L’HISTOIRE DU PLUS GRAND SPRINT FRANÇAIS
QUAND L’ABBAYE ÉTAIT DOMINÉE PAR LES 2ANS
Le Prix de l’Abbaye de Longchamp (Gr1) a été créé en 1957 et dix ans plus tard, les dirigeants ont dû s’interroger sur la formule puisque les 2ans, avec leur avantage au poids, s’étaient déjà imposés six fois, en affichant à trois reprises le jumelé gagnant. Mais ensuite, l’histoire nous a démontré que pour les juniors, il n’est pas si facile de briller dans le prestigieux sprint du premier dimanche d’octobre.
Franco Raimondi
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Archie Watson avait annoncé après le succès d’Aesterius (Mehmas) dans les Flying Childers Stakes (Gr2), le championnat anglais de la vitesse pure, que le représentant de Wathnan Racing ferait le déplacement à Longchamp. Mais il a changé d’objectif et le poulain ira directement sur le Breeders’ Cup Juvenile Turf Sprint (Gr1). Parmi les sept juniors engagés dans le Prix de l’Abbaye de Longchamp, le seul toujours prêt à relever le défi est donc La Bellota (Mehmas) qui malgré son nom est bien un mâle (castré). Le 31 juillet, à la clôture des engagements, il venait de se classer deuxième dans un maiden à Yarmouth. Neuf jours plus tard, il a pris une autre deuxième place et le 16 août, il a été allégé de ses attributs. Après une cinquième place dans les Roses Stakes (L), huit jours seulement après être devenu hongre, il vient de faire galoper le très estimé Powerful Glory (Cotai Glory) samedi dans les Mill Reef Stakes (Gr2). Ce jour-là , il a convaincu son entraîneur John Ryan que le coup était jouable : « Le terrain est fréquemment très souple ou lourd et il a démontré à Newbury qu’il y est à son aise. Nous avons une semaine pour réfléchir et le propriétaire n’est pas contre. Je trouve qu’il serait insensé de l’aligner en favori couru dans un maiden à ce stade de la saison. De plus, les courses sur 1.000m ou 1.200m sont rares à cette période de l’année. »Â
Si les 2ans qui ont remporté le Prix de l’Abbaye de Longchamp sont huit, il n’y a parmi eux qu’un seul mâle, Silver Shark (Buisson Ardent). C’était en 1965… ce qui montre l’ampleur du défi que devra relever La Bellota. L’autre difficulté statistique, c’est qu’aucun cheval n’a jamais ouvert son palmarès dans le plus grand sprint français. Voilà autant de points d’interrogation sur le challenge tenté par La Bellota, qui arrive au rendez-vous avec un rating de 104. Il possède sans doute de la marge, mais même si le niveau des chevaux de 1.000m en Europe a baissé au cours des dernières années, il faudra plus pour gagner l’Abbaye ou y prendre une place.
The Platinum Queen après Sigy
Il y a deux ans, The Platinum Queen (Cotai Glory) a démontré que pour les juniors, le Prix de l’Abbaye de Longchamp n’est pas une course interdite. Elle était arrivée au rendez-vous en grande favorite (1,4), après avoir terminé deuxième des Nunthorpe (Gr1) et des Flying Childers Stakes (Gr2). Le lot n’était pas exceptionnel et elle a gagné de haute lutte, mettant fin à un passage à vide des 2ans qui durait depuis 1978, l’année de Sigy (Habitat). Quarante-quatre ans, c’est beaucoup, surtout après leur excellent score lors des dix premières éditions.
Une victoire et trois places en 25 éditions
Nous avons passé au crible les 25 dernières éditions. Les 2ans qui ont couru le Prix de l’Abbaye de Longchamp sont au nombre de 16 et le score est d’une victoire et trois places. Ce 25 % de réussite dans les trois premiers n’est pas si mauvais, surtout dans une course avec beaucoup de partants (16,5 en moyenne). Le score des 3ans et plus dans les trois premiers est d’ailleurs inférieur, à 17,8 %. Les éditions sans aucun junior au départ ont été 11. Dans les dix dernières années, les 2ans se sont présentés au départ huit fois et, en plus de la victoire de The Platinum Queen, on a enregistré la troisième place de Soldier’s Call (Showcasing), battu à la photo après une bataille prématurée avec Battaash (Dark Angel), qui a coûté la course aux deux. Il y a aussi un autre indicateur : cinq sur les neuf qui ont couru depuis 2014 avaient hérité une mauvaise place à la corde, un gros handicap. Dans les quinze éditions de 2013 à 1999, les juniors se sont alignés six fois avec les deuxièmes places de Kingsgate Native (Mujadil) en 2007 et de la pouliche Superstar Leo (College Chapel) en 2000, qui ont trouvé sur leur chemin deux sprinters autour de 120 de rating comme Benbaun (Stravinsky) et Namid (Indian Ridge).
La qualité des sprinters est à la baisse
La qualité des sprinters, malgré le fort développement du créneau vitesse et précocité dans l’élevage commercial, n’est plus celle qu’elle était autrefois. Les très bons partent très tôt au haras et le sprint, après la campagne de 3ans, devient un sport pour les femelles et les hongres. Ce n’est pas par hasard que, dans les 25 dernières éditions, les entiers ont gagné sept fois. Alors que de 1973 à 1998, ils ont remporté 12 victoires malgré la concurrence de femelles d’exception dans la spécialité comme Lochsong (Song) et Committed (Hagley) qui ont réussi le doublé, Marwell (Habitat) et la française Lianga (Dancer’s Image).
Texana, la première
En repassant l’histoire du Prix de l’Abbaye de Longchamp, nous avons trouvé que les dix premières éditions ont été gagnées par les pensionnaires de deux génies de l’entraînement : François Mathet (sept) et Étienne Pollet (trois). Pour eux c’était logique de courir un 2ans de vitesse face aux chevaux d’âge. Dans le Racehorses of 1957, la lauréate de l’Abbaye de Longchamp Texana (Relic) avait mérité un rating de 136, le même attribué à Crepello (Donatello) qui avait gagné les 2.000 Guinées et une édition super du Derby ! Le meilleur sprinter anglais Right Boy (Impeccable) était à 127. Texana a remporté le Prix de l’Abbaye de Longchamp et est restée invaincue en 11 sorties à 2ans… Â