RICHARD VIEL : « EN 2024, NOUS DONNERONS 3 M€ DE PLUS QU’EN 2023 »
En 2023, le PMU avait connu une année très forte avec plus de 10 milliards d’euros d’enjeux et un résultat net à 835 millions d’euros. Avec des enjeux en difficulté depuis le début de l’année, se dirige-t-on vers un tout autre scénario pour la filière ? Nous avons posé la question au président du conseil d’administration du PMU, Richard Viel.
Jour de Galop. – Combien ont coûté les Jeux Olympiques au PMU ?
Richard Viel. – Les JO nous ont privés de 35 millions d’enjeux. Je parle bien d’enjeux, pas de produit brut des jeux ni de retour à la filière.
L’événement venait après un début d’année difficile, qui vous avait conduit à baisser le retour filière prévisionnel 2024 de 851 M€ à 838 M€. Allez-vous devoir à nouveau dégrader ce chiffre ?
Non. L’activité est repartie immédiatement après la clôture des Jeux. Nous allons pouvoir délivrer les 838 M€. En complément, j’aimerais dire une chose extrêmement importante : certaines personnes se sont focalisées sur la baisse du prévisionnel de 851 à 838 M€ ; c’est exact, nous aurions préféré atteindre 851 ; mais 838, c’est 3 M€ de plus qu’en 2023 ! Les socioprofessionnels du galop et du trot doivent savoir qu’en 2024, nous verserons 3 M€ de plus qu’en 2023, ce qui représente une croissance. Tous les secteurs de grande consommation – avec l’inflation, la hausse de l’énergie, la baisse du pouvoir d’achat, l’Euro de football, la crise politique, les JO, etc. – ne peuvent pas en dire autant !
Le PMU est donc résilient ?
C’est réconfortant et surtout, cela déjoue les pronostics les plus pessimistes que nous avons pu entendre. Bien sûr, s’il y a une nouvelle crise Covid, les Gilets jaunes dans la rue, des émeutes d’ici la fin de l’année, il sera plus compliqué de tenir cet objectif…
« Sur les enjeux, j’en appelle à la prudence plutôt qu’au surdiagnostic permanent »
Comment expliquez-vous le pessimisme ambiant face à l’évolution du PMU ?
Il y a une culture dans l’hippisme que je n’ai vue nulle part à ailleurs. Pas plus tard que ce matin [l’interview a été réalisée lundi après-midi, ndlr], lors de l’assemblée générale des éleveurs, quelqu’un est venu me voir pour me dire que sur la journée de dimanche, il y avait une différence par rapport à l’année d’avant… Certes, mais en 2024, il n’y avait pas la masse commune avec Hongkong sur cette journée. Nous avons en revanche eu une réunion en juillet qui comprenait la masse commune avec Hongkong, il ne s’agit donc que d’un décalage ! Et des exemples comme celui-ci, j’en ai des centaines. C’est pourquoi j’en appelle à la prudence plutôt qu’au surdiagnostic permanent. Ne comparons pas les chiffres sur une journée mais sur un historique plus large.
Il y avait quand même des raisons d’être inquiet fin avril…
Le PMU est solidaire des maisons mères, et comme elles, nous nous serrons la ceinture pour atteindre un résultat à 838 M€. Nos résultats du premier trimestre ont été fortement impactés par l’inflation. Celle-ci avait débuté en octobre dernier mais, dans l’activité du PMU, elle avait été masquée par le bon démarrage de notre nouveau Quinté +. À cette inflation inédite est venue s’ajouter la hausse du coût de l’énergie, elle aussi inédite. Les deux réunies ont énormément pesé sur le portefeuille des Français durant les quatre premiers mois de l’année. En mai, nous avons redressé la tête, car la situation économique des Français était meilleure. Le mois de juin a été très bon, sachant que l’Euro de football nous a moins pénalisés que prévu.
« Nous ne perdons plus de clients »
L’an dernier, le PMU avait annoncé vouloir recruter un million de clients supplémentaires. Le projet est-il toujours d’actualité ?
Oui, il s’agit toujours de l’objectif ! Déjà , depuis 2022, nous ne perdons plus de clients. Nous en gagnons entre 100.000 et 110.000 par an. Mais cela ne nous donne pas encore le million de clients espérés. Lorsque nous avons annoncé cet objectif, il était question que ce recrutement passe par d’autres types de jeux, capables d’amener de nouveaux clients vers l’hippique. Or, nous n’avons pas encore pu mettre en place ce nouveau périmètre. Du moins pour l’instant.
Vous pensez au pari sportif ?
