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mardi 25 février 2025
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DYNAMIQUE DES LIGNÉES D’ÉTALONS EN EUROPE

DYNAMIQUE DES LIGNÉES D’ÉTALONS EN EUROPE

par Hubert de Rochambeau

« Dans les livres et les articles consacrés au pur-sang, l’étude des lignées d’étalons (sire lines) occupait autrefois une place importante. C’est moins vrai aujourd’hui car nous sommes centrés sur le présent et nous négligeons autant le passé que l’avenir. Cet article vous propose un pas de côté en analysant la dynamique des lignées d’étalons en Europe.

Nous adopterons une approche originale en enrichissant la description des lignées avec la valeur génétique des étalons. Nous utiliserons pour cela les valeurs génétiques calculées selon les méthodes VGaei et VGsynt (voir en fin d’article). Notre échantillon comprend les 32 étalons européens qui ont les meilleures valeurs génétiques. Cette dernière est supérieure à 79 ; il s’agit donc des étalons exceptionnels ou très bons. Nous compléterons cet échantillon avec les 24 étalons qui les suivent dans le classement. Ils sont bons avec une valeur génétique comprise entre 75 et 79. Nous avons tracé les lignées d’étalons jusqu’à la période 1950-1960. Cette période est suffisamment longue pour observer des réelles dynamiques. Les 32 étalons de notre échantillon remontent à deux ancêtres : Native Dancer né en 1950 et Neartic né en 1954. En pratique, ces deux lignées se ramifient avec Mr Prospector (petit-fils de Native Dancer) et Northern Dancer (un fils de Neartic). Six étalons de notre échantillon remontent à Mr Prospector et 26 à Northern Dancer.

Ces fondateurs sont des étalons ayant couru en Amérique du Nord. Native Dancer provient d’une lignée européenne, celle de Phalaris dont certains descendants ont été importés en Amérique du Nord. Neartic est un fils de Nearco, le champion de Federico Tesio qui a été exporté aux États-Unis. Nearco est un petit-fils de Phalaris.

Les fondateurs de ces deux lignées sont des étalons exceptionnels et la grande majorité des étalons qui figurent dans les lignées qui conduisent aux étalons de notre échantillon sont exceptionnels ou très bons. Il n’y a que trois exceptions à cette règle.

Les exceptions entretiennent la diversité.

Le cas le plus intéressant est celui d’Acclamation. Cet arrière-petit-fils de Try my Best (VGaei=82) est bon avec une VGaei de 77. Mais son père Royal Applause (VGaei=71) et son grand-père Waajib (VGaei=75) étaient quelconques. Et pourtant, Acclamation a deux très bons fils au haras ; il s’agit de Dark Angel (VGaei=84) et de Mehmas (VGaei=80). Le fait d’avoir au moins deux fils exceptionnels ou très bons caractérise un père d’étalons.

La deuxième exception est celle du remarquable Wootton Bassett (Vgaei=80), dont le père Iffraj (VGaei=75) était simplement bon. Havana Grey (VGaei=83) est la troisième exception car il est issu d’un père quelconque, Havana Gold (VGaei=67). La question qui se pose maintenant est de savoir si Dark Angel, Mehmas, Wootton Bassett et Havana Gold deviendront eux-mêmes des pères d’étalons avec au moins deux fils exceptionnels ou très bons.

Dans la descendance de Mr Prospector en Europe, la première branche conduit à Wootton Bassett. Cet étalon, qui a débuté sa carrière en France, représente une réelle diversification en termes de lignée. Son achat par Coolmore va augmenter la probabilité qu’il devienne à son tour un père d’étalons.

La seconde branche, plus vigoureuse, est celle de Dubawi. Le champion de Godolphin est clairement un père d’étalons avec trois très bons fils, Night of Thunder (Vgaei=89), New Bay (Vgaei=87) et Zarak (Vgaei=88). Il a d’autres fils qui ne sont pas encore confirmés et Dubawi pourrait donner naissance à plusieurs sous lignées.

Sadler’s Wells et Galileo

La descendance de Northern Dancer a pris beaucoup d’ampleur et deux étalons sont très bien représentés. Il s’agit de Sadler’s Wells avec 12 descendants dans notre échantillon et Danzig avec six. On remarquera que ces derniers (les six descendants de Danzig) ne sont pas les fils de Northern Dancer qui ont le plus brillé sur les pistes.

Galileo est aujourd’hui le fils de Sadler’s Wells qui est le plus influent. Frankel semble bien placé pour prendre le relais, mais il a un demi-frère statistiquement exceptionnel (Teofilo) et cinq qui sont très bons (New Approach, Nathaniel, Australia, Galiway et Gleneagles). L’un d’entre eux arrivera-t-il à supplanter Frankel ? La descendance de Montjeu est plus fragile ; Motivator et Camelot deviendront-ils des pères d’étalons ? La situation semble encore plus critique pour In the Wings et Teofilo. Ils ne sont pas père d’étalons aujourd’hui et leur lignée risque de s’éteindre.

