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lundi 24 février 2025
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ALLEGRETTA, UN INBREEDING ET DE MULTIPLES QUESTIONS

ALLEGRETTA, UN INBREEDING ET DE MULTIPLES QUESTIONS

Cette jument est l’une des plus influentes de l’histoire moderne du galop. Logiquement, on trouve de plus en plus de chevaux avec deux, voire trois fois Allegretta dans leur pedigree. Une consanguinité intéressante mais qu’il faut cependant apprendre à apprivoiser !

Par Nancy Sexton

Lorsque Allegretta (Lombard), équipée d’œillères, franchit la ligne d’arrivée en dernière position des Park Hill Stakes 1981, elle avait pratiquement refusé de courir. Ce jour-là, il est peu probable que beaucoup aient quitté Doncaster en pensant avoir vu une future grande poulinière.

L’histoire d’Allegretta est pleine de contrastes. C’était une pouliche allemande bien née mais dont le talent était compromis par son tempérament . Poulinière classique, elle est rapidement devenue l’une des influences majeures de l’ère moderne. Entre-temps, la fille de Lombard (Agio) a connu un début de carrière difficile au haras. Ce qui a entraîné une vente précoce pour seulement 55.000 $. Quelle aubaine !

Allegretta doit bien sûr une grande partie de sa notoriété à sa fille Urban Sea (Miswaki), gagnante de l’Arc de Triomphe, mère de Galileo (Sadler’s Wells) et Sea the Stars (Cape Cross), entre autres huit vainqueurs de stakes. Mais un autre fils, King’s Best (Kingmambo), a été un brillant vainqueur des 2.000 Guinées avant de devenir un étalon à succès. De même, Allez Les Trois (Riverman), fille d’Allegretta, a donné naissance à Anabaa Blue (Anabaa), vainqueur du Prix du Jockey Club, et elle est devenue l’arrière-grand-mère du brillant miler Tamayuz (Nayef).

Aujourd’hui, près de 80 vainqueurs de stakes descendent d’Allegretta, parmi lesquels des performers de haut niveau en 2024 tels que Los Angeles (Camelot), Facteur Cheval (Ribchester) et Twain (Wootton Bassett). En outre, au moins 20 de ses descendants ont fait la monte. Il existe donc aujourd’hui une multitude d’opportunités pour faire des inbreedings sur cette grande jument, et pour certains, cette méthode s’est avérée extrêmement fructueuse. 

Allegretta a été élevée par le Gestüt Schlenderhan, étant issue de sa célèbre famille d’Asterblute (Pharis). Au moment de sa naissance en 1978, la lignée était entre les mains du haras depuis sept générations, à partir d’Arabis, née en 1915, une fille d’Ard Patrick (St Florian), vainqueur des Eclipse Stakes en 1902. Au fil du temps, ce haras a connu un immense succès avec cette famille, notamment grâce à l’arrière-petite-fille d’Arabis, Asterblute, gagnante du Deutsches Derby, du Preis der Diana et du Schwarzgold-Rennen en 1949. La mère d’Allegretta, Anatevka (Espresso), était une arrière-petite-fille d’Asterblute. Placée de Listed, elle a produit 11 vainqueurs au haras. Même sans Allegretta, son influence aurait été considérable, puisqu’elle a également produit les vainqueurs de Gr2 Anatas (Priamos) et Anno (Lombard), ainsi qu’Alya (Lombard), placée de Gr2 et arrière-grand-mère d’Adlerflug (In the Wings), vainqueur du Deutsches Derby pour Schlenderhan puis étalon important.

Le croisement qui a produit Allegretta, le quatrième poulain d’Anatevka, est intéressant. Son père, Lombard (Agio), était un formidable stayer, deux fois Cheval de l’année allemand. Membre de la lignée paternelle de Tantième (Deux Pour Cent), le fils d’Agio (Tantième) a ensuite connu un certain succès au haras. Mais sans Allegretta, il serait probablement tombé dans l’oubli. En croisant Anatevka avec l’étalon maison, Schlenderhan a dupliqué l’étalon tête de liste Alchimist (4×4), la jument de haut niveau Aster (4×5), le héros de la Triple couronne anglais Bahram (5×4) et le vainqueur du Derby anglais et grand champion Hyperion (5×5). Qui sait si l’un de ces éléments s’est avéré être un déclencheur. Mais le résultat final a été l’une des matriarches les plus importantes du stud-book. 

