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jeudi 26 décembre 2024

AccueilA la unePAUL NATAF : « VINCENT O’BRIEN A MARQUÉ MA VIE À JAMAIS »

PAUL NATAF : « VINCENT O’BRIEN A MARQUÉ MA VIE À JAMAIS »

PAUL NATAF : « VINCENT O’BRIEN A MARQUÉ MA VIE À JAMAIS »

Paul Nataf revient sur les moments inoubliables de sa carrière, marquée cette année par une victoire dans le Marcel Boussac avec Vertical Blue. Dans cette première partie d’interview, le courtier nous partage ses souvenirs : de ses débuts dans le trot jusqu’à sa rencontre en Irlande avec le légendaire Vincent O’Brien. Un parcours de passionné qui révèle que, parfois, la magie des courses réside autant dans le travail acharné que dans le talent pur.

DEMAIN, PARTIE 2/2 : « Alan Clore : de l’acquisition de la légendaire Triptych à l’audacieuse vente de dispersion par satellite »

Jour de Galop. – Racontez-nous comment tout a démarré pour vous…

Paul Nataf. – J’ai fait l’académie Charpentier ainsi que l’école Camondo et j’en suis sorti sans diplôme. Ce qui est important, ce sont les bons professeurs. J’ai créé Horse France en 1970, et mon père Roger Nataf, qui était journaliste hippique à Paris-Turf, m’a rejoint trois ans plus tard. J’ai commencé par le transport de chevaux, essentiellement au trot. J’ai connu de grands professionnels comme Jean-René Gougeon, Pierre Désiré Allaire, Jean-Pierre Dubois quand ils étaient jeunes.

Pourquoi le trot au départ ?

Le trot est un peu plus familial. Les acteurs sont plus des confrères que des concurrents. Par exemple, ce qu’a fait Philippe Allaire avec Ready Cash (Indy de Vive) en le mettant chez Thierry Duvaldestin, je trouve cela exceptionnel ! Est-ce qu’un entraîneur comme Alain de Royer Dupré ou André Fabre aurait mis le cheval chez son concurrent direct parce qu’il n’arrivait plus à s’en servir ? Je n’en suis pas certain. Dans notre métier, il faut avoir deux choses à la fois : la certitude, quand on tombe sur le bon cheval, et avoir de l’humilité en face de lui. Mon premier gagnant en tant que transporteur a été Une de Mai (Kerjacques). Je l’avais transportée de la gare de Bercy à la gare de Cagnes-sur-Mer à l’époque.

Comment avez-vous basculé dans le galop ?

Je suis parti en Irlande pour rencontrer un transporteur qui puisse réceptionner mes chevaux et je suis tombé amoureux de ce pays. À vrai dire, je n’aime pas faire comme tout le monde. J’ai donc commencé à acheter des chevaux en Irlande, là où de nombreux courtiers les achetaient en Angleterre et travaillaient avec Tattersalls. Le premier achat que j’ai fait en Irlande, à Goffs (à Ballsbridge), un ami garagiste en avait pris la moitié, j’en avais pris un quart, et l’entraîneur en avait pris l’autre quart… C’est comme ça que l’on commence ! Ainsi, j’ai connu John Magnier à Grange Stud, en 1972, quand il n’avait pas encore acheté Coolmore. Mais ma plus belle rencontre en Irlande aura été celle du grand homme et du tout aussi grand entraîneur Vincent O’Brien. C’était un autodidacte et je crois qu’il a tout inventé.

Comment était Vincent O’Brien ? Que vous a-t-il appris ?

J’ai appris chez Vincent O’Brien que chaque cheval qui entrait chez lui était un gagnant de Gr1. Et que c’était au cheval de prouver qu’il n’en était pas un. Il commençait toujours par le haut. Et surtout, il voulait que ses chevaux soient heureux. Il le répétait presque tous les matins. Avant le travail, ses chevaux faisaient des huit dans le manège pour se chauffer et apprendre à changer de jambe. Après le travail, il était important que ses chevaux mangent de l’herbe, et les cavaliers rentraient à pied. Il y a encore mille choses que j’ai apprises chez lui. L’une d’entre elles était l’écoute. Si à un dîner, il y avait un plombier, il ne parlait pas de ses victoires avec Nijinsky (Northern Dancer) mais il l’interrogeait durant toute la soirée sur son métier pour comprendre quel était le problème de plomberie et s’il fallait mettre un tube de 8 ou un tube 12 à tel endroit. Quand je suis arrivé chez lui, j’étais un débutant mais il m’interrogeait comme si j’étais un expert : « Est-ce qu’il y a un cheval qui vous plaît particulièrement dans mon écurie ? » J’avais 22 ans, j’étais intimidé mais il fallait répondre quelque chose… Vincent O’Brien a marqué ma vie à jamais.

