu’on pourrait le croire tour à tour vétérinaire ou ingénieur agronome… « Je ne suis rien de tout cela, je suis seulement éleveur ! Pendant la maladie de mon mari, alors que je gérais le haras, les enfants… On me demandait comment je m’en sortais. Je crois qu’on ne se rend pas compte de ses ressources tant que l’on n’est pas confronté à des situations compliquées. »

Des dessins sur catalogue à la réalité du terrain

Observation, expérience, bon sens paysan : Edwige Le Métayer s’est forgée sa méthode, et on pourrait passer des heures à l’écouter raconter son quotidien d’éleveur, particulièrement chargé en cette période de poulinages et de saillies… « J’ai beaucoup appris auprès de mon mari, en l’accompagnant aux ventes d’abord. Pierre-Charles était très vigilant sur les aplombs, et je me souviens qu’il me dessinait les aplombs de chaque cheval que nous regardions sur sa page de catalogue – il dessinait merveilleusement bien ! J’en ai gardé une certaine exigence sur le suivi de maréchalerie pour les foals… »

Ses yeux sont devenus sa boussole. « Tous les matins, ma journée débute à 5h. Je tiens à nourrir moi-même mes juments. Parce que chacune a ses habitudes, et en venant les voir chaque matin à la même heure, on peut déceler les changements qui annoncent l’imminence d’un poulinage, une maladie… Je regarde évidemment tout particulièrement les mamelles, mais pas uniquement celles des juments proches du terme. Nous faisons vraiment un métier d’observation. Il y a quelques semaines, cette routine m’a permis d’anticiper une placentite sur une jument… Elle a finalement pouliné avec un mois d’avance d’une crevette de 31 kilos, mais qui se porte remarquablement bien malgré cette prématurité ! Son check-up complet (examens radiographies, prise de sang) l’atteste. Et elle a pris onze kilos en dix jours ! »

Mieux vaut prévenir…

La journée se poursuit avec la sortie des juments et de leurs foals dans les herbages, mais là aussi, Edwige ne laisse rien au détail. « Chez moi, les foals ne sortent pas avant une semaine. Et ensuite, ils sont systématiquement rentrés pour midi, avant de ressortir l’après-midi. Je ne veux pas qu’ils galopent trop derrière leurs mères. Dès le mois de mai, ils sont 24h/24 dehors. Je ne dis pas que c’est la vérité, mais depuis plusieurs années que je pratique ainsi, les radios de contrôle des jeunes yearlings sont bien meilleures qu’elles ne l’étaient auparavant. Durant la première semaine de vie de leurs foals, les juments sortent cinq ou dix minutes seules dans un paddock sécurisé, sous surveillance. En galopant, cela leur permet de « nettoyer » en quelque sorte leur utérus, et évite bien des infections. Une jument qui a pouliné sans souci, dont l’utérus apparaît propre au contrôle du vétérinaire, avec de beaux follicules, a toutes les chances de remplir dès sa chaleur de lait… Je suis assez partisane de les saillir à ce moment-là, avec les haras qui acceptent les juments sur leur chaleur de naissance évidemment… »

Au Buff, l’alimentation est maison. À l’encontre de certaines idées reçues, Edwige Le Métayer préfère l’enrubanné au foin. Un fourrage fait maison : « Les juments adorent l’enrubanné. Attention, c’est différent de l’ensilage ! On est à 27 % d’humidité. Nous le produisons sur place, et le grand avantage, c’est qu’en deux jours seulement, c’est fané, andainé et bottelé. On est donc beaucoup moins dépendant de la météo qu’avec le foin. On le fait au mois de mai, et le regain sur ces prairies offre un herbage de choix aux chevaux Tous les ans, nous faisons une transhumance entre les prairies d’été et celles d’hiver. En plus du repos que cela offre aux surfaces, les chevaux sont habitués à monter dans un camion dès leur plus jeune âge… »

Micro-sieste… et verre de blanc !

La vie d’éleveur est faite de hauts et de bas, Edwige Le Métayer le sait bien. Une jument qui colique et ne survit pas à la chirurgie, un orphelin qu’il faut nourrir au seau… « J’ai eu le cas pour ce poulain de No Risk At All que nous avons vendu lors de la dernière session d’automne Arqana. Pendant des semaines, j’ai dû le nourrir au seau chaque nuit, toutes les demi-heures, puis toutes les heures… Avec le recul, je me demande comment j’ai trouvé l’énergie ! » Pour surmonter ces nuits entrecoupées de poulinages, parfois suivies de longues heures de camion pour emmener les juments à la saillie, Edwige Le Métayer a quelques secrets : « Volontairement, je n’ai pas de télévision chez moi, parce que je dois être au lit à 21h ! Mais attention, je ne suis pas une sainte : je ne dis pas non à un petit verre de blanc le soir, que je bois parfois avec quelques Tuc dans un bain chaud ! Si je me suis levée en pleine nuit et que je dois prendre mon camion le matin, je fais une micro-sieste de quinze minutes et je suis repartie… Mes fils ne comprenaient pas pourquoi je continuais à amener moi-même les juments. Je leur ai expliqué que cela me permettait de discuter avec l’étalonnier, avec le directeur du haras, de poser des questions, de continuer à apprendre… Les échanges humains, c’est important ! Quant aux poulinages, je tiens à y participer… sauf pendant la semaine de Cheltenham, pendant laquelle je me fais remplacer ! J’ai la grande chance de pouvoir compter sur une super équipe. »

Et la poulinière mangea son mash…

Mercredi, Edwige prendra son camion pour le haras de Cercy. Lundi, sa journée a commencé à 3h du matin par le poulinage de l’une de ses juments de cœur, Milu Has. « Chaque année, elle nous invente une coquetterie. Lundi, son foal s’est présenté sur le dos. Quand j’ai vu les antérieurs pointer vers le ciel, j’ai appelé le vétérinaire. Je ne veux pas retourner un foal dans le ventre de sa mère moi-même, je ne suis pas vétérinaire ! Dans les quinze minutes d’attente entre l’appel et son arrivée, nous avons marché la jument sur la pelouse, devant son box, alors que l’on préparait les seaux d’eau chaude, les longes etc. Si j’avais vingt ans de moins, je mettrais de la pelouse devant chaque box de poulinage ! Pour éviter qu’elles ne poussent quand cela se passe mal, il faut les faire marcher. Mais parfois, la douleur les oblige à se coucher, et plutôt violemment. Sur le bitume, c’est catastrophique. Sur l’herbe, c’est bien plus confortable. Milu Has a pouliné dehors, en toute sécurité. Le vétérinaire avait bien plus de place pour officier et mes petits-enfants, que je garde en cette période de vacances, étaient ravis d’aider à sécher le foal avec des serviettes ! Les poulinages, cela reste une période anxiogène. Mais les outils comme Easyfoal, un capteur que l’on positionne sur la queue de la jument, nous facilitent vraiment la vie. Quand tout se passe bien, en deux heures on est de retour dans son lit ! » Sa définition du bonheur ? « Quand le foal est levé, a tété sa mère, a fait son méconium et que la jument mange son mash avec appétit. Un bruit dont je ne me lasse pas… »

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