Schlenderhan a confié Allegretta à Sir Michael Stoute et elle a immédiatement montré son talent en remportant ses deux premières courses à Leicester et Wolverhampton, puis en terminant deuxième des Zetland Stakes (Gr3) à Newmarket. Schlenderhan semblait alors avoir une bonne pouliche de tenue. Et cela s’est confirmé lorsqu’elle a terminé deuxième de Leap Lively (Nijinski) pour sa rentrée dans le Lingfield Oaks Trial (Gr3). Malheureusement, les choses se sont ensuite détériorées. Le premier signe de tempérament est apparu lors des Oaks, où elle a terminé dernière de l’édition de Blue Wind (Lord Gayle) après s’être énervée avant le départ. Et cela s’est répété lors des Park Hill Stakes (Gr3). Équipée d’un couvre-chef, elle était en « sueur et peu impressionnante » selon Timeform. Cette performance désastreuse fut une fin de carrière décevante, alors même qu’elle fut si prometteuse au départ. Cela n’a pas beaucoup amélioré sa valeur et, en fin de saison, elle a été vendue pour 24.000 Gns (environ 90.000 £ d’aujourd’hui) à Big E Farm en décembre à Tattersalls.

Allegretta a été envoyée aux États-Unis par ses nouveaux propriétaires, mais elle n’est pas parvenue à prendre. Cela a incité son entourage à la renvoyer à l’entraînement. Mais le programme de vitesse proposé à Suffolk Downs n’était guère adapté à une pouliche aussi solidement construite. Après ce retour infructueux, Allegretta fut à nouveau retirée de la compétition, refusant encore une fois de prendre lorsque présentée à l’étalon. Il est donc compréhensible que lorsqu’elle a finalement “pris” d’Irish Castle (Bold Ruler) en 1984, Big E Farm l’ait mis au catalogue de la vente de novembre de Keeneland. C’est à cette occasion qu’elle a été achetée par Michel Henochsberg – agissant sous le nom de Marystead Farm – pour 55.000 $ par l’intermédiaire de Robert Nataf.

Dans une interview à la presse française, Michel Henochsberg a plus tard déclaré : « C’était une bonne pouliche de course qui ne semblait pas avoir beaucoup de cœur… mais elle descendait d’une famille exceptionnelle… Je suis allé la voir. Elle n’était pas élégante, mais elle avait un corps exceptionnel. J’ai été séduit. » Cependant, Henochsberg et ses associés (Maurice Lagasse et la famille Chambure) ont dû faire preuve de patience. Les quatre premiers poulains de la jument étaient quelconques, bien qu’Anzille (Plugged Nickle) se révèle plus tard être la mère du vainqueur de Gr1 allemand Anzillero (Law Society). Son cinquième poulain fut Urban Sea, gagnante de l’Arc de Triomphe 1993 à grosse côte, qui a donné naissance à une série de stars pour la famille Tsui. Urban Sea était une fille de Miswaki (Mr Prospector), un 2ans français de haut niveau en son temps, qui est ensuite devenu très influent en tant que père de mère. Cet alezan trapu stationnait à Walmac Farm dans le Kentucky et il fut le premier d’une série d’étalons américains qui ont bien fonctionné avec Allegretta. La jument fut en effet confiée à plusieurs sires de turf américains, notamment Kingmambo (Mr Prospector), avec qui elle a produit le brillant mais capricieux vainqueur des 2.000 Guinées (Gr1) King’s Best. Avec Riverman (Never Bend), elle a produit la gagnante de Gr3 en France Allez Les Trois. Avec Trempolino (Sharpen Sup), elle a également donné naissance à Turbaine, placée de Listed, qui a été rachetée par Schlenderhan pour 360.000 $ en 1994. Turbaine est devenue par la suite la mère de Tertullian (Miswaki), vainqueur de Gr3 et étalon à succès, mais également l’ancêtre du gagnant d’Arc Torquator Tasso (Adlerflug). Un croisement avec Diesis (Sharpen Up) a également produit Altruiste (Diesis), multiple productrice de black type. 

