LES BAYROU, UNE FAMILLE D’ÉLEVEURS
Vrai connaisseur de l’élevage et des courses, François Bayrou a fait naître de très bons chevaux, y compris au niveau Groupe en plat. Issu d’une région traditionnelle d’élevage, il a hérité sa passion de son père.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Il y a un endroit des Pyrénées-Atlantiques où les éleveurs du cru ont toujours des résultats exceptionnels. Entre Lourdes et Pau, les chevaux grandissent avec les montagnes en toile de fond, mais le climat est très bienveillant. C’est là que sont nés chez les chefs de race Thalian (Djerba Oua) et Djerba Oua (Dragon), chez la famille Lestorte, sur des terres qui sont aujourd’hui celles du haras de Saint-Vincent. Près de là, on retrouve des élevages légendaires pour ceux qui s’intéressent aux anglo-arabes et pur-sang arabes, comme les Buzy Cazeux (Nikita III, Nikanor…), les Lafond Puyau (Dionysos II, Djelfor…) mais aussi des éleveurs également en mesure de sortir des « purs » pour les grandes courses à Auteuil comme les Estrem-Rey à une trentaine de minutes de là (Bamon, Sapin, Pansa, Kesteve…). Ketch (Samaritain), Pansa (Samaritain) et Sapin (Samaritain), élèves de Pierre Estrem-Rey, ont ainsi terminé́ aux trois premières places de la Grande Course de Haies d’Auteuil en 1965. Les Bayrou font partie de ces agriculteurs pyrénéens qui avaient toujours une ou deux poulinières sur leur exploitation. Calixte Bayrou, père de François, avait d’ailleurs élevé un gagnant du Grand Prix de Marseille. En 1995, alors qu’il est ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou publie Henri IV. Le roi libre. Un livre qui s’est particulièrement bien vendu (300.000 exemplaires) et dont les bénéfices lui ont permis de financer son élevage.
Les bons conseils de Jean-Claude Rouget
Élevé par son voisin Thierry Dalla Longa, Fang (Goken) est le meilleur cheval issu de la souche de François Bayrou ces dernières années. Après sa victoire dans le Prix du Pin (Gr3) 2022, celui qui n’était pas encore premier ministre nous avait confié : « Fang est né près de chez moi, chez Thierry Dalla Longa. Ici, c’est un paradis pour les chevaux. Le climat est comme la terre : exceptionnel. Je pense que cette région au pied des Pyrénées est l’une des meilleures terres d’élevage qui existe. Mais aussi l’une des plus sous-estimées. Je me souviens encore très bien du jour où Jean-Claude Rouget m’a suggéré d’acheter Life on the Road (Persian Heights), la deuxième mère de Fang. Elle s’était accidentée dans un camion. Son sort était funeste. Et là, miracle : son proche parent Gunboat Diplomacy (Dominion) gagne le Prix des Chênes (Gr3) après être passé à réclamer. Life on the Road est donc allée à la saillie de Kaldoun (Caro) pour la présenter en vente. Personne n’en a voulu. Et je l’ai donc achetée pour le prix de la saillie de Kaldoun… La suite est assez extraordinaire. Surtout que c’est une histoire d’amitié avec Jean-Claude Rouget. Je suis donc d’autant plus content qu’il entraîne Fang ! Life on the Road était une jument pleine de caractère. J’ai encore en mémoire le moment où je l’ai achetée… Comment oublier un tel jour ? Impossible ! La première jument du jeune éleveur que j’étais. Un rêve qui se réalisait. Elle a remarquablement bien produit, en plat et même en obstacle. »
Une super poulinière
Life on the Road a donné 15 foals, 14 partants et 13 gagnants, dont le premier black type de François Bayrou : Fils de Viane – le meilleur produit de Kadounor (Kaldoun) en plat –, gagnant du Prix de Courcelles (L). Mais aussi Viane Rose (Sèvres Rose), gagnante du Prix de la Nonette (Gr3), Alix Road (Linamix), troisième du Prix Saint-Alary (Gr1), le sauteur Présidentiable (Anabaa), troisième du Prix du Cher (L)… Aujourd’hui, Life on the Road est l’aïeule d’une quinzaine de black types en première, deuxième ou troisième génération, un peu partout à travers le monde… même au Japon et en Afrique du Sud ! Outre les chevaux précités, c’est également le cas (en Europe) de Sumbal (Danehill Dancer), gagnant du Prix Greffulhe (Gr2), Lavender Lane (Shamardal), troisième du Prix de la Nonette (Gr2), et Lilac Road (Mastercraftsman), deuxième du Prix Vermeille (Gr1) en dernier lieu après être monté sur le podium des Nassau Stakes (Gr1). En fin connaisseur, François Bayrou analysait en 2022 : « La descendance de Life on the Road réussit particulièrement bien avec le sang de Grey Sovereign (Nasrullah). J’ai d’ailleurs utilisé Literato (Kendor) sur une jument de cette souche. Il a deux fois Grey Sovereign dans son papier. Ce croisement à quelque chose de fascinant. Presque magique. C’est celui de Fang. La mère de Fang est par Muhtathir (Elmaamul), un étalon polyvalent, courageux… et sous-estimé ! La famille donne des chevaux qui finissent bien, avec une pointe de vitesse, souvent à l’aise sur les distances intermédiaires… Des sujets avec du courage, de la joie de vivre dans l’effort. Souvent, ils apprécient une piste pas trop légère. »