LES RÉGIONS, BAROMÈTRE DE LA SANTÉ DES COURSES
Plus de 10.000 personnes sont attendues dimanche à Pau pour assister au Grand Prix, alors que Vincennes devrait jouer à guichets fermés pour le Prix de Cornulier, avec 22.000 billets vendus. C’est l’occasion de faire le point sur la fréquentation en régions (c’est-à-dire hors hippodromes des sociétés mères) avec Pierre Préaud, le secrétaire général de la Fédération nationale des courses hippiques.
Par Guillaume Boutillon
gb@jourdegalop.com
Jour de Galop. – La fréquentation des hippodromes en régions est-elle un enjeu important pour la Fédération nationale et donc pour les sociétés mères ?
Pierre Préaud. – L’enjeu est très important. La fréquentation des hippodromes traduit l’intérêt que le public, les Français et la société en général portent aux courses hippiques, et à ce titre, c’est un indicateur que nous suivons avec beaucoup d’attention.
Comment se porte la fréquentation sur les hippodromes régionaux ?
Les chiffres de 2024 ne sont pas encore totalement consolidés. En revanche, ils le sont pour la période allant du 1er janvier au 15 septembre 2024, et nous étions aux alentours de moins 7 %. Je pense que le dernier trimestre, avec le gros de l’activité déjà passé, ne devrait pas changer grand-chose. C’est une fréquentation en repli mais qui s’analyse assez facilement. Sur le premier semestre, nous avons eu une mauvaise météo pour la plupart de nos grands week-ends entre Pâques et le 14 juillet, là où se tiennent les belles journées sur tous les petits hippodromes. La mauvaise météo nous a également contraints à annuler ou reporter une soixantaine de réunions. Et là où vous auriez dû faire 2.000 ou 3.000 personnes un dimanche, vous avez couru à une autre date et réuni seulement une centaine de personnes… À l’inverse, durant la période du 20 juillet au 30 août, nous avons une météo nettement meilleure et cela s’est traduit par une hausse de la fréquentation, mais qui malheureusement n’a pas compensé les six premiers mois de l’année. Ce repli de 7 % ne signifie donc pas du tout une désaffection du public ou un désintérêt pour les courses. Cela souligne le fait que les courses sont un loisir d’extérieur et de plein air, et que lorsque la météo n’est pas bonne, les gens viennent moins, ce qui se comprend aisément.
Comment fait-on pour améliorer la fréquentation en régions ?
La Fédération nationale verse, à travers les aides du Fonds commun, des contributions dédiées à la promotion et à la communication. Ensuite, chaque fédération régionale, avec le concours d’Agnès Bazin (directrice marketing et communication filière de la FNCH) et Oisin Hopper (chargé de communication et promotion de la FNCH) décline sa politique pour aider les hippodromes dans leur communication pour attirer le public. Cela passe par plein de vecteurs différents. Il y a tout ce qui va être communication pure à travers les radios, la presse, les sites internet, les réseaux sociaux. Nous les aidons beaucoup là-dessus. Ensuite, il y a toute l’attractivité des courses en elle-même. Une partie du financement octroyé est investie dans la Fête des hippodromes, initiative qui permet de créer un rendez-vous très festif dans la saison. Et cela marche plutôt bien. Notre rôle n’est pas d’agir à la place des sociétés, mais de leur donner à la fois des moyens financiers et une coordination, un soutien technique.
« Je ne pense pas du tout qu’élargir la gratuité à tous les hippodromes soit pertinent »
Plus de 600.000 entrées payantes ont été comptabilisées en 2023. Est-il envisageable un jour de rendre gratuites toutes les entrées sur les hippodromes ? Est-ce pertinent selon vous ?
