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mardi 25 février 2025
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PAUL NATAF : « ALAN CLORE ÉTAIT DU GENRE À VISER LA TRIPLE COURONNE PLUTÔT QUE SEULEMENT LE DERBY D’EPSOM ! »

PAUL NATAF : « ALAN CLORE ÉTAIT DU GENRE À VISER LA TRIPLE COURONNE PLUTÔT QUE SEULEMENT LE DERBY D’EPSOM ! »

Dans cette seconde et dernière partie d’interview, Paul Nataf revient sur l’un des chapitres les plus marquants de sa carrière de courtier aux côtés du grand propriétaire Alan Clore : de l’acquisition de la légendaire Triptych à l’audacieuse vente de dispersion par satellite.

Jour de Galop. – L’une de vos plus belles rencontres aura été celle avec Alan Clore…

Paul Nataf. – Alan Clore était un investisseur à la bourse de New York. C’était un très grand propriétaire, comme nous n’en avons plus aujourd’hui. Avec lui, par exemple, il était interdit de courir en province ! Et à l’époque, Fontainebleau et Compiègne faisaient partie de la province (rires) ! Il avait 70 ou 80 chevaux. Nous avions acheté le haras des Monceaux pour lui. Quand il avait un bon cheval, Alan Clore était plus du genre à viser la Triple couronne que « simplement » le Derby d’Epsom.

Comment tout a commencé avec lui ?

Il y avait un nouveau propriétaire qui s’appelait McDonald. Il avait acheté plusieurs yearlings à l’Agence française et en Irlande. Mais il n’avait pas payé les chevaux. Je sympathise avec lui et il me propose la totalité de son lot, qui était à l’entraînement chez Alain de Royer Dupré. Je passe un coup de fil à mon vétérinaire, Paul Sorel, l’un des meilleurs que j’aie jamais connus. Et un matin, avec l’accord d’Alain de Royer Dupré, nous faisons la visite d’achat. Il y en avait un qui était particulièrement bien mais avait un petit problème à un genou. Et alors qu’on faisait peu de radios à l’époque, Paul Sorel me dit que d’après lui, le poulain avait un chip dans le genou. Sauf que ce poulain, c’était celui qui avait été payé 4 millions de francs et qui était le plus cher du lot. Je me retrouve à devoir dire à mon client, Alan Bond, un Australien de Perth, qui n’avait jamais eu de chevaux et qui voulait juste faire une affaire, que ce n’était absolument pas possible d’acheter ce lot-là.

Qu’est-il advenu de ces chevaux ?

Comme Alan Bond ne les a pas achetés, l’Agence française a dû organiser une vente à Auteuil pour essayer de récupérer les prix d’achat. Sur place, tout le monde ne parlait que de ce fameux poulain par Luthier (Klairon) qui s’appelait Playful River. C’était soi-disant un cheval extraordinaire. Alan Clore me téléphone. À l’époque, je n’avais fait que quelques petites opérations à l’étranger, notamment en Italie. Et il me dit : « Monsieur Nataf, je voudrais des infos sur ce poulain par Luthier. Mais je vous préviens ! Je ne passerai pas par vous… Quelqu’un m’a déjà proposé le cheval. » Je lui ai donc dit que pour moi, c’était un très bon poulain mais qu’il avait un problème à un genou… Le poulain passe en vente et il est acheté par Serge Fradkoff, Olivier Douïeb et plusieurs associés pour plus de sept millions de francs. L’underbider était Alan Clore. Plus tard, Playful River a débuté par une bonne deuxième place et a couru quelques fois en France et à l’étranger. Mais il n’a jamais été un bon cheval. Un mois plus tard, j’ai un coup de téléphone d’Alan Clore qui me demande si je peux me rendre à Keeneland pour lui acheter des chevaux.

Était-ce la fameuse vente avec Triptych ?