Le cas Danzig

Le cas de Danzig est intéressant. Cet étalon américain, connu pour sa fragilité, a bien réussi en Europe. On aurait pu penser que Danehill serait son principal continuateur. Cela n’a pas été le cas en Europe. C’est Green Desert qui a joué ce rôle. Deux de ses petits-fils sont exceptionnels et bien placés pour assurer la continuité de cette lignée, il s’agit de Sea the Stars et de Kingman. De son côté, Oasis Dream n’a pas, pour l’instant, de fils ayant une valeur génétique supérieure à 79. Mais certains ont une chance (Muhaarar, Native Trail…)

Où l’on reparle de Storm Bird

La lignée de Storm Bird connaît une belle embellie. Lope de Vega a pris le relais de Shamardal. Il lui faudra maintenant avoir des fils de qualité. Coolmore a beaucoup misé sur Scat Daddy et cela semble être un pari gagnant. No Nay Never et Sioux Nation réussissent bien en Europe. C’est aussi le cas de Justify, même s’il est stationné outre-Atlantique.

Nureyev et Fairy King

Pivotal était le principal continuateur de Nureyev en Europe. Siyouni semble bien parti pour prendre la suite.

Comme nous l’avons vu précédemment, la lignée de Try my Best a resurgi d’une manière surprenante grâce à Acclamation et à ses fils Dark Angel et Mehmas. Ce type de renaissance reste cependant exceptionnel.

Enfin, Zoustar représente la lignée de Fairy King, le frère de Sadler’s Wells. Même s’il ne réussit pas très bien en Europe, sa présence nous rappelle que nous pourrons aller chercher en Australie des lignées différentes. Nous pourrions importer des descendants de Danehill. L’hémisphère Sud comme l’Amérique du Nord constituent des réserves de variabilité en termes de lignées d’étalons.

La fin de la route

Pour voir s’il existe en Europe d’autres lignées qui pourraient venir renforcer celles que nous venons de décrire, nous avons fait la même analyse sur les 24 étalons qui ont une valeur génétique (VGsyn) comprise entre 75 et 79. À la fin du siècle dernier, Monsun représentait une diversification très intéressante. Il remonte à Blandford par l’intermédiaire de Tamerlane. Par contre, il manque de fils de qualité. Le meilleur actuellement est Shirocco (VGaei = 77) et nous avons vu qu’il était rare qu’un étalon de ce niveau devienne père d’étalons.

Cityscape descend de Native Dancer par l’intermédiaire de Sharpen Up et Selkrik. Mais là aussi, la continuité de la lignée n’est pas assurée.

On trouve ensuite des descendants de Nearco, par une autre voie que celle de Neartic. Kendargent et son fils Goken sont les représentants d’une lignée qui remonte à Grey Sovereign et Nasrullah. Cette lignée est une spécificité française depuis de nombreuses années. Kalisto, en Allemagne, se rattache à la même lignée.

Mill Reef et Shirley Heights étaient deux étalons exceptionnels. Leur lignée n’est présente aujourd’hui que par l’intermédiaire d’Isfahan.

Des pistes

La lignée de Royal Charger est une piste de diversification plus prometteuse du fait de la réussite de Deep Impact au Japon, et de l’intérêt des Européens, et notamment de Coolmore, pour cette lignée.

On trouve aussi dans cet échantillon de bons étalons, des étalons qui viennent renforcer les lignées issues de Northern Dancer. Il y a notamment deux fils d’Oasis Dream, Showcasing et Muhaarar et trois fils de Danehill, Clodovil, Kodiac et Holy Roman Emperor.

Faut-il s’inquiéter ?

Cette analyse des lignées dont sont issus les meilleurs étalons européens montre une très grande réduction du nombre de lignées. Il n’en reste que deux si l’on remonte au milieu du XXe siècle. Faut-il pour autant s’inquiéter ? La réponse est négative car les juments auxquelles ces étalons sont accouplés apportent beaucoup de variabilité. Mehmas et Lope de Vega descendent tous les deux de Northern Dancer, mais la probabilité qu’ils aient le même gène provenant de Northern Dancer est de l’ordre de 2 pour 1.000. Leur apparentement est donc faible.

La méthode

Nous calculons une première valeur génétique (VGaei) à partir des AEI (average earning index) et une autre à partir du pourcentage de gagnants et de placés de courses principales (VGbth). [L’auteur cherche à visualiser quels étalons ont une proportion de bons chevaux supérieure à la moyenne des sires, selon les gains et selon le black type ou les ratings, ndlr.] La valeur génétique VGaei que nous calculons chaque année à partir des average earning index, est le meilleur outil disponible. Nous avons expliqué lors d’articles précédents son mode de calcul. À notre connaissance, un tel outil n’existe pas outre-Manche. Les étalons avec une VGaei supérieure à 89 sont exceptionnels. Entre 80 et 86, ils sont très bons, entre 75 et 79, ils sont bons, entre 70 et 74, ils sont assez bons. Rappelons que la moyenne de VGaei est égale à 65. En dessous de cette valeur, les étalons ne sont pas améliorateurs. »

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