0,00 EUR

Votre panier est vide.

0,00 EUR

Votre panier est vide.

jeudi 6 mars 2025
AccueilÉlevagePOURQUOI LE SHUTTLE NE FONCTIONNE-T-IL QUE DANS UN SENS ?

POURQUOI LE SHUTTLE NE FONCTIONNE-T-IL QUE DANS UN SENS ?

POURQUOI LE SHUTTLE NE FONCTIONNE-T-IL QUE DANS UN SENS ?

Ces dernières 72 heures, plusieurs étalons australiens ont brillé en France. Pourtant, le shuttle semble au point mort. Pourquoi ? Est-ce aussi le cas dans l’autre sens, c’est-à-dire les étalons européens qui vont faire la monte en Australie ?

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Dimanche, c’est Dubai Honour (Pride of Dubai) qui a remporté le Grand Prix de Saint-Cloud (Gr1). La veille, Mgheera (Zoustar) survolait le Prix Hampton (L). Deux produits d’étalons australiens mais qui ont été conçus en Europe. À bien y regarder, cela devient rarissime. Si on épluche la longue liste des épreuves black types déjà courues cette année en Europe, on retrouve trace des succès de Bright Stripes (Starspangledbanner) en Irlande, de Stay Alert (Fastnet Rock) en Angleterre, d’Atzeco (Fastnet Rock) en Italie et de Maigret (Counterattack) en Allemagne. Cela représente donc six victoires sur les 300 épreuves black types qui se sont courues depuis le mois de janvier dans les cinq principaux pays européens. Une goutte d’eau dans un océan de caractère gras.

Le shuttle est-il cassé ?

Parmi les pères de ces lauréats black types, seul Starspangledbanner (Choisir) continue à prendre l’avion. Pride of Dubai (Street Cry) et Zoustar (Northern Meteor) n’ont pas fait la monte cette année en Europe. Fastnet Rock (Danehill) n’a plus sailli dans l’hémisphère Nord depuis 2021 (et il a pris sa retraite en 2024). Counterattack (Redoute’s Choice) n’a jamais officié dans l’hémisphère Sud. En Angleterre, cette année, il n’y avait tout simplement plus aucun étalon né en Australie offert à la monte publique. En Irlande, il n’en reste que deux, Kuroshio (Exceed and Excel) et Starspangledbanner. Si on regarde le top 50 des étalons pour la saison européenne 2024, on ne trouve qu’un australien de naissance (encore et toujours Starspangledbanner) mais trois américains (No Nay Never, Justify et Caravaggio).

Au même moment, on a appris ce matin à l’aube que Too Darn Hot (Dubawi) ne ferait plus le voyage et qu’il allait désormais uniquement saillir en Europe. Après quelques échecs retentissants en Europe d’étalons confirmés aux antipodes – de So you Think (High Chaparral) à Redoute’s Choice (Danehill) –, on peut donc se demander si « la double saison » est un concept mort et enterré.

Deux salles, deux ambiances

Dans les faits, on constate que le top 50 des pères de gagnants en Australie compte toujours un nombre significatif d’étalons nés dans l’hémisphère Nord : Teofilo (12e), Toronado (13e), American Pharoah (20e), Shalaa (31e), Maurice (36e), Justify (43e), Almanzor (49e) et Fiorente (50e). En Australie, Coolmore continue à proposer Churchill (Galileo), St Mark’s Basilica (Siyouni) et Wootton Bassett (Iffraaj). De son côté, Darley propose aux éleveurs des antipodes Blue Point (Shamardal), Ghaiyyath (Dubawi), Harry Angel (Dark Angel), Native Trail (Oasis Dream), Pinatubo (Shamardal) ou encore Victor Ludorum (Shamardal).

On ne prend pas le risque d’envoyer un étalon à l’autre bout du monde pour faire du tourisme. S’ils y vont, c’est que le marché local s’intéresse à eux. En matière de navette, en 2024, c’est donc un peu « deux salles, deux ambiances » : l’Europe ne veut pas ou plus de sires australiens, mais l’Australie et la Nouvelle-Zélande ouvre encore un peu la porte aux jeunes étalons venus d’Europe.

Cela ne marche-t-il vraiment pas ?

