DAVID MAXWELL : « JE SUIS TOUJOURS SURPRIS QU’AUSSI PEU DE GENS MONTENT EN COURSE »
C’est un amateur qui s’achète des chevaux de Groupe pour monter… des Groupes ! David Maxwell, personnage haut en couleur, a l’obstacle dans le sang. Et il nous a expliqué pourquoi avec son humour so British !
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
David Maxwell est un (vrai) amateur. Avec un (vrai) métier. Mais son parcours dans le Grand National 2023, dont il s’est classé sixième avec Ain’t That A Shame (Jeremy), a été assez exceptionnel. Au point de faire l’objet d’articles dans des médias nationaux (The Sun, The Mirror, The Telegraph…). Sans une erreur, leur place aurait certainement été sur le podium. Non sans humour, David Maxwell déclarait au micro de Nick Luck en avril dernier : « Ain’t That A Shame est un top cheval. Il n’a commis qu’une seule faute tout au long du parcours, à la deuxième haie après le Canal Turn. J’ai abordé le Canal Turn en le laissant commander et puis j’ai soudainement voulu reprendre la main. J’ai compté « un, deux » mais il a fait trois foulées et il est allé à la faute. Ain’t That A Shame avait du coton dans les oreilles, il ne m’a donc pas entendu lorsque j’ai dit : « Désolé mon gars, je ne recommencerai plus. » À partir de là , je l’ai laissé faire et il s’est montré extrêmement professionnel. » Jeudi matin, lorsque David Maxwell a eu la gentillesse de décrocher son téléphone, on ne peut pas dire que mes questions étaient d’une très grande qualité. Alors il a fait comme son cheval Ain’t That A Shame : il a pris le mors, j’ai fait le passager clandestin et l’interview s’est finalement bien passée !
Il a perdu sa décharge… au bout de vingt-cinq ans
À 46 ans, David Maxwell ne fait pas vraiment son âge, lui qui monte régulièrement face aux pros en obstacle. On l’imagine tous les matins à cheval dans la campagne anglaise, avant de foncer vers son métier qui est forcément très prenant. Que nenni ! « En fait, mon boulot n’est pas si prenant que ça. L’immobilier a été inventé pour que des idiots comme moi puissent gagner de l’argent. Pourtant, ce n’est pas si compliqué : acheter, louer, vendre. Pour le reste, je fais attention à ce que je mange et je fais du sport avant le boulot. J’habite dans le centre de Londres. Si bien que je ne monte à cheval pratiquement qu’en course ! Dans le meilleur des cas, je vais monter à l’entraînement une fois par semaine. Il est par contre certain que je serais un meilleur cavalier si j’étais à cheval tous les matins. Mais c’est logistiquement impossible pour moi ! » Le 28 novembre, avec In d’Or (Nidor), David Maxwell a remporté sa 75e victoire sur les obstacles anglais. Au bout de vingt-cinq années, il a donc perdu la décharge réservée aux amateurs ! : « Je vais pouvoir monter plus souvent car cela va être moins difficile de faire le poids. Je vais donc pouvoir manger le soir ! Pour autant, je n’ai pas progressé de 3 kg… Je suis donc d’une certaine manière encore moins performant qu’avant ! » David Maxwell est un enfant de la balle. Son père Jerry Maxwell entraînait et il achetait d’ailleurs des chevaux en France par l’intermédiaire de Pierre-Charles Le Metayer et de Guy Petit : « En fait, l’expérience la plus formatrice de toute mon existence a eu lieu en France. À l’âge de 16 ans, j’ai débarqué de mon Irlande du Nord natale au haras de Buff. J’ai passé mon été à bosser à la préparation des yearlings. Une fois à Deauville, je suis resté scotché devant Le Normandy en me disant : « Oh mon Dieu, c’est l’endroit le plus classe du monde, un jour j’irai dormir là . » Mais j’avais 16 ans et j’ai donc passé la soirée en boîte de nuit (rires). Aujourd’hui, je peux dormir au Normandy. J’adore Deauville. C’est l’endroit le plus chic au monde. C’est juste dommage qu’on ne construise pas quelques obstacles sur la piste de La Touques. Heureusement, il y a Clairefontaine ! (rires) »
Propriétaire… pour monter à cheval
Trente ans après cette glorieuse échappée normande, David Maxwell vit sa passion des courses et des chevaux autrement. Entre-temps, le prix des bons sauteurs est devenu complètement fou : « En fait, c’est le signe le plus éclatant qu’en Angleterre les gens ne courent pas pour l’argent. C’est parfois le cas ailleurs. Mais en Angleterre, les allocations sont tellement faibles. Avoir des sauteurs dans ce pays ne fait aucun sens sur le plan économique. Le prix des chevaux n’a aucun rapport avec les perspectives de gains. »
David Maxwell a trois chevaux à l’entraînement en France, sans oublier son effectif anglais et irlandais : « Quel investissement déplorable ! (rires) Plus sérieusement, j’achète autant que possible des chevaux à l’entraînement. Pour bien faire, il faut passer par un courtier. Ça évite bien des erreurs. Je connais Guy Petit depuis l’âge de 12 ans. C’est bien simple, je lui donne mon chéquier et il se débrouille. Ce n’est même pas moi qui décide ce qu’il faut acheter ! Just Ennemi (Kamsin) a l’air d’être un très bon cheval. Il est parti à l’entraînement chez Harry Derham qui l’aime beaucoup. Vous savez, je n’ai aucun plaisir à être propriétaire. Ce n’est vraiment pas mon truc. J’achète toujours pour me mettre en selle. Je n’ai pas monté Lascar du Mathan (Doctor Dino) à Compiègne pour une seule raison : les amateurs n’ont pas le droit de monter des débutants en France… Sans ça, c’était moi à cheval ! Lascar du Mathan et Just Ennemi ont certainement un bel avenir. J’ai aussi acheté Let’s Love (Voiladenuo), troisième de Lascar du Mathan et il va chez Venetia Williams. La ligne répète. »