C’est avec la branche d’Altruiste qu’a été lancé l’inbreeding sur Allegretta. Lady O’Reilly, largement considérée comme l’une des éleveuses les plus perspicaces de son temps, était copropriétaire (avec l’écurie de Meautry) de la placée de Listed Alpine Snow (Verglas), une fille d’Altruiste. Elle fut envoyée à Sea the Stars, dupliquant ainsi Allegretta (3×3) dans son pedigree. Le résultat fut Armande (Sea the Stars), gagnante du Prix Corrida (Gr2) en 2017 et troisième du Grand Prix de Saint-Cloud (Gr1). À peu près à la même époque, en Australie, Sword of Light (New Approach) a remporté les Let’s Elope Stakes (Gr2) et le MRC Blue Diamond Preview (Gr3). Élevée par son propriétaire Hesket Thoroughbreds, c’était une fille de New Approach et d’une jument par King’s Best (4×3 sur Allegretta). Depuis, de nombreux poulains avec des duplications sur Allegretta ont vu le jour. Plus de 1.000 ont couru, dont 90 ont gagné des courses black types. Ces statistiques peuvent sembler peu engageantes, mais nombre de ceux qui ont réussi sont exceptionnels.

Le meilleur est certainement Ace Impact (par Cracksman et issu d’une jument par Anabaa Blue), vainqueur invaincu de l’Arc et du Prix du Jockey Club l’année dernière. En ce qui concerne Cracksman (Frankel), le schéma semble intéressant puisque l’on retrouve également Whip Cracker (Cracksman), placé de Listed cette année, parmi six autres gagnants. Comme Ace Impact, le top-performeur allemand Tunnes (Giuliano) présente une duplication de cette lignée, mais pas par l’intermédiaire d’Urban Sea. En fait, c’est l’un des quatre seuls poulains à avoir deux fois Turbaine dans son papier. Urban Sea est désormais omniprésente dans le studbook à travers Galileo et Sea the Stars, ainsi que par l’intermédiaire de Black Sam Bellamy (Sadler’s Wells), Born to Sea (Invincible Spirit), Urban Ocean (Bering) et Sea’s Legacy (Green Desert). Et on voit de plus en plus d’éleveurs expérimenter la consanguinité sur cette grande jument. Masar (New Approach), vainqueur du Derby (Gr1) pour Godolphin, fut également un 2ans de haut niveau et lauréat de Gr3 à cet âge. Fils de New Approach (Galileo), c’est un descendant direct d’Urban Sea via sa fille Melikah (Lammtarra), placée des Oaks, et représente donc un croisement du père sur sa propre famille maternelle.

Onesto (Frankel), vainqueur du Grand Prix de Paris 2022 (Gr1), est quant à lui un fils de Frankel (Galileo) et d’une jument par Sea the Stars (Cape Cross). Ce croisement a donné des résultats mitigés jusqu’à présent, ce qui est peut-être compréhensible étant donné que Galileo et Sea the Stars ont tendance à avoir une influence similaire. En ce qui concerne Frankel sur Sea the Stars, les chiffres indiquent 15 gagnants sur 21 partants. Onesto est son seul vainqueur de Gr1, mais Mohaafeth (Frankel), vainqueur des Hampton Court Stakes (Gr3) à Royal Ascot, était également un cheval de haut niveau, sans oublier Zarir (Frankel), placé de Gr1.

Dans le cas de Sea the Stars sur Frankel, on trouve deux vainqueurs mineurs sur cinq partants. Ceux qui ont eu le courage d’envoyer des juments Galileo à Sea the Stars ont obtenu six vainqueurs jusqu’à présent, mais aucun au niveau black type. Cependant, il est logique qu’il y ait plus de réussite lorsque l’un ou l’autre se trouve une génération plus loin. Et c’est effectivement le cas avec The Lion in Winter (Sea the Stars), invaincu, vainqueur des Acomb Stakes (Gr3) et favori du Derby d’Epsom. C’est un fils de Sea the Stars dont la grand-mère est par Galileo (2×4 sur Urban Sea)

Ce type de consanguinité étroite est très caractéristique de Jim Bolger, qui est un peu le Marcel Boussac de l’ère moderne. Bolger, bien sûr, a accès à un certain nombre de sires de la lignée de Galileo, notamment Teofilo (Galileo), New Approach, Dawn Approach (New Approach) et Parish Hall (Teofilo). Et il croise souvent les descendants des uns et des autres, dupliquant ainsi Galileo dans le pedigree de ses chevaux. Cela a fonctionné à merveille dans le cas de Mac Swiney (New Approach), vainqueur des 2.000 Guinées irlandaises, par New Approach sur une jument Teofilo, et de Boundless Ocean (Teofilo) vainqueur de Gr3, qui est issu du croisement inverse. Cependant, beaucoup d’autres ont échoué.

