TOUT A COMMENCÉ AVEC UNE (TRÈS MODESTE) JUMENT
On peut naître à Paris et avoir une âme rurale. C’est le cas de Richard Corveller dont le grand-père était agriculteur en centre Bretagne. Son père, Ange Corveller, fut Garde Républicain avant de devenir commissaire de course. Et c’est là que tout a commencé : « À l’époque, la Garde Républicaine avait une écurie de course qui permettait aux officiers de se mesurer face à ceux de Saumur et de Fontainebleau. À Auteuil, c’était un test de bravoure ! Et bien sûr, c’était également une discipline formatrice pour ces hommes de chevaux… » En fin de carrière, comme tous les biens de l’État qui sortent de la propriété publique, Chemin des Dames (River Peace) est donc passé en vente aux Domaines… avec une tendinite. Septième des Prix Champoreau et Géographie, la pouliche avait été acquise par “la Garde” et elle a ainsi gagné quatre courses sous couleurs militaires : « Mon père avait deux hectares en Bretagne. Alors pourquoi ne pas acheter une jument. Il a ainsi acquis Chemin des Dames pour une poignée de cerises. » Cette jument avait un certain nombre de choses contre elle. Son père River Peace (Le Levanstell) était un vrai 2ans sur 1.000m en Angleterre, ayant fait une carrière d’étalon anonyme au haras de Sai du célèbre Maurice O’Neill. Sa mère, par le brésilien Emerson (Coaraze), avait cependant donné Le Nouvion (Prince Eric), troisième du Prix Georges Courtois (Gr2) avant de faire carrière dans les Military… où il battait sa sÅ“ur Chemin des Dames ! : « Elle était mignonne mais ce n’était pas un château. Mon père l’a achetée sans rien connaître aux courses à ce moment-là . Mais étant donné qu’elle avait un peu de papier du côté maternel, elle lui avait été conseillée par le colonel Pégliasco, un passionné de courses à la tête de la Garde Républicaine. Un bon conseil donc. Elle venait du haras d’Écajeul de la famille Bara. »
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Apprendre en faisantÂ
Chemin des Dames a commencé sa carrière de poulinière avec des saillies très modestes (deux Spoleto, un On my Way)… avant d’être saillie par Cadoudal (Green Dancer) en 1992, alors qu’il était déjà tête de liste des pères de gagnants en France : « Ses premières saillies étaient à l’image de notre niveau de connaissances d’alors… c’est-à -dire très modeste ! Nous n’y connaissions rien et elle allait donc à l’étalon du coin. En s’informant, en lisant, nous avons appris. J’ai énormément lu Courses et Élevage. C’était ma bible. Au départ, je n’étais pas intéressé par les chevaux. Ma vocation de vétérinaire, qui remonte à l’enfance, est liée au fait que mon grand-père soit paysan. Mon intérêt pour le monde animal s’est progressivement redirigé vers les chevaux grâce à mon père et à cette fameuse Chemin des Dames. Mon côté éleveur a pris le dessus. Je lisais jour et nuit pour apprendre les pedigrees. Et au bout d’un moment, j’ai compris que si nous voulions avoir un cheval de course, il fallait améliorer pas mal de choses dans notre petit élevage ! À commencer par le fait d’aller à de meilleurs étalons. La saillie de Cadoudal était l’équivalent de 2.000 € de ce jour. Cela n’a rien à voir avec le monde dans lequel on vit ! » C’est ainsi qu’est né Cadoudame (Cadoudal), deuxième du Prix Congress (Gr2). Le problème pour tout éleveur débutant, c’est de lancer ses chevaux dans le circuit des courses. Soit on a les moyens de payer les pensions à l’entraînement, soit on fait face à de sérieuses difficultés : « Comme pour les étalons, nous avons rapidement appris que tous les entraîneurs n’étaient pas équivalents ! Et Guy Cherel a eu la gentillesse de prendre certains produits en location – dont Cadoudame – car nous n’avions pas les finances pour faire courir. » Une fois au haras, Cadoudame a donné Kahyadam (Kahyasi), gagnant du Montgomery (Gr3). C’est la deuxième mère de Polidam (Trempolino), deuxième du Prix Maurice Gillois (Gr1), et Dayladam (Cyborg), troisième du Prix La Haye Jousselin (Gr1).Â
Un sport qui est devenu très sélectif
Il y a deux manières d’envisager l’élevage des sauteurs. Celle qui consiste à élever avant tout des individus, avec un morphotype précis. L’autre consiste à penser que le pedigree est prioritaire. Richard Corveller analyse : « Je pense qu’aujourd’hui, c’est les deux à la fois. Avant, on élevait des individus et ensuite c’était un peu la loterie. Depuis on a assisté à la professionnalisation du trot et de l’obstacle. De par mon métier, je vois beaucoup de chevaux et cette évolution est flagrante. Parmi mes clients, certains achetaient beaucoup de poulains trotteurs et il y avait souvent une bonne surprise dans le lot. Désormais, pour gagner à Vincennes, il faut du pedigree. Et c’est la même chose à Auteuil. L’obstacle est devenu très sélectif, en particulier au niveau de la qualité de la jumenterie et des étalons. C’était bien moins
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