PIROPLASMOSE : UN VRAI ENJEU ÉCONOMIQUE
Maladie endémique en France bien qu’hétérogène dans sa répartition, la piroplasmose, outre son aspect purement pathologique, peut avoir des répercussions importantes sur le plan économique. En effet, nombreux sont encore les pays qui refusent de faire entrer sur leur territoire des chevaux dits positifs à la piroplasmose. C’est le cas des États-Unis, du Japon, ou encore de l’Australie, pour ne citer que ces grandes destinations de nos pur-sang… Le docteur Pierre-Hugues Pitel (Directeur Pôle Santé, LABEO) fait le point sur cette maladie parasitaire.
Une appellation, deux parasites
« On parle de piroplasmose au singulier mais on devrait parler de piroplasmoses équines au pluriel. En effet, deux parasites distincts, Babesia caballi et Theileria equi, sont responsables des piroplasmoses.
Babesia donne un tableau clinique très caractéristique, avec de fortes fièvres, des œdèmes des membres, un ictère, des urines marron… En revanche, un traitement par simple dose de Carbesia©, à une ou deux reprises, permet généralement d’éliminer entièrement le parasite.
Theileria donne des symptômes plus discrets, comme un petit épisode de fièvre, une légère anémie, un poil moins beau… Il nécessite un traitement plus fort de Carbesia©, à double dose et à plusieurs reprises, et peut rester dans l’organisme probablement la vie durant, au niveau de la rate ou de la moelle osseuse. À la faveur d’un stress, d’un gros effort, quand le cheval contracte sa rate, il peut remettre en circulation dans son organisme des hématies contaminées. Des deux, Theileria equi est le plus fréquent. »
MÉTHODES ET PRATIQUES VÉTÉRINAIRES
Une maladie qui nécessite un vecteur
« La piroplasmose est transmise par les tiques… mais toutes les tiques ne transmettent pas la piroplasmose ! Une étude menée de concert entre l’école vétérinaire de Nantes et l’Inrae se propose de collecter, identifier et cartographier les espèces de tiques présentes sur les équidés en France. L’une des conclusions de cette étude est que quantitativement, 70 % des tiques collectées sont des vecteurs potentiels de la piroplasmose, et que ces espèces sont présentes sur près de 90 % des sites étudiés. »
Un diagnostic en laboratoire
« Pour diagnostiquer la piroplasmose, on recherche :
– soit le parasite lui-même ou son génome : ce sont les tests PCR ou l’étude des frottis sanguins qui permettent de mettre en évidence des piroplasmes dans les hématies ;
– soit les anticorps développés par le cheval contre ces parasites, par différentes méthodes (par la méthode de fixation du complément, par l’immunofluorescence indirecte ou par des techniques Elisa). À l’exception de l’Elisa, ces méthodes sont dites de dilution : pour faire simple, on dilue le sérum de plus en plus et on recherche la présence des anticorps à différents degrés de dilution. Si l’on trouve à la dilution la plus faible, c’est qu’il y a un nombre très élevé d’anticorps. »
Des barrières à l’exportation
« Les États-Unis, le Japon, la Chine, l’Australie, les pays du Maghreb, la Russie, le Canada ou encore le Mexique interdisent l’importation de chevaux positifs à la piroplasmose. Les tests diffèrent selon les pays. Les États-Unis demandent par exemple des sérologies négatives par trois méthodes différentes. Le Japon demande une sérologie, un PCR et un frottis négatifs. Face à ces contraintes, certains sont tentés d’essayer de « blanchir » un cheval. Cette technique sans fondement scientifique, qui consiste en un traitement de façon rapprochée et à des doses importantes de Carbesia©, présente deux gros risques. Le premier concerne la santé du cheval : ces traitements sont loin d’être anodins, et peuvent provoquer notamment des coliques importantes. Le second est d’ordre collectif. Dans le cas où la sérologie revient négative suite à ce traitement choc, la négativité n’est que provisoire. Si bien que le cheval, une fois arrivé à sa destination finale, peut être testé positif. Avec le risque d’arrêt des échanges entre les deux pays ! Sans parler des frais pour le rapatrier, à la charge du vendeur. »
La sensibilité des tests en question
« Pour les sérologies des autres maladies, un sérum de référence existe, ce qui permet aux laboratoires d’analyse d’étalonner leur sensibilité. Pour les piroplasmoses, cette standardisation n’existe pas. Si bien que dans le cas de chevaux faiblement positifs, il se peut que la sérologie soit positive dans un laboratoire, et négative dans l’autre. L’analyse sérologique par immunofluorescence consiste en l’observation à l’œil de lames. Et l’œil humain induit forcément un biais, même s’il est très exercé puisque l’on traite à Labeo plus de 7.000 tests par an. Ces cas douteux ne concernent qu’une partie minoritaire des analyses. Mais nous sommes conscients des enjeux économiques qui se jouent à ce moment-là . Nous avons établi des collaborations avec un laboratoire japonais reconnu comme le laboratoire de référence international sur des techniques qui pourraient permettre un calibrage international de ces tests. »