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VENTES DE FEMELLES : LES ÉLEVEURS ONT CONFIANCE
Le chiffre d’affaires des trois grandes ventes de femelles a dépassé pour la troisième année consécutive la barre de 160 M€ même si le record de 166,35 M€ atteint l’an dernier n’a pas été battu. Il faut se souvenir que le fait marquant de ce segment en 2023 était la vente de pouliches et poulinières pour la restructuration de l’élevage Niarchos à Goffs qui avait apporté plus de 27 M€ pour 37 lots…
Par Franco Raimondi
fr@jourdegalop.com
La France compte pour 30Â %
Cette année le segment a affiché un chiffre d’affaires de 165,95 M€ malgré une offre de 1.645 femelles, la plus restreinte des 10 dernières années si l’on excepte 2020, l’année Covid. Le chiffre d’affaires de 2024 a battu de très peu celui atteint en 2022, mais il faut tenir compte du fait que la valeur de la livre (et donc de la guinée) par rapport à l’euro lors de la vente de Tattersalls December était de 1,2, alors que dans les deux années précédentes, elle était de 1,16. Les 83,82 millions de Guinées de cette année équivalent à 104,77 M€, tandis qu’en appliquant le taux de change de 2022 et 2023, on descend à 102,5. C’est un détail, même si Tattersalls représente 63 % du marché, alors qu’Arqana compte cette année pour 30 %. Goffs, au contraire, est la seule vente qui a baissé, par rapport à 2023 bien sûr, mais aussi de 31,6 % par rapport à 2022, année où Yulong, sous la signature Lucky Vega Syndicate, avait acheté 19 pouliches et poulinières pour 5,62 millions.
LE BILAN DES VENTES DE FEMELLES EN EUROPE
Année | Présentés | Vendus |  % | CA (€) | Prix moyen (€) | Lots à plus d’1 M€ | À Plus de 500 k€ |
2024 | 1.645 | 1.401 | 85,1 | 165.955.062 | 118.454 | 17 | 67 |
2023 | 1.913 | 1.470 | 76,8 | 166.354.776 | 113.166 | 20 | 66 |
2022 | 1.891 | 1.550 | 81,9 | 165.816.020 | 106.978 | 20 | 69 |
2021 | 2.080 | 1.676 | 80,5 | 127.763.317 | 76.231 | 10 | 41 |
2020 | 1.583 | 1.338 | 87,6 | 80.860.062 | 60.433 | 4 | 18 |
2019 | 1.723 | 1.410 | 81,8 | 106.336.603 | 75.416 | 5 | 39 |
2018 | 1.843 | 1.447 | 78,5 | 106.739.079 | 73.765 | 13 | 37 |
2017 | 1.884 | 1.503 | 79,7 | 123.971.087 | 82.842 | 15 | 41 |
2016 | 1.928 | 1.537 | 79,7 | 93.862.065 | 61.068 | 6 | 25 |
2015 | 1.921 | 1.488 | 77,4 | 87.527.424 | 58.822 | 4 | 16 |
Moins d’offre, plus de vendus
La réduction de l’offre a eu pour effet une hausse du taux de vendus à 85,1 % et un prix moyen record qui s’est établi à 118.454 €, soit 4,6 % de plus qu’en 2023 et 10,7 % de plus qu’en 2022. Si l’on compare le prix moyen de cette année avec celui enregistré (sans compter 2020) au cours des huit saisons de 2021 à 2013, la hausse est de 66,9 %, et sur cette période, ont eu lieu trois grandes ventes de dispersion (Paul Makin en 2013, Wildenstein en 2016, et Ballymacoll en 2018). Un indicateur un peu caché est le nombre de femelles qui ont atteint un million d’euros et celles qui ont trouvé preneurs à 500.000 € ou plus. Cette année, dans la première catégorie, elles sont 17, 3 de moins qu’en 2023 et 2022, alors que dans la seconde, elles sont 67, une de plus que l’an dernier et 2 de moins qu’en 2022. Le poids des super-femelles à 500.000 € ou plus est de 71,13 M€, c’est-à -dire que 4,8 % des lots vendus ont représenté 42,82 % du chiffre d’affaires. C’est tout de même moins important qu’en 2023, année où 4,4 % des femelles avaient généré 48,1 % du chiffre d’affaires, et qu’en 2022, année où le même 4,4 % a généré 45,2 % du chiffre d’affaires.