En effet, il faut souligner le fait que bon nombre des nombreux succès évoqués proviennent des descendants d’Allegretta ayant fait preuve de vitesse en compétition. C’est particulièrement vrai dans le cas de Night of Thunder (Dubawi), vainqueur des 2.000 Guinées (issu d’une jument Galileo), dont le bilan au haras est marqué par huit chevaux de stakes ayant deux fois Allegretta, dont sept via Urban Sea. Cette liste impressionnante compte les vainqueurs de stakes Isaac Shelby (Night of Thunder), Sopran Basilea (Night of Thunder), Thunder Kiss (Night of Thunder), Mauiewowie (Night of Thunder), Tuscan Hills (Night of Thunder) et Night Tornado (Night of Thunder), ainsi que de la 2ans placée en Gr1 Ornellaia (Night of Thunder). Les filles de Sea the Stars ont joué un rôle crucial dans ce succès, avec Night Tornado, Ornellaia et Tuscan Hills, qui a montré un potentiel de haut niveau lorsqu’il a remporté les Tancred Stakes (L) à Pontefract en fin de saison.

Miler de niveau Gr1, Tamayuz n’a jamais dépassé les 15.000 € chez Derrinstown Stud, mais il s’est avéré être un étalon efficace. C’est le père de Jancis (Tamayuz), gagnant des Brownstown Stakes (Gr3) cette année, à ce jour le seul vainqueur de stakes issu d’une jument de Ruler of the World. On lui doit aussi Torpedo Blu (issu d’une jument par Sea the Stars) qui est placé de Listed. Il figure également en tant que père de mère des black types Letherfly (Churchills) et Tamreer (New Approach) qui sont issus de la même mère. 

Jancis et The Lion in Winter ont fait partie des chevaux remarqués cette année.

Ce même inbreeding était représenté en 2024 par : Borno (Saxon Warrior), vainqueur du Derby italien et issu d’une mère par King’s Best ; Tuscan Hills, déjà mentionné ; le vainqueur de Gr3 australien Etna Rosso (Decorated Knight) ; et Miss Cynthia (Sea the Moon), quatrième de Gr1.

On peut soutenir le fait que ce groupe hétéroclite n’est pas forcément représentatif d’un véritable schéma de croisement. Pourtant, il convient de rappeler qu’Etna Rosso reste le seul vainqueur de stakes engendré par Decorated Knight (Galieo). Une sorte de déclencheur généalogique doit être à l’œuvre. Un autre performer de haut niveau de 2024, l’infatigable stayer Grosvenor Square (Galileo), présente une variante de cet inbreeding. Ce fils de Galileo est un descendant direct d’Allegretta par la voie femelle. 

Bien sûr, cette famille est devenue si puissante qu’elle produira probablement des chevaux de black type régulièrement, indépendamment de tout schéma de pedigree ou de père. Cependant, comme le cas de Masar l’a montré, certains de ceux qui ont expérimenté la consanguinité avec cette souche ont été récompensés assez rapidement. Sans surprise, Schlenderhan fait également partie de ce “club” en tant qu’éleveur de Tasmania (Australia). Cette gagnante de Listed – qui est une petite-fille de Turbaine par l’intermédiaire de Tusked Wings (Adlerflug) –, a également terminé troisième du Prix de Diane. Tasmania porte en fait trois lignées d’Anatevka, puisque Tusked Wings est une fille d’Adlerflug, un étalon de Schlenderhan issu de la même famille.

Adlerflug a été utilisé avec réussite pour ramener le sang de sa troisième mère Anatevka, non seulement chez Schlenderhan, mais aussi par Klaus Schulte, l’éleveur de la placée de Gr1 River of Stars (par Sea the Stars sur une jument Adlerflug), et par le Gestüt Auenquelle, qui a tiré le jackpot avec le gagnant d’Arc Torquator Tasso. Quand on connaît l’aura du sang d’Allegretta chez les Allemands, il sera passionnant de voir comment les éleveurs de ce pays vont utiliser Torquator Tasso. Il approche de sa troisième saison au Gestüt Auenquelle. Il représente un bon moyen d’accéder au sang d’Allegretta. Reste à voir ce qui lui réussit le mieux ! 

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