Le marché, partout dans le monde, est devenu ultra-sélectif, alors même qu’en matière de sport hippique et d’élevage, la réussite reste l’exception. C’est particulièrement vrai en Irlande et en Angleterre. Et le marché, justement, a besoin d’exemples positifs auxquels se raccrocher pour lancer une tendance. Une bonne partie des premiers fils au haras de Dubawi (Dubai Millennium) ou de Pivotal (Polar) n’ont pas fait de miracles, mais il suffit de quelques réussites marquantes (Siyouni, New Bay, Zarak, Night of Thunder…) pour qu’ils soient perçus comme des pères de pères. Quand Justify (Scat Daddy) ou No Nay Never (Scat Daddy) « sortent » des classiques, on a déjà oublié les autres fils de Scat Daddy (Johannesburg) qui sont sortis par la petite porte pour faire la monte hors d’Europe… Ma question est la suivante : dans l’océan de jeunes sires qui débutent tous les ans, a-t-on suffisamment essayé d’étalons australiens en Europe pour être certains que c’est un échec complet et total ?

Pour être tout à fait honnête, je n’en suis pas certain. Car au final, ils ont toujours été une ultraminorité parmi les dizaines de nouveaux venus qui débarquent tous les ans dans le parc européen. Or, on le sait, même parmi les meilleurs profils, il faut en essayer énormément pour « sortir » une perle. En outre, plusieurs ont eu des résultats tout à fait enviables avec leurs produits conçus lors de leurs saisons européennes, comme Fastnet Rock (13 % de black types par partant), Exceed and Excel (12 % de black types par partant) ou encore Starspangledbanner (13 % de black types par partant). Un tel taux de réussite correspond au top 20 des étalons actifs en Europe (selon ce critère). Mais pour marquer les esprits et convaincre les éleveurs européens d’aller chercher plus d’australiens, il aurait fallu une réussite équivalente – aux ventes et dans les Grs1 – à celle d’un Lope de Vega (Shamardal), d’un Wootton Bassett ou d’un Kingman (Invincible Spirit). C’est la force de l’exemple positif. En contrepartie, tout ce qui ne correspond pas à cela n’est pas considéré comme une réussite. Il n’y a aucune nuance, aucune « souplesse » dans le jugement de la « main invisible » : c’est noir ou c’est blanc. Certains étalons australiens ont transmis des problèmes respiratoires qui ont refroidi les acteurs européens. Et quand un cheval comme Redoute’s Choice échoue – contre toute attente – en Europe, les éleveurs sont comme « marqués au fer rouge » par cet échec extrêmement visible qui éclipse tout le reste. En matière d’élevage (équin), la psychologie (des humains) est hyper importante !

Ce qui est vrai

La décision de ne plus faire voyager Too Darn Hot a pris tout le monde de court en Australie car il va être très certainement sacré meilleur étalon de première production et il était annoncé à 110.000 dollars australiens (environ 70.000 €) pour la prochaine saison de monte. Il fait partie des rares cas de reproducteurs qui réussissent avec autant d’éclat dans les deux hémisphères. Avant lui, il y avait bien sûr More than Ready (Southern Halo) et Danehill (Danzig). Mais d’une manière générale, les étalons capables de briller avec la même force des deux côtés du globe restent l’exception parmi les exceptions. Car d’un hémisphère à l’autre, tout change : le programme, la manière d’entraîner, les courants de sang de la jumenterie, le profil des hippodromes, l’état du terrain…

Prenons un exemple volontairement extrême. Celui de Galileo (Sadler’s Wells). Dans l’hémisphère Nord, il compte 27 % de black types par partant et tout le monde s’accordera pour dire que c’est LA référence de notre temps. Or chez ses foals conçus en Australie, le taux de black types est de 12 %. C’est un bon taux de réussite, mais c’est deux fois moins que chez nous. Enfin, en Europe, il est très difficile pour un étalon d’atteindre les sommets s’il ne sort pas des chevaux qui tiennent au moins le mile. C’est assez contradictoire, vu la mode qui pousse vers la précocité, mais le gratin européen reste l’étalon classique. L’étude publiée par Bryan Mayoh dans le Racing Post voici quelques années est tout à fait éclairante.

