DOUBLE R
La mode a son double RL (RRL, comme Ricky et Ralph Lauren) ; les courses françaises auront bientôt leur double R… RR comme Rouget et Reynier, dont les noms seront associés sur les programmes de course officiels à partir du 1er janvier 2025. Jean-Claude et Jérôme ont en effet acté la réunion de leurs deux écuries cette semaine et lanceront leur collaboration dès cet été. Ils ont choisi JDG pour expliquer leur choix et le fonctionnement futur de ce qui sera, assurément, la plus grande écurie de tous les temps sur notre sol avec près de 250 chevaux répartis sur trois sites : Deauville, Calas et Pau.
Mayeul Caire
mc@jourdegalop.com
ROUGET/REYNIER : LA GRANDE INTERVIEW
Jour de Galop. – Comment est née l’idée de réunir vos effectifs ?
Jérôme Reynier. – C’est drôle la vie. Je conduisais Lazzat à Deauville pour courir le Djebel le 8 avril dernier quand Jean-Claude m’a appelé pour me proposer de dîner le soir même chez lui. Je me suis arrêté sur une aire d’autoroute pour lui apporter une bouteille de bourgogne de Bourgogne (rires) ! Et nous avons passé une très bonne soirée ensemble, en parlant de tout et de rien devant les courses qui avaient lieu en semi-nocturne à Toulouse. Le lendemain, nous étions adversaires dans le Djebel et nous avons terminé premier et deuxième…
C’est à ce moment-là que vous avez abordé l’idée de travailler tous les deux ?
Non. Je l’avais simplement questionné sur l’avenir de son écurie et sur son avenir à lui mais sans pour autant évoquer quoi que ce soit ensemble. Le cheminement s’est fait dans son esprit ensuite et nous avons commencé à échanger avec sa fille Céline et avec lui. Il y a quelques jours, j’ai passé un peu de temps à Biarritz avec eux et les choses se sont faites assez rapidement. Nous sommes tombés d’accord pour tout réunir et pour partager une belle aventure humaine et sportive.
Quand cette réunion sera-t-elle effective ?
La réunion de nos deux écuries sera officielle à partir du 1er janvier 2025. À ce moment-là, nos deux noms seront associés sur le programme de France Galop.
Sur combien de sites travaillerez-vous ? Et comment se fera la répartition des chevaux, sur quels critères ?
Nous nous adapterons en fonction du programme et des chevaux. Il n’y a pas lieu de chambouler un cheval qui est bien dans un environnement. Tout sera fait sur mesure. Je peux vous citer, à ce sujet, l’exemple de Lazzat. Le cheval se plaît beaucoup à Calas mais si nous voulons voyager avec lui en Australie, il va devoir accepter deux semaines de quarantaine à Newmarket et deux semaines de quarantaine en Australie. Donc il faut volontairement le chambouler gentiment, afin qu’il perde un peu ses repères, et c’est pourquoi il reste à Deauville. Chaque jour, nous regardons comment il s’adapte à ce changement d’environnement. Visiblement, hier (mardi), il était un peu excité de la course et par le fait d’être monté sur une nouvelle piste. Mais ce matin (mercredi), il était déjà beaucoup mieux. Ce qui s’applique à lui sera vrai aussi pour les autres chevaux : nous serons très malléables et tout sera très réfléchi pour ce qui est du programme, d’opportunités et d’adaptation. Nous travaillons avec du vivant donc nous sommes sans cesse en train d’optimiser les choses.
Comment allez-vous faire personnellement ?
Je vais partager mon temps entre Marseille et Deauville et nous verrons si je dois passer plus de temps à Deauville qu’à Marseille ou si je dois répartir mon temps équitablement… Il faudra savoir quelles sont les personnes clés qui me seconderont sur ces deux sites. Tout sera une question d’organisation. Mais dès que l’on a les bonnes personnes aux bons postes, ça va tout seul.
Combien de chevaux allez-vous entraîner ?
J’ai cinquante boxes à Calas ; Jean-Claude en a quatre-vingts à Deauville et si l’on ajoute Pau, cela fait près de deux cent cinquante chevaux.
La vente d’août Arqana approche à grands pas. Comment allez-vous choisir les yearlings ? Qui va acheter ?
