HALL OF FAME
LÉGENDES DES COURSES HIPPIQUES FRANÇAISES
En cette fin d’année, JDG crée le premier « Hall of Fame des courses hippiques françaises ». Un projet pour honorer les grands acteurs du galop. Découvrez chaque jour les premiers intronisés…
Aujourd’hui : George Stern (1883 – 1928)
“Il était magistral, il était audacieux (…). Son toupet n’avait pas de limites”. Pendant plus de vingt-cinq ans, George Stern n’aura cessé d’éblouir les champs de courses de ses victoires. Voilà le portrait d’un homme qui restera dans la légende des courses et dont le talent n’a d’égal que sa personnalité débordante.
Georges Stern naît en 1883. Son père est entraîneur à Chantilly et sa mère n’est autre que la fille de James Watkins, triple champion des jockeys entre 1865 et 1868. N’en déplaisent aux Anglais, c’est en France qu’il exercera principalement son métier de jockey. Il s’illustre très tôt sur les pistes et remporte le premier de ses sept titres de jockey à seulement dix-sept ans. Quelle belle promesse pour sa carrière ! Le cavalier ne s’est véritablement trouvé en difficulté que devant deux Américains au début du XXe siècle. C’est dire le contrôle qu’il avait sur les pistes ! On en venait même à dire que ses victoires rappelaient celles d’Alfred Carratt, qui avait été l’as des années 1870.
Français ou Anglais ? Telle est la question. À cette époque, les Anglais et les Américains rayonnent et font sensation dans les grandes courses classiques, maintenant avec certitude que les Français sont plus que mauvais. Georges Stern les détrône un par un et s’inscrit alors parmi ceux qui font battre le cœur du public français. Même s’il choisit la nationalité anglaise à ses dix-huit ans, la France adopte à bras ouvert cet homme dont la majorité des victoires se passe dans l’Hexagone. Il apparaît comme le nouveau prodige de la monte française, un nouveau souffle pour les courses. Ses plus beaux exploits ont lieu, donc, en France, où il remporte à six reprises le Derby français, le Prix du Jockey Club. Il signe là un véritable record qui tiendra pendant plus de cinquante ans. En 1906, il est même appelé par le duc de Westminster pour monter Troutbeck dans le St Leger : une tâche à la hauteur de ses compétences car il en ressort victorieux. Il brandit fièrement les trophées du Jockey Club et du Grand Prix de Paris, deux épreuves qu’il remporte d’abord avec Ajax en 1904 puis avec Sardanapale en 1914. George Stern excelle également à l’international. Il enlève successivement trois Derby en 1908 : en France, en Allemagne sur l’hippodrome de Hambourg-Hornet et en Autriche. Le jockey est également sacré dans le Derby d’Epsom en 1911 avec Sunstar. À une époque marquée par la domination britannique, Georges Stern apparaît comme “le Français à l’égal des Anglais”, ce qui n’a rien d’étonnant au vu de son palmarès et de la renommée qui le poursuit.
Ce jockey a été considéré comme le crack de son siècle, notamment pour son côté précurseur. Alors que la monte anglaise traditionnelle a été progressivement dépassée par celle des Américains, il a choisi d’adopter un style de monte tout à fait unique en ce temps. On a dit qu’il a su “avec habileté concilier les deux théories (…) : sa façon de monter n’est ni anglaise, ni américaine ; c’est une monte intermédiaire et très particulière.” Très polyvalent quant à ses tactiques de course, il pouvait user du faux train comme de la course en attente selon ses prévisions. Il a également dû plusieurs de ses victoires à son tact et à sa prise de décision particulièrement rapide. Mais son meilleur atout restait le départ, pour lequel il était considéré comme le maître : maître des courses gagnées avant de les avoir courues.
Georges Stern n’était pas reconnu uniquement pour son style de course, mais aussi pour sa personnalité effrontée et arrogante, qui a pu lui porter préjudice. Il était d’une assurance qui avait agacé plus d’un entraîneur, voyant leurs consignes être bafouées avec fougue par le jockey. Georges Stern devient le cauchemar des commissaires car, une fois sa tenue de course enlevée, il enfile celle d’avocat pour contester les nombreuses décisions prises à son encontre. Le jockey anglais est aussi un homme de tous les excès. Ses réactions nerveuses lui valent même une amende de 500 francs en 1908 pour avoir frappé un autre jockey à Deauville.
Réformé pendant la Première Guerre mondiale, Georges Stern s’exile en Espagne, où beaucoup de chevaux français sont envoyés. Il monte pour un nouveau propriétaire, Jefferson-Davis Cohn. Après la guerre, le champion n’a plus sa forme d’antan et perd en notoriété. Il est ensuite embauché en tant qu’entraîneur aux côtés de Marcel Boussac, où il remporte un dernier Prix du Jockey Club en 1922 avec Ramus, en tant qu’entraîneur-jockey. George Stern décède en 1928 d’une crise d’urémie à l’âge de quarante-cinq ans. Parmi toutes ses victoires de prestige, sa préférée restera une course de poulains lorsqu’il avait neuf ans, prémices d’une domination juvénile freinée par les excès et une personnalité clivante.