Tout à fait ! Cette jument a marqué ma carrière car c’est la yearling que j’ai achetée le plus cher : je l’ai payée 2,15 millions de dollars. J’avais réservé pour Alan Clore deux chambres et une limousine. J’ai commencé à acheter cinq/six chevaux à Fasig Tipton. Puis vint la vente de Keeneland. Alan Clore avait repéré deux pouliches, et il me dit : « Monsieur Nataf, je n’aurai pas les moyens d’acheter les deux, mais l’une des deux, peut-être. » La première était par Northern Dancer (Nearctic) et Valoris (Tiziano) et la deuxième par Riverman (Never Bend) et Trillion (Hail to Reason). Cette dernière avait la note maximale que je peux donner à un cheval, c’est-à-dire 4 étoiles. L’autre, la Northern Dancer, je l’avais notée 3 étoiles. Elle fut finalement achetée par Allen Paulson qui gagna un Gr2 ultérieurement. Quand la future Triptych arriva, les enchères s’envolèrent, si bien qu’elle a atteint 2 millions de dollars. J’ai dit à Alan Clore que pour une pouliche, cela commençait à faire un peu d’argent, et là, il m’a demandé : « Qui est contre nous ? » Il s’est avéré que c’était monsieur Niarchos. Il était hors de question pour Alan Clore de se faire battre par Niarchos car quelque temps auparavant, il lui avait déjà piqué son studgroom, Tim Richardson. Clore me regarde : « Continuez, monsieur Nataf ! » Nous l’obtenons pour 2,15 millions de dollars.

Mais finalement, vous n’êtes pas venu à Keeneland que pour Triptych…

C’est vrai… Mais à ce moment-là, nous en étions à 5 millions de dollars d’investissement, soit la totalité de son budget. Alan Clore ne voulait plus entendre parler de chevaux. Il voulait aller dîner à l’établissement des ventes. Nous suivions quand même la vente et quelques pages plus loin dans le catalogue, il y avait une autre pouliche qui m’avait tapé dans l’œil, la future Alydar’s Best : elle avait 4 étoiles dans mon système de notation et cela aurait été dommage de la laisser passer. À vrai dire, j’ai mis en jeu ma commission, qui était de 250.000 dollars. Forcément, quand elle a atteint ce prix, il y avait quelqu’un en face. On monte à 300.000, 400.000 et au final, je remporte l’enchère à 650.000 dollars. Alan Clore n’était même pas sûr de pouvoir l’acheter… Après les ventes, je suis parti en vacances en Caroline du Sud.

Vous n’avez pas dû passer des vacances très sereines…

C’étaient les pires vacances de ma vie car je ne savais pas si j’allais me retrouver avec une pouliche sur les bras, bien trop chère pour que je puisse la payer ! J’attendais impatiemment le coup de téléphone d’Alan Clore. À Keeneland, il faut payer les chevaux sous 15 jours, sinon les huissiers viennent frapper à la porte. Clore m’appelle le 14e jour : « J’ai vu que vous l’aimiez bien cette pouliche… Finalement j’ai pu me débrouiller, je vais la prendre. » À ce moment-là, je lui ai demandé s’il était possible de l’envoyer chez David O’Brien. Il était d’accord. Triptych et Alydar’s Best se sont révélées être deux championnes.

Alydar’s Best a directement débuté dans un Gr3, ce n’est pas quelque chose de très commun…

David O’Brien m’avait dit : « Paul, ce serait lui faire insulte que de débuter Alydar’s Best dans un maiden ! » J’aime commencer par le haut niveau et je ne suis pas pour que les chevaux suivent le programme des maidens, Classe 2, Classe 1, Listed… Ils arrivent sur les grandes épreuves avec trop de courses dans les jambes et n’ont plus l’envie ! Quelle importance de se faire battre dans un Groupe ou une excellente course pour inédits si à la fin, ce même cheval gagne un Gr1 ?

Diriez-vous qu’Alydar’s Best est le meilleur cheval que vous ayez acheté ?

Elle était exceptionnelle. Après sa victoire de Gr3 en débutant, elle a gagné le Grand Critérium en France. Durant l’hiver, David O’Brien m’avait dit qu’il était tout à fait possible de courir le Derby d’Epsom (Gr1). C’est un challenge qui n’a pas été réalisé depuis 1916. Entretemps, Alan Clore a quitté David Smaga et a envoyé Triptych chez David : « C’est gentil de m’envoyer Triptych mais Alydar’s Best est bien meilleure », m’avait -il dit ! Alydar’s Best était vraiment particulière. On aurait dit un mâle dominant ! Il ne fallait pas entrer dans son box sans lui demander l’autorisation ! Alan Clore, lui, voulait tenter la Triple couronne, contre l’avis de David O’Brien qui pensait que les 1.000 Guinées n’étaient pas une course faite pour elle. Il avait raison… Dans la préparation, Alydar’s Best s’est blessée et après cela, elle n’était plus la même, même si elle a quand même gagné les Pretty Polly Stakes, une épreuve qui est désormais Gr1, et s’est aussi classée deuxième des Oaks Irlandaises. Mais ce n’était plus la pouliche qu’elle était : elle avait laissé passer son tour.

