BECKETT, L’ARC ET LES POULICHES

Ralph Beckett, qui fête ses 53 ans cette année, entraîne depuis vingt-cinq ans : « Mon seul objectif réaliste quand j’ai commencé était de continuer à entraîner douze mois plus tard ! C’était très précaire au début… » L’homme s’est formé auprès de personnalités de l’obstacle anglais comme Jimmy FitzGerald, Arthur Moore et Martin Pipe, avant qu’il ne prenne la relève de son dernier patron, Peter Walwyn. « Quand j’étais à l’école, je montais pour Barry Hills à Manton. Il m’a dit : « Qu’est-ce que tu vas faire quand tu quitteras l’école ? » Je lui ai répondu que j’allais être entraîneur et il m’a dit : « Ne commence pas trop jeune. » J’ai débuté à 28 ans parce que c’est à ce moment-là que Peter a pris sa retraite, et à 30 ans, je savais exactement ce que Barry voulait dire, parce que c’est un métier que vous faites pendant très longtemps… »

Ralph Beckett est issu de l’aristocratie des courses – son grand-père était le troisième baron Grimthorpe, et son cousin est Teddy Grimthorpe, longtemps manager du prince Khalid Abdullah. « J’avais des relations et je n’ai jamais fait de mystère à ce sujet. Mais il n’y avait pas de filet de sécurité financière pour l’entreprise. J’ai épousé une femme qui est extrêmement douée pour gérer une entreprise et nous avons survécu en vendant des chevaux au moment opportun. Nous avons également acheté beaucoup de chevaux « en spec » et avons ensuite passé tout l’hiver à essayer de les vendre – et je ne le recommanderais pas. Nous n’avions pas d’autre choix. »

Tout change en 2008. Look Here (Hernando) devient la première gagnante classique de Ralph Beckett, en remportant les Oaks. C’est un détonateur pour l’écurie, mais Ralph Beckett reçoit l’étiquette d’entraîneur de pouliches. « Cela ne m’a jamais dérangé d’être un entraîneur de pouliches parce que j’ai toujours pensé qu’il valait mieux être connu pour quelque chose que pour rien. Mais aucun de mes propriétaires principaux ne m’envoyait de mâles. Même les poulains issus de juments que j’avais entraînées allaient ailleurs et cela m’a légèrement frustré… »

La frustration durera plusieurs années, jusqu’à ce qu’en automne 2015 les premiers yearlings de Juddmonte arrivent à Kimpton Down Stables, l’écurie que les Beckett ont achetée quatre ans plus tôt, à côté de celle de Richard Hannon. En 2021, les premières victoires de Gr1 d’un mâle (enfin !), celles d’Angel Bleu, enfoncent le clou. Elles seront suivies dès l’année suivante par Westover, lauréat du Derby irlandais 2022 sous les couleurs de Juddmonte et deuxième de l’Arc l’an passé. 2023 était une grande année pour Ralph Beckett, même si elle se termine avec une seule victoire de Gr1… Et 11 deuxièmes places à ce niveau ! « Pendant la majeure partie de ma carrière, si nous gagnions un Gr1, c’était une année exceptionnelle, donc en ce sens 2023 a été une saison formidable et il est incongru d’être déçu par 11 deuxièmes places… Être impliqué dans toutes les conversations sur les grandes courses pour le reste de l’année, avoir des partants tous les jours à Ascot, Goodwood et York, c’est formidable. »

2024 est encore meilleure, avec comme fers de lance deux femelles (!), Bluestocking (Camelot) et You Got Me (Nathaniel). Les deux auraient pu s’affronter dans les Yorkshire Oaks (Gr1), mais Bluestocking a été finalement dirigée sur les 2.000m des Juddmonte… Sa quatrième place a sans doute été déterminante pour la suite de son programme : Ralph Beckett a préféré retourner face aux seules femelles, et sur 2.400m. Sublimée sur ce parcours, Bluestocking a remporté un Vermeille de haut vol… Il ne restait plus qu’à la supplémenter. « Je ne voyais aucune raison de ne pas le faire ! Mais c’est un immense soulagement de la voir gagner, car cela ne fonctionne pas à chaque fois ! » a commenté l’entraîneur lors de la conférence de presse post-Arc. Ralph Beckett n’est plus seulement un entraîneur de pouliches… mais il n’a pas perdu la main avec elles !