Pour 2023, nous avons, sur les 220 sociétés de courses régionales, une vingtaine qui pratiquent la gratuité à l’année pour différentes raisons, soit parce que c’est une demande de la collectivité territoriale, soit parce que c’est une tradition bien ancrée. Dans ces deux cas, la gratuité s’entend parfaitement. En revanche, je ne pense pas du tout que l’élargir à tous les hippodromes soit pertinent. Pourquoi ? Parce que je considère que les courses hippiques sont un vrai spectacle et que, dans la plupart de nos hippodromes, une vraie qualité d’accueil et d’animation est déployée. À cela s’ajoute une offre de restauration qui est, dans l’immense majorité des cas, très bon marché. Et il faut surtout rappeler que seuls les adultes payent leur entrée. Donc cela reste un loisir extrêmement accessible. Le tarif d’entrée sur un hippodrome tourne dans la plupart des cas aux alentours de 4, 5 ou 6 €, parfois un petit peu plus. Et souvent ce billet s’accompagne d’un bon à parier ou pour une boisson. Pour moi, la gratuité permanente n’est donc pas pertinente. Quelque chose de gratuit en permanence est dévalorisé et je considère que le spectacle des courses ne doit pas être dévalorisé.
ENTRÉES HIPPODROMES DEPUIS 2000 (hors des 9 hippodromes des sociétés mères)
Entrées payantes | Entrées gratuites | Total | |
2023 | 616 982,00 | 842 326,00 | 1 459 308,00 |
2022 | 543 270,00 | 734 506,00 | 1 277 776,00 |
2021 | 303 306,00 | 377 313,00 | 680 619,00 |
2020 | 238 912,00 | 362 420,00 | 601 332,00 |
2019 | 543 897,00 | 803 111,00 | 1 347 008,00 |
2018 | 552 755,00 | 788 112,00 | 1 340 867,00 |
2017 | 596 738,00 | 797 951,00 | 1 394 689,00 |
2016 | 571 955,00 | 711 764,00 | 1 283 719,00 |
2015 | 636 218,00 | 788 225,00 | 1 424 443,00 |
2014 | 641 228,00 | NC | 641 228,00 |
2013 | 669 685,00 | NC | 669 685,00 |
2012 | 713 970,00 | NC | 713 970,00 |
2011 | 788 280,00 | NC | 788 280,00 |
2010 | 787 108,00 | NC | 787 108,00 |
2009 | 892 908,00 | NC | 892 908,00 |
2008 | 834 061,00 | NC | 834 061,00 |
2007 | 895 998,00 | NC | 895 998,00 |
2006 | 905 345,00 | NC | 905 345,00 |
2005 | 937 497,00 | NC | 937 497,00 |
2004 | 962 540,00 | NC | 962 540,00 |
2003 | 1 007 527,00 | NC | 1 007 527,00 |
2002 | 1 034 322,00 | NC | 1 034 322,00 |
2001 | 1 098 586,00 | NC | 1 098 586,00 |
2000 | 1 171 428,00 | NC | 1 171 428,00 |
La gratuité partout ne permettrait-elle pas d’augmenter et la fréquentation et les enjeux PMH ?
Cette idée est fausse. Nos statistiques montrent que, pour l’ensemble des sociétés qui font l’entrée payante, nous sommes sur une moyenne de l’ordre de 650 entrées par jour de courses, et là où se pratique la gratuité, nous sommes à 750 personnes. Nous sommes donc loin d’avoir deux fois plus de monde sur un hippodrome offrant l’entrée. Surtout, les chiffres montrent que la gratuité n’entraîne pas de hausse de la prise de paris ou des frais de restauration sur l’hippodrome.
Les billets sont aussi une ressource financière pour les sociétés…
Prenons un billet à 5 € TTC. C’est une recette hors taxe de 4 € ou 4,12 €. Les frais d’impression sont assez faibles et, quand ce sont les bénévoles qui assurent le contrôle aux accès, la distribution des tickets et la caisse, vous margez quasiment à 95 %. Si vous pensez que la gratuité va vous permettre de générer une marge supérieure par le fait que le client va investir ces 4,10 € sur un autre marché comme la restauration ou le pari mutuel, vous vous trompez. La marge dégagée sur le pari mutuel ou sur la buvette n’est pas du tout la même, donc vous êtes systématiquement perdants.