Pourquoi il faut continuer

Le grand problème, c’est qu’avant de l’essayer, personne ne sait si un étalon va réussir, ou non, dans un hémisphère. Il ne va pas être facile de refaire venir en Europe des étalons australiens après les déceptions récentes. À l’inverse, il est important de continuer à envoyer des sires européens en Australie et en Nouvelle-Zélande (ou même en Amérique du Sud). D’une part, c’est une source de revenus et de valorisation importante. Mais c’est aussi – dans un contexte imprévisible – donner deux chances de réussite à un étalon. L’hémisphère Sud a permis à Shalaa (Invincible Spirit), Ribchester (Iffraaj) ou encore Toronado (High Chaparral) de poursuivre leur carrière de reproducteur dans de bonnes conditions, alors que l’Europe leur tournait le dos. Que se serait-il passé si leur entourage n’avait pas pris le risque de les faire monter dans l’avion ?

L’avis d’un expert australien

Bren O’Brien est (à mon avis) l’un des meilleurs journalistes hippiques au monde (c’est subjectif bien sûr) et son média (The Straight) est une mine d’or pour qui veut comprendre l’Australie. Lundi matin, il m’a confié : « La filière hippique est mondialisée. Et les bons chevaux, qu’ils soient en course ou au haras, ont théoriquement des opportunités à plusieurs endroits de la planète. Cela étant dit, après des décennies de mondialisation, les préjugés restent tenaces. En particulier pour les chevaux qui font la navette entre les deux hémisphères. » Malgré tout, les Australiens ont encore souvent en tête la success story d’un Danehill et celles d’autres étalons qui ont fait le shuttle avec succès par la suite (même si beaucoup ont échoué). Si Sadler’s Wells (Northern Dancer) ou Galileo venaient de l’autre bout du monde, nous (Européens) aurions assurément un à priori positi ! 

Pride of Dubai et Zoustar

En Australie, Pride of Dubai (Street Cry) fait la monte pour l’équivalent de 13.500 €. Bren O’Brien analyse : « Pride of Dubai a connu une réussite supérieure en tant que père de chevaux de course qu’en tant que géniteur de yearlings de vente. Son pedigree est vraiment international. Ses deux grands-pères, Danehill et Machiavellian, sont américains. Ses deux grands-mères, Helen Street et Eljazzi, sont européennes. D’une certaine manière, génétiquement parlant, Pride of Dubai était prédisposé à bien faire en Europe. Mais il n’a officié que trois saisons chez nous. C’est trop peu de temps. » Pride of Dubai a connu un taux de réussite assez proche dans les hémisphères Sud (7,8 % de black types par partants) et Nord (6,5 %). Au contraire, Zoustar réussit deux fois mieux avec ses foals australiens (12,6 %) qu’européens (6,3 %). Bren O’Brien détaille : « Il a un profil très différent, un peu comme Exceed and Excel. C’est-à-dire de véritables sprinters à l’australienne, avec un pedigree en totale cohérence avec cette orientation. Tout pousse à croire que Zoustar est le futur grand étalon chez nous. Il a une réelle chance de parvenir à être tête de liste. C’est l’un des seuls capables de sortir 200 gagnants cette saison. Il a des « stats » extraordinaires en Australie et saillit énormément. Dès lors, sa valeur est colossale. Pendant cinq saisons européennes, l’équipe de Tweenhills a fait du super boulot, avec des juments de qualité et un soutien sans faille. Mais quoi que l’on en dise, il a eu une jumenterie supérieure dans l’hémisphère Sud grâce à son succès précoce, ayant été first-season sire en 2017/2018. »

Le cas Starspangledbanner

Il est difficile de savoir ce que Starspangledbanner serait devenu s’il n’avait pas été pénalisé par des problèmes de fertilité (désormais résolus). Assurément, c’est un bon étalon qui officie à 45.000 € en Irlande. Cet australien de naissance n’a produit qu’un seul lauréat de Gr1 dans l’hémisphère Sud, contre six en Europe ! Pourtant, en Australie, il a un bon taux de réussite. On touche encore une fois, là, aux problèmes de l’appréciation, parfois subjective, d’un sire qui peut être différente en fonction de l’endroit où l’on se trouve : « C’est l’un des sept étalons à avoir un taux de gagnants par partant supérieur ou égal à 50 % en Australie. Le problème, c’est que lorsqu’il a connu ses problèmes, il a été un peu mis de côté et le train de la mode est passé. Je pense qu’il n’est pas apprécié à sa juste valeur en Australie. Mais il pourrait faire son come-back en sortant une paire de grands chevaux dans sa production australienne car dernièrement, le niveau des juments qu’il a saillies ici s’est amélioré. À mon sens, chez vous, l’étalon est vraiment apprécié à sa juste valeur. C’est aussi un cheval qui a été capable de gagner sur le mile, ce qui est intéressant dans le contexte européen. Son pedigree et ses performances en Angleterre donnaient aussi des garanties aux éleveurs d’Europe. »