L’obstacle s’est énormément professionnalisé au fils des décennies, de l’élevage à l’entraînement en passant par le commerce : « À mon sens, l’esprit chevaleresque de l’obstacle, comme lors des grandes heures du duc d’Albuquerque, apportait beaucoup de charme au sport hippique. Mais c’était lié au fait que beaucoup de gens se disaient : « Dans une autre vie, j’aurais fait comme lui. » C’était du domaine du possible et dans les faits, un certain nombre de gens se sentant en capacité de participer ont fait le pari de se lancer. C’est vraiment très important de conserver cela. L’obstacle ne doit pas être le domaine réservé des surdoués comme Felix de Giles ou James Reveley. Je suis toujours très surpris qu’aussi peu de gens montent en course comme je le fais. Il y a tellement de cavaliers de CSO ou de dressage qui achètent des chevaux des fortunes. »
Pourtant notre époque est celle des sports extrêmes. Des hordes de cadres se lancent à corps perdu dans l’ultra-trail, les sports de combat, la voile en solitaire et le saut en parachute ! Mais le sport hippique reste totalement hors des radars de cette population en quête de sensations fortes : « Dans la famille des activités extrêmes, les courses restent relativement sûres. L’obstacle est bien encadré, bien régulé, les participants sont compétents et une ambulance suit la course. » Que pourrait-on faire pour que des gens qui ne sont pas des enfants d’entraîneurs découvrent l’équitation de course ? : « Beaucoup de gens savent monter à cheval. Reste à les former en leur faisant découvrir les chevaux de course à l’entraînement. En Angleterre, les point-to-points sont une tradition qui reste assez vivante, bien qu’en régression. Il n’y a pas vraiment d’équivalent en France. Il est possible d’acheter pas cher un vieux cheval de course, sûr et expérimenté, pour s’amuser et être compétitif. C’est infiniment moins cher que faire du CSO ! Et c’est une superbe seconde carrière pour bien des chevaux d’obstacle… »
Le jour où il a gagné un Groupe à AuteuilÂ
Si vous aimez le foot, il est peu probable que vous vous retrouviez sur le terrain avec Messi. Et si vous suivez le tennis, il va être difficile de taper la balle en finale de Roland Garros. Pur amateur, David Maxwell monte avec les meilleurs, et rares sont les sports qui permettent cela : « Je me souviens du jour où Barry Connell a battu les pros dans un bumper à Cheltenham. Dans quel autre sport un chef d’entreprise d’âge moyen peut faire ça ? J’ai fait un concours complet dans ma jeunesse, mais le jour où j’ai monté un galopeur, c’était fini. Je ne voulais plus entendre parler d’équitation classique. Et puis les chevaux de concours sont tellement chers que les galopeurs ont l’air presque bon marché à côté ! » Rares sont les amateurs qui ont gagné un Groupe face aux pros. C’est pourtant le cas de David Maxwell avec Cat Tiger (Diamond Boy) dans le Prix Morgex (Gr3) quelques jours seulement après l’avoir acheté 180.000 € chez Arqana : « Et dire que je suis tombé avant la course ! (rires) La plus jeune de mes filles était dans les tribunes et elle a dit à mon épouse : « Papa est tombé. » Ce à quoi ma femme a répondu : « Mais non ma chérie, la course n’a pas encore commencé… » (rires) Caroline Petit, l’épouse de Guy, s’est alors précipitée pour mettre une pièce car on dit chez vous qu’une chute appelle un gagnant. C’était une chute assez humiliante pour tout vous avouer ! Lorsque nous l’avons acheté quelques jours avant, Guy m’a dit : « Cat Tiger a un engagement dimanche. » Et j’ai demandé si j’avais le droit de le monter. » À cet instant, David Maxwell imite l’accent de Guy Petit lorsqu’il parle anglais : « Yes you can ! » Vous connaissez la suite de l’histoire.
Pour autant, l’ambition hippique de David Maxwell n’est pas de se mettre en selle dans les meilleures courses possible aux quatre coins de l’Europe : « Ce que j’aime, c’est monter régulièrement en compétition. Un jour ou l’autre, il va bien falloir que j’arrête. Mais j’espère que cela sera le plus tard possible. Sinon que vais-je faire de mes dimanches matin (rires) ? »Â
David Maxwell a le privilège d’avoir monté lors des meetings les plus prestigieux du programme d’obstacle du côté de la Manche, mais il se retrouve aussi souvent en selle sur les hippodromes anglais les plus modestes. Dans son tour d’Europe de l’obstacle, il voit les différences d’un pays à l’autre : « Auteuil mériterait une réelle affluence. L’entrée n’est pas chère, l’hippodrome bien placé, le sport est superbe. Pour moi, une si faible fréquentation est un mystère. Cela étant dit, en Angleterre, les bookmakers, qui sont très agressifs commercialement, sont pour partie responsables de la popularité de l’obstacle. Ce sont vraiment les books qui ont fait que le Grand National est devenu un tel événement. »Â