Avec Triptych, on a aussi tenté des choses. C’est probablement la seule pouliche qui a couru les 2.000 Guinées et qui les a gagnées. Il faut avoir des propriétaires très sportifs. Tous mes propriétaires connaissent mes petites histoires et c’est vrai que parfois, ils prennent peur quand je leur propose un programme un peu « bizarre » (rires) !

Pour Alan Clore, vous avez aussi organisé la première vente de dispersion par satellite. Comment cela s’est-il passé ?

C’était historique. Il a fallu discuter avec les banquiers, régler les problèmes des fournisseurs, des entraîneurs, de l’élevage… Le tout en très peu de temps. Il y avait des chevaux aux États-Unis, en Irlande, en France. On s’est dit que nous n’allions pas tous les ramener dans un seul pays. C’est pour cela que nous avons organisé cette vente en simultané dans les trois pays, par satellite. Il y avait toutes les poulinières, tous les chevaux à l’entraînement… Peter Brant avait acheté la plus chère, c’était Triptych.

Côté élevage, vous n’êtes pas en reste non plus…

J’ai élevé quelques bons chevaux comme Jukebox Jury (Montjeu), Toronado (High Chaparral) mais aussi Deep Roots (Dom Racine), qui a gagné le Morny et la Salamandre (Grs1). À force de donner des conseils aux clients, je les applique aussi pour mon propre compte.

Comment avez-vous fait le croisement de Toronado ?

J’ai acheté la mère, Wana Doo (Grand Slam), en Irlande en pensant à un client qui en aurait probablement voulu, mais non. Avec les croisements, j’essaye toujours d’innover, à défaut  d’inventer ! High Chaparral (Saddler’s Wells) était un très bon cheval, avec ses victoires de Derby, de Breeders’ Cup et ses deux places à l’arrivée de l’Arc. C’était un cheval avec des jarrets très loin derrière. Cela tombait bien car Wana Doo avait des jarrets très droits. Certes, les gènes ne se mélangent pas mais au moins je limitais les chances d’avoir un poulain ou une pouliche inexploitable en course. C’est un croisement que j’ai fait au physique et non pas au pedigree, avec un étalon que j’ai utilisé en troisième ou quatrième année, parce qu’il coûtait moins cher. Mais cela n’empêche que je l’adorais. Ensuite j’ai pu vendre Wana Doo et Toronado. Moi, je suis là pour vendre, pas pour collectionner. Quand je me retrouve dans la case propriétaire, c’est généralement un accident (rires) !

Vous avez quand même été associé sur quelques très bons chevaux, notamment Latice ou Lawman…

J’avais vu Latice au haras de la Louvière avec Enrico Ciampi. À l’époque, il avait un budget de 50.000 €. Quand nous sommes tombés sur elle, j’ai dû la voir marcher pendant trois quarts d’heure. J’étais certain que ce serait le top price de la vente. Mais une fois sur le ring, elle a mis énormément de temps à démarrer. On monte l’enchère jusqu’à 80.000€ : pas question de passer à côté. Finalement, elle est rachetée et j’ai pu l’obtenir à l’amiable pour 60.000 €. C’est comme cela que je me suis retrouvé associé sur Latice à hauteur de 20 %. Après cela, j’ai aussi acheté ses frères Lawman (Invincible Spirit) et Satri (Mujadil).

Comme la famille de Latice, celle de Sistercharlie vous a porté chance…

J’avais déjà acheté Sistercharlie 12.000 €, pour Jacques Cygler. Et pour Francis Teboul, j’avais acheté My Sister Nat (Acclamation), pour 20.000 €. Quand elle a gagné son Gr3, nous l’avons vendue aux États-Unis où elle s’est classée deuxième de la Breeder’s Cup Filly and Mares Turf (Gr1). Les deux ont été par la suite achetées par Peter Brant qui, comme moi, adore cette famille. Et d’ailleurs, je la connais très bien cette famille car si vous remontez sur plusieurs générations, vous retrouvez une jument qui s’appelait Amiel (Nonoalco), une propre sœur de Noalcoholic que j’avais achetée à Bill Du Pont De Nemours, et qui m’a appartenu durant plusieurs années.

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