Via Sistina et les prolongations
Le profil des femelles qui font le marché a changé depuis 2021. Les poulinières avec une belle page de catalogue et/ou une carrière de course de haut niveau, tout comme celles qui ont déjà démontré leur capacité à produire, ont toujours leurs supporters, et on trouve encore des éleveurs qui achètent une pouliche et commencent tout de suite à se pencher sur le nom du premier étalon. Mais les acheteurs cherchent maintenant quelque chose de plus, c’est-à -dire la possibilité de jouer les prolongations pour étoffer le CV de leurs femelles et se faire encore plaisir sur les hippodromes. La réussite de Via Sistina (Fastnet Rock) en Australie a joué un rôle important dans cette tendance.
Deauville, décembre 2021
Les pouliches à l’entraînement représentent désormais le haut de gamme dans les ventes d’élevage. En France, c’est à partir de 2021 que ce changement s’est opéré avec 5 femelles vendues à plus d’un million, dont 4 ont continué leur carrière : Rougir (Territories), Grand Glory (Olympic Glory), Purplepay (Zarak), et Speak of the Devil (Wootton Bassett). Une seule a déjà un produit enregistré : c’est Grand Glory qui, après sa victoire dans le Prix Allez France (Gr3) et sa troisième place dans les King George VI and Queen Elizabeth Stakes (Gr1), s’est classée cinquième dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) et sixième dans la Japan Cup (Gr1) pour la casaque du haras de Hus. La pensionnaire de Gianluca Bietolini a été achetée après son second essai à Tokyo par Teruya Yoshida et, en février, elle a pouliné de son premier produit, une pouliche par Bricks and Mortar (Giant’s Causeway).
Le grand achat de Monceaux
Cette année, à Deauville, sur 17 femelles à 500.000 € ou plus, 7 sont des poulinières, et parmi les 10 pouliches, 8 ou 9 resteront à l’entraînement. Le top price des poulinières est revenu à Très Magnifique (Zoffany) qui porte un/e frère/sœur de la lauréate de Gr1 Tamfana (Soldier Hollow). Coolmore a payé 1,4 M€ pour la jument. À Tattersalls, sur les 10 lots millionnaires en Guinées, une seule partira tout de suite pour une carrière de poulinière : Lumière Rock (Saxon Warrior) achetée 1,3 million (1,62 M€) par Narvick International agissant pour Grand Stud, un haras japonais. Les autres vont rester à l’entraînement. Sur les 44 lots ayant atteint 500.000 Gns ou plus, les poulinières pleines sont au nombre de 20, avec un top price à 900.000 Gns (1,12 M€) pour Deadly Nightshade (Justify), demi-sœur de la gagnante de Gr1 Above The Curve (American Pharoah), adjugée pleine de Wootton Bassett (Iffraaj) à l’écurie des Monceaux. La mère de la jeune poulinière de 4ans Fabulous (Galileo) n’est autre qu’une demi-sœur du Champion Sire aux États-Unis Giant’s Causeway (Storm Cat) et de You’resothrilling (Storm Cat) qui a donné 4 gagnants de Gr1. Parmi les 24 autres, on peut imaginer qu’une bonne quinzaine n’a pas encore terminé sa carrière sur les pistes.
La confiance, c’est le mot-clé
Le haut de gamme nous offre l’opportunité de faire des titres et de raconter de belles histoires pour rêver, mais c’est dans le middle market que l’on peut juger de la santé de l’élevage. Les éleveurs ont acheté cette année 312 femelles, soit 22,2 % du total, dans une fourchette comprise entre 100.000 et 490.000 €. Ils ont investi 65,8 M€, soit près de 40 % du chiffre d’affaires. L’an dernier, les femelles dans la même fourchette étaient au nombre de 237, soit 16,1 %, et les investissements ont atteint 50,4 M€, soit 30 % du chiffre d’affaires. La différence est de 15,5 M€, alors que le prix moyen des pouliches et poulinières dans cette portion du marché est resté pratiquement égal, autour de 210.000 €. Soixante-quinze achats de plus, c’est beaucoup. Les éleveurs ont eu le courage de mettre une ou deux enchères de plus que prévu, les vendeurs se sont montrés plus réalistes avec les prix de réserve. L’explication est très simple et vient de la réussite des ventes de yearlings en octobre, qui a stimulé la confiance.