L’Australie a beaucoup changé.

Danehill a en quelque sorte « lancé » la mode du shuttle et il est devenu LE chef de race du stud-book australien. Avant lui, les étalons tête de liste en Australie étaient souvent des seconds couteaux en course, dont l’Europe se débarrassait (Sir Tristram, Star Kingdom, Better Boy, Showdown, Wilkes…) Après lui, l’Australie a produit ses propres reproducteurs de premier plan. : « Désormais, il est plus difficile pour un jeune étalon venu de l’hémisphère Nord de se faire une place en Australie. D’une certaine manière, l’hyper concentration de la filière locale sur les 2ans ultra-précoces et la lignée de Danehill a rendu la tâche plus compliquée pour les étalons venus de l’extérieur. Contrairement à ce qui avait cours par le passé, la scène locale est désormais dominée par des sires nés, fabriqués et exploités sur place. Mais pour les stars, cela reste jouable : on le voit avec Justify ou encore Too Darn Hot ces deux dernières années. Il faut bien comprendre que l’élevage australien est totalement commercial. On élève pour vendre des yearlings. C’est LE but. Et le lien entre résultats en course et résultats aux ventes est moins fort qu’en Europe.

Par ailleurs, les étalons venus d’Europe ne sortent pas forcément ces yearlings qui ressemblent à des 2ans hyper précoces et très puissants. Et c’est aussi le cas d’étalons nés dans l’hémisphère Sud avec des supers résultats en piste, comme So you Think ou Pride of Dubai, mais dont les produits ne sont pas hyper commerciaux le jour des ventes. Le cas de la Nouvelle-Zélande est sensiblement différent, avec un élevage un peu plus proche de ce qui existe en Europe, avec plus de tenue. En Australie, les choses sont aussi un peu contradictoires en matière de programme de course. Les chevaux de distances intermédiaires, voire les stayers, ont toujours beaucoup de bonnes courses et de belles allocations. Mais les yearlings qui ont le profil pour ces épreuves ne se vendent pas bien. Pour les propriétaires australiens, il est plus avantageux de chercher un cheval à l’entraînement en Europe que d’attendre qu’un poulain australien de tenue arrive à maturité. »

Siyouni disponible pour la saison hémisphère Sud

L’étalon du haras de Bonneval sera à nouveau disponible pour saillir un nombre limité de juments pendant la saison hémisphère Sud cette année. Étalon de tête en Europe, Siyouni (Pivotal) réussit aussi très bien en Australie avec 60 % de gagnants par partant, dont la gagnante de Gr1 Amelia’s Jewel et le placé de Gr1 Nugget.

Georges Rimaud, directeur des Aga Khan Studs en France, a commenté : « Nous sommes heureux de proposer à nouveau Siyouni cette année aux éleveurs souhaitant faire saillir leurs juments pendant la saison hémisphère Sud. Avec seulement quelques partants à ce jour en Australie, il affiche un taux de réussite impressionnant. Beaucoup ont remarqué à quel point il signe ses produits, qui correspondent physiquement très bien au marché australien. Nous invitons les éleveurs intéressés à nous contacter pour discuter des conditions. »

Une série sur Danehill à ne pas manquer

Sous la plume experte de Nancy Sexton, The Thoroughbred Report a publié une série d’articles passionnants sur l’histoire de Danehill, en donnant la parole à ceux qui l’ont côtoyé au quotidien. Un reportage à lire absolument pour comprendre comment il est devenu un phénomène mondial et pourquoi il a aussi bien fonctionné partout dans le monde. Pour y accéder, cliquez ici

VOUS AIMEREZ AUSSI

Les plus populaires