LE PARC ÉTALONS FRANÇAIS DOIT POURSUIVRE SA PROGRESSION
[LES GRANDS ENJEUX 2025] Par Adrien Cugnasse. Quand l’orage gronde, en France le réflexe est de se dire que nous sommes nuls et que nos dirigeants sont encore pires que nous. Ainsi beaucoup s’accordent à dire que la crise du pari mutuel en France est entièrement la faute du PMU. C’est peut-être vrai – je ne connais rien à la question du jeu – mais nul ne peut ignorer le fait qu’il y a aussi une crise des paris en Angleterre et en Australie. Et dans ces deux pays, difficile de dire que c’est 100 % la faute du PMU !
Cette digression dans l’univers du jeu me permet de revenir à la question de l’étalonnage. Le nombre d’étalons et de lieux de monte décroît régulièrement en France. Certains y voient une conséquence de l’amélioration du niveau des courses, d’autres considèrent cela comme un signe de déclin de notre univers. On a vite fait d’y associer les stigmates de l’incapacité de l’Institution à créer des vocations de propriétaires qui achèteraient les produits des éleveurs français – petits et grands – issus des étalons de nos campagnes. Mais quel que soit le point de vue que l’on adopte, il est difficile d’ignorer que ce phénomène frappe avec une ampleur bien supérieure l’Angleterre, l’Irlande et les États-Unis. Le petit propriétaire (dans le sens positif du terme) se raréfie en France… et malheureusement aussi partout dans le monde. Son confrère, le petit éleveur, n’existe plus en Angleterre où l’étalon au tarif accessible a disparu avec lui. En Irlande, la sélectivité du marché et l’absence de ceinture de sécurité (primes à l’éleveur, allocation dans les petites courses…) ont éjecté du système ceux qui ne produisent pas assez “commercial”. Les États-Unis ont perdu la moitié de leurs naissances (de 35.000 en 1980 à 17.300 en 2022). Sans surprise, le parc étalons américain a fondu comme neige au soleil durant ce laps de temps. La France est l’un des derniers pays occidentaux où il reste une base significative de petits éleveurs, d’où le fait qu’en 2025 il y aura près de 100 sires à moins de 5.000 € dans notre pays… contre seulement 25 à 10.000 € ou plus.
Le niveau des étalons stationnés en France a progressé ces deux dernières décennies et c’est quelque chose que nous, journalistes, aimons rappeler à longueur d’articles. Mais force est de constater que notre parc n’a pas fini sa mutation et son amélioration. Aujourd’hui, la grande majorité des éleveurs de plat veulent aller aux ventes, et dans ce contexte il est très difficile de n’utiliser que des étalons français. Sans même parler des juments qui méritent d’aller aux leaders européens – elles sont peu nombreuses – dans la gamme comprise entre 10.000 € et 40.000 €. Une part importante des poulinières françaises n’a d’autre choix que d’aller en Irlande ou en Angleterre où la diversité de profils et de courants de sang est bien plus large.
L’autre difficulté, pour le parc d’Europe continentale, c’est que des nations extra-européennes sont aujourd’hui capables de s’offrir des jeunes sires plus que valables en y mettant le prix (fort). Alors même qu’il a fait l’objet d’offres pour la France, Territorries (Invincible Spirit) est par exemple parti en Inde pour beaucoup d’argent, alors même que sa production réussissait bien aux courses (12 black types en 2024) et aux ventes (90 % de yearlings vendus à une moyenne de six fois le prix de saillie)… Voilà le type d’étalons solides pour le middle market où la France se retrouve face à des concurrents qui n’existaient pas par le passé.
Dans ce contexte, l’apparition de nouvelles structures – comme Beaumont, Sumbe, Karwin, le nouveau Grandcamp… – est une très bonne nouvelle, et ce d’autant plus qu’il y a aussi des débutants pour le plat dans des haras plus établis (Etreham, Huderie, Bouquetot, Faunes…) Mais c’est un combat de tous les instants et chaque pays doit faire preuve de créativité. L’Irlande a lancé son IRE Incentive qui consiste à offrir un bon d’achat de 10.000 € – à dépenser aux ventes de yearlings en Irlande – aux gagnants d’un certain nombre d’épreuves listées par avance. C’est une très bonne idée qui mériterait d’être adaptée au contexte français : soutenir nos étalons et nos éleveurs (petits et grands) aux ventes est l’un des grands challenges des années à venir.