« Les prochaines fermetures d’hippodromes devraient être liées à la pression foncière »
23 hippodromes ont disparu en 25 ans. Va-t-on en perdre le même nombre d’ici à 2050 ?
Dans les faits, entre 1975 et 2025, nous en avons perdu 50, soit un par an. Différentes raisons ont pu entraîner ces fermetures. Le non-renouvellement des équipes de bénévoles a notamment provoqué plusieurs fermetures. Aujourd’hui, nous connaissons mieux les situations et sommes plus vigilants. Un plan d’action sur le bénévolat a été mis en œuvre depuis quatre ans et nous devrions déplorer moins de fermetures liées à cela. L’autre raison, plus récente, vient de la pression foncière, beaucoup plus importante qu’avant sur les territoires. Nos hippodromes ont été construits au XIXe siècle en pleine campagne et ils se trouvent maintenant englobés dans des agglomérations. Aujourd’hui, des collectivités nous disent : « Je n’ai rien contre les courses, mais j’ai besoin de surface pour agrandir ma commune. » Ce phénomène est nouveau et a tendance à prendre de l’ampleur. Les prochaines fermetures d’hippodromes, s’il y en a, seront davantage liées à cela.
SUPPRESSION / FUSION HIPPODROME DEPUIS 2000
Sociétés de courses/Hippodromes | Année | Fusion avec | Fédération |
Aire-sur-l’Adour | 2009 | Sud-Ouest | |
Ambrières-les-Vallées | 2011 | Ouest | |
Bazas | 2002 | Sud-Ouest | |
Chalais | 2004 | Sud-Ouest | |
Charroux | 2011 | Ouest | |
Château-Gontier | 2018 | Ouest | |
Combrée | 2018 | Anjou-Maine/Centre-Ouest | |
Dreux | 2018 | La Ferté-Vidame | IdF & Haute-Normandie |
Guemené-Penfao | 2012 | Blain-Bouvron-Le Gâvre | Ouest |
La Barre-en-Ouche | 2004 | IdF & Haute-Normandie | |
Lesparre-Médoc | 2018 | Sud-Ouest | |
Maisons-Laffitte | 2018 | IdF & Haute-Normandie | |
Marans | 2002 | Sud-Ouest | |
Mirande | 2004 | Sud-Ouest | |
Montendre | 2012 | Sud-Ouest | |
Montrevault | 2010 | Anjou-Maine/Centre-Ouest | |
Pons-Bourgneau | 2007 | Sud-Ouest | |
Richelieu | 2014 | Anjou-Maine/Centre-Ouest | |
Saint-Pierre-en-Auge | 2024 | Basse-Normandie | |
Seiches-sur-le-Loir | 2019 | Anjou-Maine/Centre-Ouest | |
Vernon | 2004 | IdF & Haute-Normandie | |
Vesoul | 2023 | Est | |
Vic-en-Bigorre | 2015 | Sud-Ouest |
Le bénévolat dans les courses a été la grande cause de l’année 2023. Où en sommes-nous sur ce sujet ?
Le sujet reste toujours sensible. Ce qui change, c’est que les présidents et les bénévoles ont désormais bien conscience de l’importance de renouveler les équipes et d’intégrer de nouvelles personnes. Le plan d’action que nous avons mené se poursuit. Nous travaillons beaucoup sur l’organigramme d’une société de courses pour bien expliquer toutes les missions possibles à l’intérieur de l’association. Il ne faut pas être expert en courses pour aller rechercher des sponsors à des partenaires ou pour être un bon trésorier. Un livret d’intégration des bénévoles sera d’ailleurs déployé en 2025.