Avez-vous eu l’occasion de le revoir après votre passage en Irlande ?

C’est quelqu’un que j’ai recroisé toute ma vie. D’ailleurs, j’ai beaucoup travaillé avec son fils David. Vincent O’Brien était Dieu en Irlande et son fils, c’était le Christ (rires) ! Lui-même, il a fallu qu’il montre s’il était meilleur que son père ou non. Les deux entraînaient au même endroit à Ballydoyle. David suivait non seulement ses galops, mais il espionnait les galops de son père parce qu’il savait que s’il arrivait à battre son père, il allait gagner la course ! Il n’a entraîné que sept ou huit ans, mais a gagné les trois Derby, le français, l’anglais et l’irlandais.

Comment procédez-vous pour acheter des chevaux ? Qu’est-ce qui est important pour vous ?

À l’école, mon professeur d’art ne m’a pas appris qu’à dessiner. Il m’a aussi appris à observer, à connaître les couleurs, les équilibres, les tonalités, les matières. À aiguiser mes sens en quelque sorte. Aujourd’hui, quand j’écoute un morceau de musique, j’essaye de différencier le violoncelle du violon et quand je sens un parfum, j’essaye de déterminer les différentes essences. Il faut pouvoir identifier pour pouvoir apprécier. Tout cela me sert aujourd’hui lorsqu’il faut acheter un cheval. Quand je vois un cheval, j’essaye d’entrer dans sa tête. Je passe énormément de temps à le regarder car je veux pouvoir donner une chance à chacun d’entre eux. Pour cela, il faut tous les voir.

Cela représente un gros travail en amont…

Oui mais cela me rend malade quand dans un catalogue, il y en a un que je n’ai pas vu ! C’est en les voyant tous que l’on arrive à trouver des pouliches comme Vertical Blue, Sistercharlie (Myboycharlie), Sweet Lady (Lope de Vega)… Si je ne les avais pas vues, peut-être que leur pedigree ne m’aurait pas emballé plus que ça. Et puis tout le monde regarde les pedigrees de la même manière. Quand il y a un Frankel (Galileo) et une mère gagnante de Gr1 par Dubawi (Dubai Millenium), bien sûr qu’on va noter « à voir » sur le catalogue. Mais tous n’ont pas les moyens d’acheter ce genre de chevaux. Généralement, je n’ai pas de budgets très élevés donc j’essaye de découvrir une perle au milieu des 350, 500 ou même 800 chevaux d’un catalogue. Il faut juste prendre le temps de faire ouvrir toutes les portes des boxes, avoir de l’intuition et se dire : tiens, celui-là, il a peut-être quelque chose de plus que les autres.

Qu’est-ce qui était déterminant chez Vertical Blue ou Sistercharlie par exemple ?

Elles sont toutes différentes mais je les ai toutes aimées. Je n’essaye pas de trouver chez un poulain les qualités du père ou de la mère. Je me moque de la couleur de la robe ou de la beauté de la tête car ce sont des choses qui ne font pas aller un cheval plus vite. Beaucoup de personnes s’attachent à cela (peut-être avec raison !), mais cela ne fait pas partie de mes critères. Ce n’est rien de plus que du travail. Il y a de grands peintres dont on dit que le travail représente 95 % tandis que le talent, lui, seulement 5 %.

Quel fut votre meilleur achat ?

Si l’on parle de rapport qualité-prix, ce serait sans doute mon premier gagnant de Gr1, une pouliche qui s’appelait Sanedtki (Sallust). Je l’ai payée environ 1.200 € à l’époque. Elle a gagné quatre Grs1 dont deux fois le Prix de la Forêt, le Prix du Moulin de Longchamp et un Gr1 aux États-Unis. Difficile de faire mieux à ce prix-là ! Elle s’est retrouvée chez Olivier Douïeb, qui était un jeune entraîneur, et au moment où je lui ai amené la pouliche, il n’avait que deux chevaux. Plus tard, il a pu montrer tout son talent en gagnant l’Arc avec Detroit.

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