PHILIP KIRBY SE TESTE À CAGNES… AVANT DE S’INSTALLER EN FRANCE ?
C’est un jeune entraîneur aux 1.000 vies, des lévriers au football, de l’obstacle au plat. Comme beaucoup d’entraîneurs avec un effectif de taille moyenne en Angleterre, Philip Kirby se pose des questions sur son avenir. Outre-Manche, l’équation économique est devenue insolvable pour cette catégorie. L’Anglais participe pour la première fois au meeting de Cagnes-sur-Mer et il réfléchit fortement à s’installer en France, ne serait-ce que par l’intermédiaire d’une antenne.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Ses chevaux ont besoin de temps pour s’adapter
Les pensionnaires de Philip Kirby n’ont pour l’instant pas brisé la glace sur la Côte d’Azur, affichant deux sorties dans l’argent sur huit partants. Le professionnel du nord de l’Angleterre nous a confié : « C’est la première fois que je fais le meeting de Cagnes-sur-Mer. Je suis venu avec des chevaux de valeur modeste et moyenne pour prendre la température et voir quel niveau d’animaux j’ai besoin pour être compétitif en France. Mes pensionnaires ont clairement besoin de courir pour faire leur valeur. Une fois qu’ils auront décroché leur valeur handicap, ils auront de bonnes opportunités ici. Mais certains, comme Casa Luna (Starspangledbanner) m’ont surpris en faisant mieux que prévu [cinquième d’un réclamer, ndlr]. Je crois qu’il y a des chevaux qui s’améliorent en découvrant le rythme moins sélectif des courses françaises. Je suis venu avec Spirit Catcher (New Bay), qui a une certaine qualité [il est pris en 38 de valeur en Angleterre, ndlr] et qui est engagé dans une Classe 1 à Cagnes-sur-Mer. On va voir quel sera son comportement, mais c’est assurément plutôt un cheval de gazon. J’ai demandé une licence provisoire de quelques mois. J’essaye de voir ce qu’il serait possible de faire en France, comme avoir une cour satellite par exemple. Je pense qu’un certain nombre d’entraîneurs britanniques sont tentés par le fait de venir prendre la température dans votre pays. Tout simplement parce qu’économiquement parlant, même si vous gagnez des courses, la situation est intenable si vous n’êtes pas un gros acteur du système anglais. J’ai 90 chevaux à la maison, un tiers pour le plat, un tiers pour l’obstacle et un tiers à l’élevage. Nous essayons d’être sur tous les fronts pour tenir le coup et saisir toutes les opportunités. »
Tenter quelque chose pour survivre
Adam West, la trentaine, s’est installé à Maisons-Laffitte il y a peu, car malgré sa victoire de Gr1 assez récente, il ne voit aucun avenir à son écurie en Angleterre. Plusieurs entraîneurs anglais et irlandais de taille significative sont en train de faire les démarches pour s’installer partiellement ou totalement en région parisienne. Philip Kirby n’est donc pas un cas isolé. Il est installé dans le Yorkshire, c’est-à-dire le nord de l’Angleterre, une région au climat âpre et située à la même latitude que le sud du Danemark. Mais c’est aussi l’endroit où il y a le plus d’hippodromes en Grande-Bretagne. Du Yorkshire à Cagnes-sur-Mer, la route est longue, mais Philip Kirby n’a pas peur de tenter des choses : « L’hiver dernier nous sommes allés à Bahreïn. C’était une super expérience mais il n’y avait pas assez de courses pour les chevaux étrangers et les coûts étaient élevés. En Angleterre, les gros entraîneurs grossissent et les autres sont dans l’impasse. Nous, professionnels de taille moyenne, n’avons d’autre choix que de tenter autre chose. Car face à l’augmentation des coûts, les propriétaires perdent la foi. Venir courir en France pendant l’hiver, c’est offrir quelque chose de différent à ma clientèle qui a réagi très positivement à cette possibilité. Il faut dire qu’ici, une cinquième place vous permet déjà de rentrer dans une partie de vos frais. C’est inimaginable chez nous. J’ai envoyé une petite dizaine de chevaux et deux membres de mon équipe ici. Je fais les trajets toutes les semaines en avion, ce qui a un coût bien sûr. J’aurais pu venir à Cagnes avec des chevaux d’obstacle également, mais j’ai préféré me concentrer sur ceux de plat pour l’instant. »
Un jeune entraîneur aux multiples talents
Les courses de lévriers sont en train de mourir en Angleterre. Pourtant, c’est un sport qui a beaucoup apporté à la filière hippique. Des entraîneurs comme Mark Johnston ou Vincent O’Brien ont commencé ainsi avant de passer aux chevaux. Philip Kirby explique : « J’ai commencé par entraîner des lévriers avec mon père dans le Lancashire [le comté voisin du Yorkshire, ndlr]. J’ai appris les principes de l’entraînement avec les lévriers. Celui des chevaux de course est très similaire. Bien nourrir ses animaux, les avoir en condition et en bonne santé, choisir ses engagements… c’est la même chose. En parallèle, j’ai joué dans la catégorie des moins de 18 ans au Preston North End Football Club, en espérant devenir joueur professionnel. J’étais bon quand j’étais plus jeune, mais je n’ai pas assez progressé… et tout le monde m’a rattrapé. David Beckham était lui aussi à Preston et nous nous entraînions ensemble. On voyait déjà qu’il était une classe au-dessus de tous les autres. À la maison, nous avions des poneys et je savais monter à cheval. J’ai donc postulé pour un emploi chez Freddy Murphy à Middleham. J’avais 19 ans et j’y ai passé trois saisons. Ma première course a été une victoire sur les obstacles à Sedgefield mais j’ai rapidement pris conscience que je ne serais jamais devenu jockey professionnel. J’ai donc effectué un apprentissage de quatre ans pour devenir maréchal-ferrant. Je continue à ferrer un peu aujourd’hui… » Tout en étant maréchal-ferrant professionnel, Philip Kirby a obtenu de très bons résultats dans les point-to-points et même un titre de tête de liste. Cela l’a incité à arrêter ces deux activités pour devenir entraîneur professionnel en 2007. Pippa, son épouse, est aussi son assistante. Mais elle est également une artiste peintre animalière reconnue avec pour thème de prédilection… les chevaux bien sûr ! Philip Kirby a atteint une certaine notoriété outre-Manche grâce à Lady Buttons (Beneficial). Surnommée la « reine du nord », elle est lauréate de sept Listeds et Groupes sur les obstacles entre 2017 et 2020. L’entraîneur conclut : « J’espère en retrouver un ou plusieurs comme elle pour le plat ou pour l’obstacle. J’ai des jeunes à la maison qui montrent quelque chose. Mais je voudrais les faire débuter en Angleterre avant d’établir des plans sur la comète… »