Aujourd’hui, la part de marché du PMU dans le pari sportif est de l’ordre de 2 %. Nous avons l’autorisation des maisons mères pour avancer sur ce type de pari. Nous sommes allés les voir pour leur demander d’investir dans ce domaine avec l’objectif d’être, d’ici à la Coupe du monde 2026, totalement opérationnels et au même niveau que les meilleurs du domaine. Nous avons commencé à recruter des compétences en interne, avec notamment un nouveau directeur de l’e-commerce en provenance de Zeturf/Zebet. Nous sommes en train de construire une vraie équipe du digital spécialisée dans le sport. Ensuite, nous devrons être soutenus car l’investissement sera conséquent. Les parts de marché sont très chères à reconquérir. Les salariés de PMU sont engagés, mais comme je l’ai déjà dit : une stratégie ne réussit que si elle est portée par une solidarité globale, tous ensemble. C’est-à -dire avec les maisons mères.
Pour être plus précis, qu’attendez-vous du Galop et du Trot ?
La filière a besoin de long terme pour se sécuriser. En ce sens, il va falloir prendre les bonnes décisions. Les maisons mères vont devoir se poser la question suivante : pensent-elles être capables d’absorber la croissance de leurs besoins via la seule croissance du pari hippique ? À mon sens, c’est impossible. Et c’est pour cela qu’il faut aller chercher des clients parmi les 27 millions de Français qui jouent sur autre chose que le pari hippique. Cela peut passer par le grattage, les courses anonymisées à la demande, mais aussi par la croissance de notre offre sport, où notre retard est important. Si les maisons mères sont d’accord, elles vont devoir avec l’État prendre les dispositions pour élargir notre champ d’action.
« Tout le monde doit comprendre que, dans la situation actuelle, le PMU ne lutte pas à armes égales avec les autres acteurs du marché »
Selon vous, le PMU doit-il devenir une société privée ?
C’est aux maisons mères de se prononcer. Tout le monde doit comprendre que le PMU, dans la situation actuelle, ne lutte pas à armes égales avec les autres acteurs du marché. Nous sommes, par exemple, face à des concurrents qui ont le droit de s’endetter et d’acheter d’autres sociétés, ce qui n’est pas notre cas. Nous n’avons pas non plus de partenaires financiers investisseurs, contrairement aux autres. J’insiste : si, année après année, nous ne faisons que réaliser des économies quand d’autres se développent, l’avenir s’annonce difficile. Pas uniquement pour le PMU, mais aussi pour la filière…
Pour tenter de rattraper le retard, le PMU va-t-il lancer de nouveaux jeux d’ici la fin de l’année ?
Il n’y aura pas de nouveau jeu d’ici 2025 mais l’offre existante sera retravaillée. Dès septembre, nous allons renforcer le dispositif sur les Super Samedis et mettre également des boosters sur le jeu Simple, ce qui est nouveau. Nous retravaillons aussi le Simple dans son ensemble avec le lancement de la formule Spot sur le Simple. Agir ainsi nous permet d’avoir un impact immédiat sur nos clients.
Les difficultés du PMU ne viennent-elles pas aussi de l’échec de la Question du jour ou du Big5 ?
Pour l’instant, il n’est question d’arrêter ni l’un ni l’autre. La Question du jour est pénalisée par des conditions réglementaires trop restrictives. Nous discutons avec l’ANJ pour les améliorer. Pour ce qui est du Big5, je rappellerai que ce jeu vertical était très demandé par les parieurs. Nous n’avons pas toujours les masses suffisantes. Mais nous voulons laisser du temps à ce produit.
Il y a trois semaines, le PMU annonçait la fin des GPI (les grands parieurs internationaux) sur le Quinté +. Un premier effet est-il visible ?
Les GPI gagnaient tellement au Quinté+ que la situation devenait intolérable. Depuis cette mesure au 1er août dernier, nous avons eu en quelques jours un gagnant à 2,6 M€ et un autre à 700.000 €. Cela faisait des années que nous n’avions pas connu cela. Il a fallu du courage pour prendre cette décision, car les GPI rapportent à la filière. Ils représentent près de 10 % de ce que l’on verse aux maisons mères, d’où les inquiétudes légitimes lorsque nous avons estimé qu’il était nécessaire de se passer d’eux. Les GPI restent présents sur les autres jeux que le Quinté +, mais nous sommes vigilants.
« Notre marque est incroyable mais pas assez attractive auprès des jeunes »
Quelle est l’image du PMU dans la société française ?
Le PMU est connu de tous les Français. Notre marque est incroyable, mais elle n’est pas assez attractive auprès des jeunes générations. Nous bénéficions cependant de beaucoup de soutien politique et institutionnel grâce à nos 240 hippodromes et au maillage de nos 14.000 points de vente. Et plus largement, notre modèle mutuel sert de référence à l’étranger. Nous avons donc de beaux atouts.
Ces dernières années, le PMU avait alerté les maisons mères sur les courses creuses. Les équipes opérationnelles ont travaillé depuis sur le sujet. En matière d’enjeux, cela s’est-il ressenti ?
Le travail sur l’optimisation du nombre de partants a porté ses fruits. Il a rapporté près de 100 M€ d’enjeux. Je suis convaincu que cela peut nous permettre de gagner encore davantage. Aujourd’hui, nous savons que lorsque nous sommes en mesure de proposer des courses à quinze ou seize partants, les parieurs répondent présent.