Le plus souvent, nos propriétaires sont conseillés par des courtiers et ces courtiers nous demandent notre opinion mais ils ont déjà bien parcouru le catalogue et vu tous les yearlings. Je pense par exemple à Al Shaqab avec Nicolas de Watrigant ou à Peter Brant avec Michel Zerolo… Nous travaillons en équipe avec les propriétaires, leurs conseillers. Quoi qu’il en soit, en août, ni Jean-Claude ni moi n’achetons beaucoup « en spec » [sans avoir de client, NDLR].
Comment les yearlings seront-ils répartis entre les différents sites ?
Rien n’est encore décidé. Personnellement, j’ai rentré dernièrement de meilleurs chevaux, des yearlings ou des 2ans de breeze up achetés pour des sommes conséquentes, comme un Blue Point que Mike Repole a payé 280.000 Guinées à la Craven Sale : je l’entraîne à Calas pour lui… Il ne faut donc pas avoir une approche qui serait péjorative ou méliorative, sous prétexte qu’un jeune cheval va à Marseille, à Pau ou à Deauville. En parlant avec vous, je pense qu’il pourrait par exemple être intéressant, d’un point de vue structurel et opérationnel, d’utiliser les boxes de Deauville pour stationner les chevaux en mesure de courir et d’utiliser les bases provinciales pour former les jeunes chevaux. Mais ce n’est que l’une des idées possibles et comme je vous l’ai dit, nous devons en parler avec Jean-Claude pour faire le bon choix.
Comment vos clients ont-ils réagi à l’annonce ?
Tous très favorablement ! Bruno Barbereau a aidé Jean-Claude à informer sa clientèle et j’ai moi-même rencontré quelques-uns de ses clients à Deauville. De mon côté, je suis en train de prévenir les propriétaires qui m’ont confié leurs chevaux.
Que leur dites-vous ?
La réunion de nos deux écuries sera officielle à partir du 1er janvier 2025. À ce moment-là, nos deux noms seront associés sur le programme de France Galop.
La même chose que ce que je vous dis à vous aujourd’hui : je suis convaincu que la réunion des deux écuries va maximiser les opportunités et que tout le monde va y gagner. À deux, nous serons plus forts et il va être passionnant de partager tout cela ensemble, en essayant d’obtenir les meilleurs résultats possible.
Et vos échanges au quotidien avec Jean-Claude ?
Nous parlons beaucoup ! C’est passionnant d’analyser le présent et de réfléchir à la meilleure manière de faire les choses dans les mois qui viennent. Il y a tant à faire. Ce ne sont pas les sujets qui manquent. Nous sommes souvent d’un avis très proche.
Un dernier mot sur les jockeys : vous avez les vôtres et Jean-Claude Rouget a les siens. Qui aura la priorité ?
Nous avons un point commun avec Jean-Claude, c’est que nous effectuons un travail d’équipe. Il a toujours fait confiance à son équipe de jockeys, que ce soit Jean-Bernard Eyquem, Cristian Demuro ou Coralie Pacaut et moi j’en ai toujours fait de même, de Guillaume Millet à Gabriele Congiu, en passant par Nicolas Perret et aujourd’hui Antonio Orani ou Manon Germain comme apprentie… J’ai toujours travaillé en faisant confiance à mes pilotes. La preuve en est avec Lazzat qui a placé Antonio dans la lumière. Antonio était déjà le meilleur à Marseille mais il a aussi, désormais, une superbe réussite dans les courses de Groupe. Mais pour en revenir à votre question, en résumé, il ne devrait pas y avoir de bouleversement dans les rangs des jockeys.
Jean-Claude Rouget : « J’apprécie le travail de Jérôme »
« Je connais Jérôme Reynier depuis quelques années et quand je regardais son fonctionnement, tout ce qu’il faisait me plaisait. Nous n’étions pas proches mais nous nous entendions très bien. L’idée m’est venue en début d’année, je me disais qu’à 71 ans, je serais heureux de préparer l’avenir en m’associant à un jeune talent. Je suis très attaché à la pérennité des choses et quand nous avons commencé à échanger avec Jérôme, tout a été assez rapide. Nous allons nous atteler dans les mois qui viennent à construire ensemble notre avenir commun. Les équipes sont bien en place. Et de mon côté, je devrais acheter des chevaux en octobre comme j’ai l’habitude de le faire. »